La Nation Bénin...
La filière riz s’affirme comme un levier incontournable
de souveraineté alimentaire, de transformation industrielle et de création
d’emplois au Bénin, dans un contexte où la consommation nationale dépasse
largement la production locale, obligeant le pays à recourir à des importations
massives.
Acquis pour un montant de 428,5 milliards de francs Cfa représentant 1 813 032,6 tonnes, le riz est resté en 2024 le principal produit importé au Bénin. Il représente à lui seul 20,1 % des importations totales de marchandises, avec une hausse de 8,2 % par rapport à 2023, selon les données de l’Institut national de la statistique et de la démographie (Instad).
Malgré les efforts de production réalisés ces dernières
années, le Bénin continue de faire face à un déficit structurel en matière de
riz. La tendance s’est confirmée au début de l’année 2025, le produit le plus
acquis à l’extérieur au premier trimestre restant le riz semi-blanchi, qu’il
soit poli, glacé, étuvé ou en brisures. Les volumes ont connu une progression
de 14,5 points de pourcentage par rapport au dernier trimestre de 2024 et de
28,8 points en glissement annuel.
Pendant ce temps, la production nationale de riz paddy a
chuté à 492 626 tonnes en 2023, en recul de 6,2 % par rapport à la campagne
précédente qui avait enregistré un record de 525 014 tonnes, selon la direction
des statistiques agricoles du ministère de l’Agriculture (Dsa/Maep)..
Pourtant, la Stratégie nationale de développement de la
riziculture de deuxième génération (Sndr II), couvrant la période 2019 à 2025,
ambitionnait de porter la production à 1 000 000 tonnes dès 2022, puis à 1 331
000 tonnes en 2025, soit l’équivalent de 865 150 tonnes de riz blanc.
Rendement faible et insécurité
Pour atteindre cet objectif, le gouvernement misait sur
l’emblavement de 215 000 hectares, soit 57 % du potentiel rizicole national, et
sur une augmentation du rendement moyen de 3,5 à 5,5 tonnes à l’hectare. Dans
cette dynamique, un mémorandum d’entente a été signé en 2021 avec l’Association
des producteurs de riz du Nigeria (Rifan), en vue de mutualiser les expertises
et booster la production nationale par transfert de technologie et de bonnes
pratiques.
Aujourd’hui, l’ambition de produire un million de tonnes
de riz tout en assurant sa transformation et sa commercialisation reste en
grande partie à concrétiser. Cette lente progression est en partie liée à la
baisse des rendements qui sont passés à 3,73 tonnes par hectare en 2023, contre
une moyenne de 3,85 tonnes sur la période 2018–2022. Elle s’explique également
par la réduction des superficies emblavées, affectées par l’insécurité dans
certaines zones du nord du pays.
Le développement de la filière repose actuellement sur sept pôles de développement agricole. Les zones rizicoles les plus productives sont localisées dans l’Alibori avec 55 % de la production nationale, suivi de l’Atacora et des Collines qui en assurent respectivement 15 %. Les bassins rizicoles majeurs se situent à Malanville-Karimama, dans l’Atacora Ouest, à Glazoué-Dassa et dans les régions des fleuves Ouémé, Mono et Couffo. La superficie emblavée a plafonné à 134 840 hectares durant la campagne 2022–2023. Ce déficit de production traduit les limites de la transformation locale et la faible structuration des maillons intermédiaires de la chaîne de valeur.
Opportunités à fort effet multiplicateur
Autrefois aliment de luxe essentiellement consommé les
jours de fête, le riz s’impose aujourd’hui comme la deuxième céréale la plus
consommée au Bénin après le maïs. Il occupe une place de plus en plus
importante dans l’alimentation quotidienne des populations, avec une
consommation moyenne estimée entre 25 à 30 kg par habitant par an, soit au
total entre 175 000 et 210 000 tonnes. Plus de 80 % de ces besoins sont
couverts par les importations.
Le riz contribue à hauteur de 532 kilocalories par
personne et par jour dans l’alimentation béninoise, sur une ration quotidienne
optimale estimée à 3 000 kilocalories. La filière présente donc un fort effet
de levier sur la sécurité alimentaire, les revenus ruraux et la balance
commerciale.
Le riz cultivé au Bénin alimente une grande diversité de
produits transformés : riz blanc, riz étuvé, farine, atassi, bouillie, pâte
(sodji), riz soufflé, ablo, lait, vinaigre, sirop, bière ou encore papier de
riz. Le sous-produit appelé “balle de paddy” est également valorisé pour la
production d’énergie, d’engrais organiques ou de matériaux isolants. Ces chaînes
de valeur recèlent de nombreuses opportunités de création de valeur et de
rentabilité. Encore faut-il que les investissements soient davantage orientés
vers l’irrigation, la mécanisation, les infrastructures de transformation et
l’organisation commerciale.
Le principal frein au développement reste la faiblesse des unités de transformation modernes. La majorité des opérateurs évolue dans l’informel et manque d’équipements adaptés, de financements et d’accès à des marchés structurés. Par ailleurs, l’encadrement agricole reste insuffisant, tout comme la gouvernance de la filière qui peine à harmoniser les interventions des producteurs, transformateurs, commerçants et institutions.
Une richesse de produits dérivés
Le secteur de la transformation est fortement dominé par
les femmes qui représentent 94 % des transformateurs, selon l’Observatoire du
Commerce, de l’Industrie et des Services (Ocis) de la Chambre de Commerce et
d’Industrie (Cci) du Bénin qui a consacré une Analyse d’opportunités à la
filière riz (Ocis, octobre 2024). Majoritairement non scolarisées (73 %), ces
actrices animent des micro-unités souvent informelles, centrées sur l’étuvage,
le décorticage et la mise en marché.
L’étude souligne le rôle clé des modèles intégrés comme
les Entreprises de services et organisations de producteurs (Esop), ces
sociétés à responsabilité limitée qui allient transformation,
contractualisation avec les producteurs, accompagnement technique et incitation
à la qualité. A titre d’exemple, les organisations paysannes de Tchetti et
Kpataba ont exporté avec succès 48 tonnes de riz équitable vers la Belgique, en
partenariat avec le distributeur Colruyt.
Des unités semi-industrielles comme Songhaï, Soderiz, Cafrop ou encore la Rizerie du Crr-Mx, offrent également des références solides pour structurer le segment transformation et stimuler la compétitivité locale.
Le Bénin serait en position d’autosuffisance alimentaire de riz à partir de 2022