La Nation Bénin...
Directeur
exécutif de l'Ong Jeunes Volontaires pour l'environnement au Bénin (Jve Bénin),
Carin Karl Atondé est aussi le coordonnateur de la Caravane nationale pour la
justice climatique du Bénin. Dans cette interview, il revient sur les raisons
qui ont motivé l’organisation de la Caravane et les messages que les
caravaniers souhaitent transmettre aux autorités béninoises.
La
Nation : Vous organisez, en collaboration avec d’autres associations la
Caravane nationale pour la justice climatique du Bénin, rappelez-nous les
raisons qui sous-tendent une telle initiative ?
Carin
Karl Atondé : Nous avons décidé depuis 2022 de réaliser cette initiative de
caravane afin de pouvoir appeler à la justice climatique pour nos communautés.
La Caravane africaine pour la justice climatique se tient dans plus d'une
vingtaine de pays d'Afrique qui organisent leur caravane nationale. Le Bénin
n’est pas en marge de cela. C'est pour cela que nous conduisons chaque année
cette caravane. Et cette année, nous avons la Caravane nationale qui doit se
tenir au cours du mois d'octobre en marge de la prochaine Conférence des
parties (Cop) 30.
Qu’est-ce
qui a motivé une telle initiative ? Tout est parti des marches pour le climat
que nous avions organisées en 2021 pour appeler à limiter le réchauffement
climatique à 1°C/1,5°C tel que cela était demandé dans l'accord de Paris. Et
donc, après ces marches, en 2022, la marche s'est transformée en caravane pour
sillonner plusieurs pays d'Afrique. Donc, il y a eu des caravanes nationales
qui ont été organisées dans une vingtaine de pays d'Afrique. Après ces
caravanes nationales, il y a des étapes sous-régionales de plaidoyers et des
étapes continentales. Et le point de chute de la Caravane pour la justice
climatique est la Cop, chaque année. Nous avons mené cette initiative en 2022,
2023 et 2024. Cette année, la Caravane africaine pour la justice climatique a
été officiellement lancée lors de la conférence des ministres de l'Afrique pour
l'environnement qui s'est tenue à Nairobi, au Kenya. Au cours de la conférence
et du Regional consultative meeting, la réunion des Osc, nous avons
formellement et officiellement lancé la Caravane 2025 vers la Cop 30. Cette
initiative est guidée par la nécessité pour nos pays africains d'appeler à la
justice climatique.
Comme
vous le savez, l'Afrique est très peu responsable des émissions de gaz à effet
de serre, mais nos pays se voient malheureusement être les plus vulnérables et
les plus impactés, les plus affectés par les changements climatiques. Si
l'Afrique n'émet que 4 % au total des gaz à effet de serre responsables des
changements climatiques, imaginez à quelle hauteur est-ce que notre pays, le
Bénin, y contribue. Le Bénin y contribue très peu, malheureusement, nous sommes
victimes de plein fouet des effets des changements climatiques.
Ce que soutient cette caravane, c'est d’appeler les pays riches, les pays du Nord, les entreprises pollueuses et toutes ces mégastructures qui sont responsables du réchauffement climatique, à aller vers la justice climatique pour nos communautés, pour nos populations, nos femmes, nos jeunes, nos agriculteurs qui subissent malheureusement les effets des changements climatiques. A côté de cela, la dette climatique, malheureusement, s'est alourdie pendant toutes ces années, pendant que les pays riches ne respectent pas du tout leurs engagements financiers. Donc, la Caravane pour la justice climatique est une initiative qui tend à faire entendre la voix des communautés, la voix des sans-voix, la voix de ces communautés qui ne peuvent pas se rendre justement aux réunions internationales de négociations sur les changements climatiques, mais qui ont un message à porter aux gouvernants, aux décideurs. La Caravane se fait leur porte-voix et leur intermédiaire afin de pouvoir demander réparation, demander justice climatique, demander à ce que les droits des peuples, les droits humains et également la question d'équité et d'inclusion soient pris en compte dans ces différentes négociations internationales qui se font à la Cop. Voilà ce qui motive véritablement cette initiative.
