La Nation Bénin...
La
dépression chez les jeunes étudiants de la diaspora est un sujet de plus en
plus préoccupant, notamment en raison des défis uniques auxquels ceux-ci sont
confrontés. Loin de leur pays d’origine, ces étudiants doivent s’adapter à un
nouvel environnement culturel, souvent sans le soutien direct de leurs familles
et de leurs amis.
Vivre
dans un pays étranger implique de s’adapter à de nouvelles normes sociales, des
pratiques académiques différentes et parfois une langue étrangère. Cette
transition peut être déstabilisante, surtout pour ceux qui n’ont jamais vécu
loin de chez eux. De plus, se retrouver seul dans un pays étranger peut
entraîner un isolement social. Les étudiants de la diaspora peuvent avoir du
mal à se faire de nouveaux amis ou à s’intégrer dans des groupes sociaux, ce
qui peut augmenter leur sentiment de solitude.
La
dépression, selon Nadine Fagnissè Délé, coach juvénile et formatrice en
parentalité positive, est en réalité une maladie psychique liée à de nombreux
facteurs psychologiques, biologiques et environnementaux. Elle se traduit par
des perturbations régulières de l’humeur et peut affecter fortement la vie
quotidienne. Elle ne désigne pas un simple coup de déprime ou une tristesse
passagère mais une véritable pathologie qui mérite une prise en charge
adéquate.
La
dépression chez les adolescents, les jeunes et spécifiquement, chez les
étudiants est un phénomène de plus en plus préoccupant, souvent déclenché par
des facteurs d’adaptation, personnels, financiers, sociaux ou académiques.
Les
symptômes de la dépression chez les étudiants et ceux de la diaspora en
particulier se traduiraient, à son avis, par une perte d’intérêt pour les
activités auparavant appréciées, des troubles du sommeil, des changements
d’appétit, une baisse de l’énergie, des difficultés de concentration, des
sentiments de désespoir, et même des pensées suicidaires. Ces symptômes peuvent
perturber gravement leur capacité à fonctionner dans leur vie quotidienne et à
réussir dans leurs études.
Par
ailleurs, la pression pour réussir, les attentes élevées, la charge de travail
excessive, et les préoccupations financières contribuent à un sentiment
accablant de stress et d’angoisse qui peut engendrer la dépression chez le
jeune.
En
outre, être loin de sa famille et de son milieu habituel, de ses soutiens
habituels, la barrière linguistique, la différence des habitudes de vie peuvent
exacerber les sentiments de solitude et d’isolement et conduire à une
dépression.
Confidences
Jaurès,
étudiant béninois en ingénierie informatique au Maroc, partage son expérience
troublante qui l’a conduit à bien de vices et a failli le pousser au
suicide : « Je vis au Maroc où j’étudie et travaille par la même
occasion. Je suis en fin de cycle universitaire et je sors avec une Ivoirienne
depuis quatre ans. » Jaurès confie avoir commencé sa descente aux enfers à
partir du mois de juillet de cette année. Sa relation sentimentale avec Audrey
s’est soldée par un échec cuisant suite à une infidélité de cette dernière.
Bien que soupçonnant le fait, il n’avait pas de preuves jusqu’au jour où il
voit sa bien-aimée attablée dans un restaurant avec celui qui était en ce
moment-là, son patron à lui. « J’ai
sombré dans l’alcool et la cigarette alors que j’étais totalement non-fumeur.
N’eût été l’intervention musclée de certains amis, je serais devenu accro de la
cigarette et de tous types de produits euphorisants juste pour oublier la
trahison de ma copine. » explique-t-il. La situation a peu à peu détruit
plusieurs relations sociales autour de lui alors qu’il plongeait dans le
gouffre sans fin de la dépression. A cette peine indicible, s’ajoutent les
difficultés financières, la discrimination et l’isolement, fardeaux, bien
souvent, communs aux étudiants en pays étranger. De plus, l’intéressé affirme
que la pression familiale au regard des espoirs fondés sur lui en tant qu’aîné,
ne lui rend pas la tâche aisée. Le stress est quasi permanent avec son lot de
malaises physiques, mentaux et comportementaux. « Heureusement, je
bénéficie du soutien moral de mes amis, ce qui m’aide à tenir le coup. J’ai
décidé de me tourner vers la prière pour trouver la force de ne pas abandonner.
C’est vraiment dur, mais je continue à lutter. » conclut Jaurès.
Jaurès
n’est pas un cas isolé. Ailleurs, sous d’autres cieux, Elvis connait presque
les mêmes troubles. Il vit au Canada depuis 2022 où il étudie la communication
publique : « À partir de mars, j’ai vécu une période difficile après
la fin d’une relation qui m’a profondément démoralisé, car elle manquait de
réciprocité. » avoue-t-il. Cet événement a eu un impact négatif sur ses
études, lui ôtant toute force mentale pour continuer à travailler. Sans faire
exprès, Elvis a commencé petitement à s’isoler, préférant la solitude. Les
seuls moments de réconfort et de chaleur humaine étaient ceux partagés avec des
amis très proches « Cet épisode de ma vie, m’a davantage rapproché de
Dieu ». Elvis a la nostalgie de sa famille biologique, surtout de sa mère
et de ses frères, que la distance ne lui permet pas de voir et de pouvoir
serrer dans ses bras comme par le passé. Pour lui, c’est l’une des plus grandes
thérapies au monde. « Il arrive des jours où je n’ai rien. C’est difficile
à croire mais c’est comme ça. Ces jours-là, je regrette d’avoir quitté Cotonou.
Même quand je n’avais pas le sou, il y avait toujours à manger à la maison.».
Dans le cas d’Elvis, le rythme académique est pressant, stressant et harassant.
