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Alors que la guerre civile au Soudan entre dans sa troisième année, la ville d’El-Fasher, dernier bastion tenu par l’armée régulière dans le Darfour, est au bord de l’effondrement. Sous siège depuis plus de 500 jours par les Forces de soutien rapide (Rsf), la capitale du Nord-Darfour est aujourd’hui l’épicentre d’une crise humanitaire que les Nations Unies qualifient de «pire au monde ».
Dans un communiqué publié le 21 septembre, le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, s’est dit « gravement alarmé » par la dégradation rapide de la situation à El-Fasher. « Les civils continuent de payer le prix de ce conflit dévastateur. Les combats doivent cesser immédiatement», a-t-il insisté, appelant à un accès humanitaire sûr et sans entrave, ainsi qu’à la protection des populations piégées par le siège.
Le chef de l’Onu a réitéré son appel à un cessez-le-feu immédiat et exhorté les parties à « s’engager dans un dialogue sincère » afin d’ouvrir la voie à une solution politique durable. Il a également précisé que le risque de violences à caractère ethnique augmentait à mesure que les combats se rapprochent du cœur d’El-Fasher.
La situation est particulièrement critique dans les camps de déplacés. A Abu Shouk, la majorité des résidents ont fui ces dernières semaines sous l’effet des bombardements et des incursions armées. Vendredi 19 septembre, une frappe de drone a visé la mosquée Al-Safiya pendant la prière de l’aube, tuant au moins 75 fidèles, dont plusieurs enfants, selon l’armée soudanaise. L’attaque a également détruit un camion-citerne soutenu par l’Unicef. L’agence onusienne a dénoncé une « violation intolérable du droit international », tandis que le président de la Commission de l’Union africaine, Mahmoud Ali Youssouf, a condamné un «crime odieux ». Denise Brown, coordinatrice humanitaire des Nations Unies au Soudan, a dénoncé « l’horreur » de ce nouvel épisode, soulignant que des dizaines de civils avaient péri alors qu’ils priaient.
Exécutions sommaires, violences et ruine
Un rapport de l’Onu dresse un tableau particulièrement sombre du premier semestre 2025 :
3 384 civils ont été tués, souvent lors d’attaques indiscriminées dans des zones densément peuplées, mais aussi en dehors des combats. L’Onu fait état d’au moins 990 exécutions sommaires documentées entre février et avril 2025, trois fois plus que les mois précédents.
Des témoins ont affirmé avoir vu des adolescents de 14 ou 15 ans abattus par les forces gouvernementales, accusés d’appartenir aux Rsf. Des vidéos authentifiées montrent par ailleurs des combattants des Rsf exécutant sommairement une trentaine d’hommes en civil à Omdourman. Le rapport souligne aussi la persistance d’un recours systématique aux violences sexuelles, utilisées comme arme de guerre.
Les humanitaires tirent la sonnette d’alarme : la famine guette El-Fasher, privée d’approvisionnements essentiels. Selon l’Unicef, plus de 600 000 personnes ont été déplacées depuis l’été. Le système de santé est aussi exsangue : 80 % des structures médicales dans les zones de conflit sont hors service. La propagation du choléra aggrave la situation : plus de 2 500 décès ont été recensés et 100 000 cas suspects identifiés. « Le Soudan fait face à sa plus grave flambée de choléra depuis des années», prévient José Luis Pozo, responsable des opérations du Cicr. Les équipes médicales locales, débordées, peinent à traiter les patients dans des centres surchargés.
A la veille de l’ouverture du segment de haut-niveau (23-27 septembre) de la 80e Assemblée générale des Nations Unies, le premier ministre soudanais, Kamil Idris, a annoncé son intention de porter la situation d’El-Fasher devant les chefs d’Etat réunis à New York. Antonio Guterres a, de son côté, appelé à une « action internationale concertée» et indiqué que son envoyé personnel, l’Algérien Ramtane Lamamra, restait disponible pour faciliter un processus politique inclusif.
La Cour pénale internationale a déjà averti, en juillet, qu’elle disposait d’éléments indiquant la commission de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité au Darfour. Pour l’Onu, seule une réponse coordonnée de la communauté internationale pourra briser le cycle d’impunité et ouvrir la voie à la paix.
Une femme fouille les restes brûlés de son abri dans un camp de déplacés au Darfour, au Soudan