Qui sont les acteurs conviés à cette caravane nationale, comment va-t-elle se dérouler?
Les
acteurs qui sont conviés à cette caravane, c'est bien entendu toute la société
civile, toutes les organisations non gouvernementales, les organisations des
associations de jeunesse, les organisations qui œuvrent, militent dans le
domaine de l'environnement, des changements climatiques, mais aussi tous les
acteurs des médias qui sont très importants dans l'influence et l'amplification
du message. Tous ces acteurs sont conviés à la caravane nationale du Bénin.
Nous
à Jve Bénin, nous ne souhaitons pas faire de la caravane une activité, une
action de Jve. C'est pour cela que nous avons pris l'option de pouvoir créer
une coalition. Nous avons appelé la Coalition nationale pour la justice
climatique. La caravane est portée par la Coalition nationale pour la justice
climatique, qui est ce regroupement, ce creuset de toutes les organisations qui
souhaitent rejoindre le mouvement ou qui l'ont rejoint depuis 2022. A ce jour,
nous avons une cinquantaine d'Ong ou d'associations nationales qui font partie
du mouvement de la caravane et qui œuvrent chaque année à l'organisation de
cette caravane nationale. Pour le compte de cette année, nous avons lancé un
appel officiel pour lancer la caravane nationale du Bénin.
Au
cours de cet appel, les organisations qui souhaitent rejoindre le mouvement et
qui ne font pas partie de cette coalition nationale, pourraient manifester leur
intérêt en le rejoignant. Les actions de la caravane nationale vont à la base,
là où les communautés vivent les réalités, les répercussions des changements
climatiques. Ça passe par des activités de terrain, notamment des forums
nationaux, des forums locaux de dialogue, des focus groups, des réunions
communautaires, des activités de reboisement, des activités allant sur des
thématiques spécifiques et qui regroupent les communautés afin de faire
remonter leurs demandes, leurs informations, leurs différents messages qu'ils
souhaiteraient porter aux autorités nationales.
Partant
de ce niveau local, les activités se mettront en œuvre jusqu'à la grande
caravane qui doit s'organiser à Cotonou, qui a pour point de chute le ministère
du Cadre de vie et des Transports en charge du Développement durable et
principalement le point focal changement climatique, afin de pouvoir leur
transmettre officiellement la déclaration de la caravane pour la justice
climatique. Cette déclaration est nourrie et alimentée par les différents
éléments que les communautés souhaiteraient faire remonter en termes de
demandes, de messages. Idem lors des activités locales qui doivent se passer.
La déclaration sera transmise aux différentes autorités au niveau local,
notamment les mairies, les préfectures, etc. Même les chefs quartiers, chefs
villages seront impliqués.
C'est une caravane qui implique toutes les couches, même les chefferies traditionnelles sont impliquées. Il ne s'agit pas de l'action de Jve Bénin, mais ce sera l'action de la société civile béninoise à l'endroit de nos autorités, les négociateurs du Bénin qui doivent être présents à la Cop 30.
Quels messages souhaitez-vous transmettre à l’occasion de cette caravane ?
Les
messages que nous souhaitons porter sont de plusieurs ordres. Nous demandons
purement et simplement la justice climatique pour nos communautés. Cela passe
par un certain nombre d'éléments. Sur la question du financement, notre
message, c'est de pouvoir appeler les décideurs, les négociateurs à prendre des
actions concrètes, notamment concernant le financement climatique. Nous
demandons plus de financement pour l'adaptation de nos communautés face au
changement climatique. Nous demandons que le fonds pour les pertes et dommages,
qui a été acté lors de la Cop 29 soit opérationnalisé afin que nos communautés,
nos populations puissent bénéficier de ces fonds pour se relever des crises
climatiques telles que les inondations que nous vivons par exemple au Bénin,
dans nos régions du Mono et dans le bassin de l’Ouémé, et au nord du pays.
Donc, le fonds pour les pertes et dommages est un instrument essentiel dont les
pays comme le Bénin doivent bénéficier.