De quoi augmenter l’envie de tout envoyer balader et revenir au bercail, mais
il a conscience que ses parents attendent de lui qu’il réussisse absolument et
il entend bien le faire. « Ma mère souffre beaucoup pour nous voir
réussir, mes frères et moi. Je n’ai pas le droit à l’erreur. Pour me doper
moralement, j’appelle soit ma mère, ma tante, mon oncle, soit un ami avec qui
je discute de longues heures au téléphone.»
Le
cas d’Adrianne est différent. L’étudiante béninoise en quatrième année de
médecine, vivant en Guinée Conakry, déprimait sans s’en rendre compte.
« C’est un médecin qui me l’a dit. J’évitais les interactions humaines. Je
me connectais de moins en moins et je ne sortais presque plus de chez moi. ».
Adrianne n’allait plus au cours pour ne plus être au contact des autres. Ce
qui, malheureusement, a dégradé les relations avec ses amis. « Mon plus gros défaut est que je ne
sais pas me confier aux gens. Mes problèmes, je les gère seule comme je le
peux. »
Elle
estime, avec du recul que son état dépressif serait dû, entre autres, à la
séparation d’avec sa famille et ses amis ; la différence culturelle ;
la barrière de la langue et la pression académique. « Personnellement, je
n’ai parlé de mon mal-être à mes proches, qu’une fois m’être sentie mieux.
J’avais un ami qui a été inconditionnellement présent pendant ces moments
sombres.».
Fort
heureusement, Adrianne a été suivie par un médecin pour surmonter sa
dépression. « Au début, je répondais à une série de questions qu’il me
posait. Après, il me demandait de parler de mon problème. Au début, c’était
compliqué d’en parler mais au fur et à mesure que le temps passait, j’étais
plus à l’aise à me confier. »
Ces
témoignages viennent confirmer le diagnostic de Nadine Fagnissè Délé, coach
juvénile et formatrice en parentalité positive. Les causes de la dépression,
selon elle, chez les étudiants de la diaspora, seraient liées à la pression
académique. La pression pour réussir sur le plan académique est l’une des
principales causes de dépression chez les étudiants ; les attentes élevées
des parents, des enseignants et de la société en général peuvent provoquer un
stress intense. Les étudiants ressentent souvent une obligation de performer à
un niveau exceptionnel, ce qui peut engendrer de l’anxiété et un sentiment
d’échec en cas de résultats insatisfaisants. Il y a également la transition et
l’adaptation : pour de nombreux étudiants, l’entrée à l’université marque une
période de transition significative. S’adapter à un nouvel environnement, loin
de la famille et des amis, peut être un défi majeur. La solitude, l’isolement
et le mal du pays sont des facteurs qui peuvent contribuer à l’apparition de la
dépression.
Aussi,
faut-il noter que les soucis financiers sont une autre source de stress pour
les étudiants. Les frais de scolarité élevés, les coûts de logement et les
autres dépenses liées à la vie universitaire peuvent créer une pression
considérable. Certains étudiants doivent travailler à temps partiel en plus de
leurs études, ce qui peut entraîner de l’épuisement et un sentiment de
surcharge.
Il
ne faut pas omettre les problèmes personnels et relationnels : les relations
interpersonnelles (trahisons, déceptions amoureuses etc…) jouent un rôle
crucial dans la santé mentale des étudiants. Les conflits avec des amis, des partenaires
ou des membres de la famille peuvent engendrer du stress et de la dépression.
Prise
en charge de la dépression chez les étudiants
« En promouvant une culture de bien-être mental, passant par l’écoute active des proches, l’empathie et la bienveillance de l’entourage, nous pouvons aider les étudiants à réussir non seulement sur le plan académique, mais aussi personnellement et émotionnellement. », indique la coach juvénile. Elle propose quelques pistes tant pour l’intéressé(e) que pour ses proches notamment : être attentif aux signes d’alerte tels que la tristesse persistante, la perte d’intérêt, la fatigue, les pensées négatives récurrentes et les idées suicidaires ; Écouter le jeune sans jugement et l’encourager à parler à une personne avertie ou à un professionnel de la santé mentale ; veiller à ce qu’il adopte une routine saine comprenant une alimentation équilibrée, un sommeil suffisant et de l’exercice physique régulier ; entretenir avec les écrans, jeux vidéo et les réseaux sociaux un rapport sain et équilibré ; Rassurer le jeune sur votre soutien inconditionnel.
En
étant présents et en offrant un soutien approprié, Nadine Fagnissè Délé,
spécialiste de la psychologie juvénile, pense que les parents, proches et
enseignants pourront aider les étudiants à surmonter la dépression et à
retrouver une vie équilibrée et épanouissante.
De
plus, elle préconise la thérapie, sous ses diverses formes, par des
professionnels, une méthode qui offre des outils précieux pour aider les
étudiants à surmonter leurs défis mentaux et émotionnels. Il est crucial de
reconnaître les signes de dépression chez ces étudiants, car ils peuvent
souvent passer inaperçus. Parmi les symptômes les plus courants, on retrouve:
un sentiment persistant de tristesse ou de désespoir ; une perte d’intérêt
pour les activités autrefois appréciées; des troubles du sommeil, comme
l’insomnie ou l’hypersomnie; des difficultés à se concentrer ou à prendre des
décisions ; des changements dans l’appétit ou le poids ; des pensées
suicidaires ou des actes d’automutilation.
La dépression chez les jeunes étudiants de la diaspora est un problème complexe qui nécessite une approche globale pour être abordé efficacement. En reconnaissant les signes avant-coureurs, en offrant un soutien adéquat et en créant un environnement accueillant, nous pouvons aider ces étudiants à surmonter les défis auxquels ils sont confrontés et à réussir dans leurs études et leur vie personnelle.