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Editorial de Paul Amoussou: Limiter, pour le meilleur et le pire?

Chroniques
Editorial de Paul AMOUSSOU Editorial de Paul AMOUSSOU

La limitation du nombre de mandats présidentiels est devenue un fétiche en Afrique! C’est le gage démocratique devenu un écueil contre lequel l’opinion, majoritaire sans doute sur le continent, envoie échouer, psychologiquement ou physiquement, tous ceux qui veulent passer outre cet épouvantail. Preuve d’une démocratie qui marche bien?  Rien de tel que l’alternance au sommet de l’Etat pour en attester? C’est-à-dire un président qui fait au mieux, de préférence selon une opinion bien établie, deux mandats et cède place. Et l’honneur de la démocratie est sauf, croit-on ainsi savoir !

N’empêche que cette mesure qui paraissait salutaire contre toutes velléités despotiques, est devenue un problème en soi, dès lors qu’elle crispe et cristallise les attentions à chaque fin de règne marquée ou non par une tentation ouverte de réviser la Constitution pour sauter ce verrou auquel les opinions se sont attachées. Pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur étant de se séparer d’un dirigeant médiocre et falot. Mais l’on peut regretter le départ d’un président qui a marqué positivement les esprits. Aussi, ladite limitation se révèle une solution trompe-l’œil si l’on part du postulat que la démocratie est le libre choix, car la limitation du nombre de mandats s’érige en puissance contraignante d’une certaine manière: le peuple n’opère plus son libre choix par censure ou reconduction d’un ancien régime ou par adoubement d’un nouveau système.

Par   Paul AMOUSSOU, le 11 août 2025 à 07h23 Durée 3 min.
#éditorial de Paul Amoussou

L’alternance, il est vrai, a ceci de superbe qu’elle permet de régénérer ou de mettre fin à une gouvernance médiocre. Point besoin d’en limiter l’accès pour faire valoir une telle faculté. Encore qu’il en faut davantage pour se convaincre de l’assise, de la qualité d’une démocratie. Sinon, que fait-on de l’effectivité de l’État de droit, de la puissance publique dont la mobilisation passe par l’observation des normes légales, une bonne administration de la justice, la transparence à maints égards et non pas qu’à travers les élections...Et surtout la satisfaction de la demande sociale, finalité de toute action politique. 

 

Le propos, ici, est que alternance politique ne rime pas avec limitation du nombre de mandats, même si ce verrou permet de freiner, de contenir les velléités d’un pouvoir qui se voudrait sans frein, voire despotique, de lutter contre la tentation d’un règne éternel, qui anime hélas bien souvent les acteurs politiques en Afrique.

La limitation se révèle ainsi un artifice plus qu’un artéfact démocratique. Au mieux, et par défaut, c’est un mécanisme de régulation, justifiable par la faiblesse de nos édifices institutionnels et juridiques, ajoutée à un état d’esprit mauvais quant à la gestion de la chose publique. Le fair-play n’étant pas ce qui caractérise le plus nos acteurs politiques, qui ne s’illustrent souvent pas par leur vertu à respecter les règles, en l’occurrence celle démocratique portant alternance politique, on n’a pas trouvé mieux de les y contraindre que la limitation du mandat présidentiel. 

Pour autant, cela n’empêche aucunement la suspicion qui ne quitte jamais les opinions publiques en Afrique, à l’approche de chaque fin de mandat: partira-t-il? Ne partira-t-il pas? Une question devenue existentielle, et qui n’est pas sans perturber le jeu démocratique en Afrique, stressant l’opinion publique, même sans cause, et détournant tout un pays des préoccupations essentielles.

Que la limitation de mandats soit inscrite en marbre dans la Constitution n’y change rien, comme actuellement au Bénin où, sans que personne ne le lui demande, le président Talon choisit de corser le verrou en inscrivant dans la loi fondamentale que “...nul ne peut de son vivant exercer plus de deux mandats...”. Il se trouve pour autant, y compris parmi ses soutiens politiques, des Thomistes qui attendent de le voir partir de leurs yeux avant d’y croire ! C’est consternant, à titre illustratif, de noter l’interrogation résolue chez certains Béninois qui s’étonnent de la poursuite d’autant, disent-ils, de chantiers infrastructurels publics, alors même que Patrice Talon est sur le départ. Preuve manifeste, jure-t-on, qu’il va se donner une deuxième vie pour demeurer au pouvoir après 2026! Un nouveau départ pour l’homme du Nouveau départ daté en 2016? Rien de plus absurde, à moins d’un cataclysme!

Pourtant, rien, même pas les explications pédagogiques empruntant avec sagacité la sémantique pour distinguer un deuxième mandat d’un second, ne suffirait à lever le doute chez ces mécréants ! Hommes et femmes de peu de foi, qui tireront leur seule excuse, cependant, du monde incertain dans lequel nous vivons. Avec il est vrai un environnement politique régional des plus mouvants et évanescents, marqué par des putsches et des mascarades électorales! Le Bénin reste, cependant, un cas à part depuis le Renouveau démocratique en Afrique: la seule conférence nationale aboutie, l’alternance au sommet de l’Etat toujours sans heurt. Aucun autre pays ne peut prétendre sur le continent à un tel tableau de bord sociopolitique. L’histoire continue

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