La Nation Bénin...
Alors
que l’Afrique fait face à une dette publique croissante, des voix ne cessent de
s’élever pour un changement de paradigme. Cinq axes ont été proposés lors de la
première Conférence de l’Union africaine sur la dette, tenue le 12 mai dernier
à Lomé, pour restaurer la souveraineté budgétaire du continent. Une vision à
laquelle le Bénin apporte déjà des réponses concrètes.
L’Afrique
est à la croisée des chemins. D’un côté, une dette publique croissante, souvent
perçue comme un piège compromettant la stabilité économique ; de l’autre, une
aspiration forte à bâtir des économies souveraines, capables de financer les
ambitions des pays africains et leur avenir. Face à ce dilemme, des
propositions émergent pour restaurer la souveraineté budgétaire du continent et
faire de la dette un outil au service du développement. Cinq impératifs ont été
exposés à la première Conférence de l’Union africaine sur la dette pour transformer
la dette africaine en levier de développement. Un nouveau pacte de souveraineté
financière, auquel des États comme le Bénin apportent déjà des réponses
concrètes et qui montrent la voie vers une gouvernance responsable, productive
et adaptée aux défis du développement.
A
cette tribune, Claver Gatete, secrétaire exécutif de la Commission économique
pour l’Afrique indique que la dette doit désormais être un outil de
développement productif. Loin de rejeter le recours à l’endettement, il entend
mettre l’accent sur l’usage stratégique des emprunts. Le Bénin illustre bien
cette logique, avec des eurobonds levés pour financer des projets structurants
dans les domaines de l’énergie, de l’assainissement, de l’éducation ou encore
de la santé. En 2021, le pays a innové en émettant le premier eurobond durable
d’Afrique, destiné exclusivement à des investissements à impact social et
environnemental, marquant ainsi une rupture avec l’endettement destiné à la
seule consommation. Claver Gatete évoque aussi le renforcement de la
transparence et la gestion responsable. A l’en croire, une dette mieux gérée,
c’est une dette mieux assumée.
Au
Bénin, cette exigence s’est traduite par la mise en place d’un cadre de gestion
rigoureuse, renforcé par une politique de publication régulière des données sur
l’endettement et des rapports d’audit indépendants. Le pays est cité dans
plusieurs études internationales pour ses efforts de transparence budgétaire,
renforçant ainsi la confiance des partenaires techniques et financiers. Ce qui
a permis d’ailleurs l’entrée en bourse de deux entreprises béninoises et la
projection d’autres dans les mois à venir.
Réformer, innover, mobiliser
La
Commission économique pour l’Afrique propose également de réformer
l’architecture financière mondiale. A ce titre, Claver Gatete appelle à
repenser les règles du jeu globales, souvent défavorables aux pays africains.
Si les marges de manœuvre nationales restent limitées sur ce plan, il plaide
pour une réforme du Cadre commun du G20 et la création rapide d’une agence
africaine de notation de crédit, mieux adaptée aux spécificités économiques et
sociales du continent. L’innovation dans le financement durable et climatique
est la quatrième clé proposée, en ce sens que l’Afrique ne peut plus se contenter
des mécanismes traditionnels de financement. Le Bénin a pris une longueur
d’avance en intégrant les obligations vertes dans sa stratégie budgétaire.
L’émission d’un eurobond durable à long terme en est une preuve tangible, tout
comme sa participation à des mécanismes internationaux d’échange dette-climat.
Dans ce sens, le Bénin a abrité en 2024, une table ronde internationale sur le
financement climat, en collaboration avec la Banque mondiale et le Fonds
monétaire international (Fmi). Ces initiatives visent à concilier résilience
climatique et réduction de la dépendance à l’endettement classique. La dernière
clé proposée est l’intensification de la mobilisation de ressources internes.
Pour restaurer leur souveraineté, les États africains doivent générer davantage
de ressources sur le plan national. Le Bénin a lancé ces dernières années une
réforme en profondeur de son système fiscal, avec une digitalisation massive
des services, une lutte accrue contre les fraudes et une politique
d’élargissement de l’assiette fiscale. Des avancées qui s’accompagnent du
renforcement du marché financier régional, où le Bénin figure parmi les
émetteurs les plus actifs et réguliers. « N’oublions pas la Zlecaf qui demeure
la réponse structurelle la plus puissante de l’Afrique », rappelle Claver
Gatete. Le Bénin mise sur son potentiel industriel, notamment via la Zone
économique spéciale de Glo-Djigbé, pour renforcer ses recettes d’exportation,
créer de la valeur ajoutée locale et limiter les déficits.
Les propositions de la Commission économique pour l’Afrique sont en cours d’implémentation dans des pays qui ont compris que la souveraineté budgétaire passe par la responsabilité et l’innovation. Le Bénin, à travers ses réformes et ses choix stratégiques, démontre qu’un autre modèle est possible. Un modèle où la dette devient un outil maîtrisé au service du progrès.