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Choix de filière après le baccalauréat: Un vrai casse-tête pour les apprenants

Education
L’émotion d’un rêve qui prend vie à côté de l’insouciance  de la suite du parcours L’émotion d’un rêve qui prend vie à côté de l’insouciance de la suite du parcours

Des milliers de jeunes élèves décrochent leur baccalauréat chaque année. Pour la plupart, cette période est également synonyme de doute et de beaucoup de réflexions sur la filière à choisir pour poursuivre les études universitaires.

Par   Josué CODJIA (Stag.), le 22 juil. 2025 à 07h17 Durée 3 min.
#Baccalauréat 2025

« Papa, je l’ai eu ! », « J’ai mon Bac ! », « Je vais enfin à université ! »… Autant de cris de satisfaction poussés par de jeunes bacheliers à l’annonce de leur réussite. Cet instant de bonheur intense marque pour beaucoup l’aboutissement d’un long parcours scolaire. Pourtant pour certains, cette euphorie est de courte durée. Très vite, la réalité de l’après-baccalauréat s’impose avec son lot d’incertitudes.

Face à la multitude de choix qui s’offrent à eux, nombreux sont les nouveaux bacheliers qui peinent à se décider et se retrouvent désemparés au moment crucial de l’orientation. «Ma période après-Bac était vraiment confuse. J'étais contente et en même temps, je ne savais pas quelle filière choisir à l'université», explique Natacha Adissotoun, bachelière de la série B en 2024. Cette période de transition, marquée par le manque d'accompagnement laisse de nombreux bacheliers désemparés. « Je n'avais pas une réelle idée de quoi faire après », a-t-elle poursuivi.

Cette même période difficile conduit certains à aller vers des filières avant de retrouver leur vrai chemin. C’est le cas de Landry Fangninou, bachelier de la série A2 en 2021 qui confie que c'est l'État qui l'a classé. «Je ne me souviens plus vraiment de comment les choses se sont passées, mais j'ai été classé à la Fadesp où j'ai eu à faire deux ans de droit puis après j'ai su que je voulais vraiment faire du journalisme », a-t-il avoué. Comme beaucoup de jeunes, les premières ambitions ne correspondent pas forcément à la véritable vocation. Cela peut  également conduire à mal s'orienter comme le confirme Stéphanie Lokossou, bachelière de la série A2 en 2023. « Ma première vocation avait toujours été d'être une femme de droit, mais lorsque j'ai vu toutes les possibilités que j'avais en face de moi, une autre filière m'a encore tentée. C'est de là que j'ai effectué une double inscription, mais finalement parmi les deux filières que j'ai choisies, c'est avec celle que je ne m'imaginais pas du tout que j'ai continué mes études », a-t-elle indiqué.

Accompagnement insuffisant

Selon Hermann Hounsou, professeur d'université, cette mauvaise orientation des nouveaux bacheliers peut être liée à des contraintes financières ou des contraintes d'ordre logistique. «Par exemple, lorsqu’un étudiant vit dans une zone où la filière qu’il souhaite intégrer est payante, et que ses parents n’ont pas les moyens financiers nécessaires, il est souvent contraint de se contenter d’une autre option. De même, si l’étudiant réside à Parakou mais que la filière désirée n’est disponible qu’à Cotonou, l’impossibilité de s’y installer peut l’amener à choisir une formation différente », explique-t-il.

Par ailleurs, un autre facteur à considérer est l’influence des amis. Certains élèves choisissent une filière simplement parce que leurs amis l’ont choisie également. De plus en plus, les décisions d’orientation ne reposent plus sur les aptitudes réelles de l’apprenant. « Contrairement aux pays développés où l’orientation scolaire tient compte du profil et des compétences de chacun, cette approche reste encore marginale dans notre contexte », précise le professeur. A l’endroit des parents, Hermann Hounsou conseille que lorsqu'ils sont avec leur enfant en dehors des heures de classe, ils doivent déjà déceler les points forts de ce dernier. «Si un enfant aime dessiner et est également bon en maths, on peut dire qu'il ferait un bon architecte par exemple, dans le même temps si l'enfant est très curieux et aime les sciences, par exemple on peut l'orienter vers l'informatique ou encore si un enfant aime la lecture et est très bon en langue on peut déjà l'orienter vers le journalisme, les lettres », souligne-t-il. D’où le rôle important des parents qui sont souvent avec les enfants pendant les vacances en lieu et place des enseignants qui jouent ce rôle au cours de l’année. « Ils doivent pouvoir inciter les enfants en leur parlant des métiers, en leur parlant des matières qui sont adaptées à tel ou tel domaine. Ils apportent l'information à l'enfant. Si vous êtes bons en sciences exactes, en biologie ou en lettres, voilà les portes qui pourraient s'ouvrir à vous. Et quand l'enfant a ces informations, il pourra échanger avec ses parents sur le sujet et cela pourrait influencer l'orientation de cet enfant », détaille le professeur Hermann Hounsou.

Guidé par l’intérêt

Aussi, si les parents n'ont pas l'information, ils ne peuvent pas orienter les enfants comme il le faut. Les dispositifs actuels ne suffisent pas à orienter les nouveaux bacheliers. Il est vrai que de plus en plus d’universités organisent des séances d’information à l’intention des futurs étudiants. Cependant, ce sont avant tout des entreprises qui entendent réaliser des profits. Leur objectif n’est pas nécessairement de guider le nouveau bachelier selon ses aptitudes, mais plutôt de l’orienter vers les filières qu’elles sont en mesure de lui proposer. Le véritable enjeu, c’est d’évaluer ses aptitudes dès le primaire, par exemple à partir de la classe de CM2 ou de la 6. « Il faut observer comment l’élève aborde les devoirs à la maison, par quelle matière il commence, comment il comprend les consignes, quelles disciplines le stressent, et celles dans lesquelles il s’épanouit. Certains élèves dorment pendant certains cours, mais sont parfaitement éveillés et attentifs durant d’autres. Ces signaux doivent être pris en compte très tôt », détaille l’éducateur.

Ainsi, les dispositifs d’orientation devraient s’étendre sur tout le cursus scolaire, du CM2 en Terminale. Il propose donc la mise en place d’un système de suivi des aptitudes de l’élève, basé sur l’intelligence artificielle. Car, estime-t-il, cela pourrait prendre la forme d’une application qui recueillerait régulièrement les observations des enseignants et les résultats de l’élève de la 6 en Terminale. Cette plateforme effectuerait un « checking » global pour identifier les tendances, les forces et faiblesses de chaque apprenant. « C’est un système complexe certes, mais il permettrait de proposer à chaque élève deux choix d’orientation cohérents avec son profil. Si les deux options proposées sont de même nature, cela signifierait que le travail d’analyse a été bien mené. En revanche, si les deux choix sont radicalement opposés, cela indiquerait que le suivi des aptitudes a été mal fait en amont », fait savoir le professeur Hermann Hounsou.