Toujours
sur la question du financement, nous avons appelé l'année dernière, à trois
trillions de dollars pour régler la crise climatique dans le cadre des nouveaux
objectifs financiers quantifiés. A l'occasion de la Cop, nous n'avons pas eu
ça. Nous avons eu 350 millions de dollars qui ont été promis et qui devraient
être échelonnés. Donc, nous demandons que les nouveaux objectifs quantifiés en
matière de financement climatique soient respectés.
Toujours
sur cette question de financement, l'une de nos demandes les plus importantes,
c'est que nous ne voulons plus des financements basés sur des prêts. Le prêt
alourdit et augmente la dette climatique pour nos pays. Nous voulons plutôt que
ça soit des dons. Et pour y arriver, il y a des voies toutes simples pour
pouvoir réussir, c’est en taxant les plus riches, en taxant les industries qui
sont responsables des changements climatiques et qui exacerbent les effets des
changements climatiques, en mettant en place des mécanismes qui permettent de
mobiliser des ressources au niveau de ces industries polluantes. Nous pouvons
réussir à obtenir du financement qui va aider les pays les plus vulnérables,
comme le Bénin, à faire face aux effets des changements climatiques.
Parmi nos demandes également, nous avons un aspect très important, qui est l’application du principe « pollueur-payeur ». Enfin, également dans le cadre de nos demandes, nous accordons une attention particulière à la question de transition juste vers les énergies renouvelables, transition juste vers l'agroécologie. Nous sommes convaincus que le 100 % énergies renouvelables, que les solutions basées sur l'agroécologie constituent la clé pour résoudre les questions climatiques aujourd'hui. Pour nous, il est important que nos pays, comme le Bénin le fait déjà si bien, ne choisissent pas l'option de la trajectoire de développement basée sur l’exploitation des énergies fossiles. Les énergies renouvelables constituent la clé et notre pays montre déjà l'exemple.
Avez-vous un appel à lancer à l’endroit des communautés et des autorités ?
Nous
appelons toutes les organisations de la société civile, de la jeunesse, et
autres à rejoindre la Caravane nationale pour la justice climatique et dont le
programme va être publié très bientôt. Nous appelons toutes les organisations,
les médias à pouvoir porter et supporter cette cause. Au cours de la Caravane,
nous souhaitons amplifier tous les messages que nous portons et la déclaration.
Donc, nous appelons les organisations de la société civile et les médias à
pouvoir accompagner la dynamique afin de faire entendre la voix des
communautés, la voix des sans-voix.
Nous
appelons également les autorités, nos décideurs, à pouvoir écouter les messages
et les porter haut et fort dans les négociations prochaines à la Cop 30. Nous y
serons également pour continuer à faire le plaidoyer que nous avons déjà
commencé au niveau national, au niveau local, au niveau continental. Nous
allons le porter également à la Cop 30, notamment lors du Sommet des peuples,
qui va se faire avant la Cop 30, mais aussi à la Cop 30. Et la Caravane ne
s'arrêtera pas là, parce que l'année prochaine, en 2026, il y a le Forum social
mondial qui doit se tenir à côté de nous, au Bénin. Donc, le Bénin accueillera le
monde et ce sera également l'occasion pour nous de faire entendre haut et fort
les demandes et les enjeux de la Caravane à ce Forum social mondial. Donc, la
Caravane est une action continue et nous appelons les décideurs, les
partenaires techniques et financiers à la soutenir.
La
Caravane s'organise chaque année et nous avons besoin de plus en plus de
partenaires pour accompagner le mouvement, pour rejoindre le mouvement et
porter haut et fort les idéaux, les messages et les demandes de nos communautés
à travers la Caravane pour la justice climatique. Il s'agit d'une action
planétaire, il s'agit d'une action continentale, il s'agit d'une action des
jeunes, portée par les jeunes, pour les jeunes et pour les communautés. Nous
appelons toutes les organisations, qu'elles soient nationales ou
internationales, à nous rejoindre.
Carin Karl Atondé