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Lagunimages 2025: Quand les femmes reprennent la caméra et investissent l’écran

Culture
En braquant ses projecteurs sur les femmes, Lagunimages ne célèbre pas seulement un  thème, mais ouvre la voie à un cinéma plus juste, plus attentif En braquant ses projecteurs sur les femmes, Lagunimages ne célèbre pas seulement un thème, mais ouvre la voie à un cinéma plus juste, plus attentif

Pour sa 11ᵉ édition, Lagunimages invite Cotonou à reconsidérer la place de la femme dans les récits cinématographiques. À travers 33 films en compétition, le festival veut ouvrir un débat nécessaire sur les images, les voix et les rôles au féminin.

Par   Josué F. MEHOUENOU, le 12 déc. 2025 à 10h02 Durée 3 min.
#Lagunimages 2025

Le cinéma béninois s’apprête à vivre un moment d’introspection. Pour sa onzième édition, le festival Lagunimages choisit de s’attaquer aux représentations féminines dans le septième art. Un enjeu central pour les créateurs comme pour le public. Le thème de cette édition est: « Nouveau regard, nouveau récit : la femme dans le cinéma contemporain ». Une orientation qui ambitionne d’interroger les représentations féminines et de célébrer celles qui font avancer cet art. Les mots «nouveau regard, nouveau récit » résonnent comme une promesse. Celle d’un cinéma qui interroge son histoire pour mieux écrire celle de demain, au prisme du regard féminin. Mardi dernier au siège de l’Adac, les organisateurs de ce festival de films ont posé les bases d’un débat aussi artistique que sociétal à savoir, qu’est-ce que le cinéma dit aujourd’hui de la femme, et comment peut-il raconter autrement? A travers ce choix, les organisateurs entendent ouvrir une conversation profonde sur la représentation féminine dans le septième art et les nouvelles perspectives qui s’écrivent aujourd’hui dans l’imaginaire cinématographique africain.

Face à la presse, Kate Djiwan, présidente de l’association Lagunimages est revenue à l’occasion sur la philosophie d’origine du festival, celle de faire du cinéma un bien accessible et partagé. « L’objectif principal du festival Lagunimages, c’est d’amener le cinéma auprès de la population qui ne connaît pas forcément grand-chose du cinéma et qui n’a pas forcément la possibilité d’aller dans les salles », rappelle-t-elle. Pour elle, il ne s’agit pas seulement d’exposer des films, mais d’ouvrir un espace d’accès, de dialogue et d’éducation. « Nous amenons le cinéma béninois auprès de la population béninoise », insiste-t-elle, soulignant l’importance d’un contact direct entre les œuvres locales et le public. Cette année, le choix du thème n’est pas anodin. Il résulte d’une réflexion sur les récits produits jusqu’ici et sur la nécessité d’interroger la place de la femme dans le cinéma. «C’est le lieu pour nous de créer une plateforme de débat autour de tout ce qui s’est fait depuis lors… », explique Kate Djiwan. «C’est également un moment pour célébrer la résilience des femmes, derrière ou devant la caméra », précise-t-elle.

Un tri exigeant

Programmée du 11 au 13 décembre, cette onzième édition s’annonce dense. Outre les projections, des ateliers de formation, des rencontres professionnelles et des échanges thématiques figurent au programme. L’événement prend une dimension internationale, renforçant la place du Bénin comme carrefour culturel et pôle dynamique du cinéma africain émergent. En choisissant de consacrer la présente édition à la femme dans le cinéma contemporain, Lagunimages s’inscrit dans un mouvement global mais y apporte une perspective locale, ancrée dans les réalités et les aspirations du continent. En ouvrant l’espace du débat, le festival offre une vitrine aux récits qui s’écrivent au féminin et crée une passerelle entre les créatrices, les professionnels et le public.

Le comité d’organisation a reçu de nombreuses œuvres, mais seules 33 ont été retenues pour la sélection officielle. Une réduction drastique mais nécessaire, comme l’a expliqué Copernec Gbaguidi, membre du comité. «Malheureusement, nous sommes sortis de ce comité avec seulement 33 films que nous avons envoyés en sélection officielle », confie-t-il. « Ce sont ces 33 films-là que les membres du jury ont regardés pour travailler… Vous aurez l’occasion de les voir dans cinq différents lieux de projection». Cette pluralité de lieux de projection répond à la volonté d’inclusion du festival. Il s'agit de toucher des publics variés, notamment là où les salles de cinéma sont rares.

Côté jury, on a aussi rencontré des défis. Sophie Metinhoué, professionnelle du cinéma, décrit un processus long et parfois douloureux. « Le plus dur a été de se coller au thème pour faire le choix », souligne-t-elle. « On a vu de très bons films hors-sujet. On a vu des films dont la qualité laissait à désirer, mais dont le thème collait pile-poil», déplore-t-elle aussi. Le jury a dû trouver un équilibre subtil. «Les débats ont été nombreux… On a fini par dégager les films lauréats », explique-t-elle, saluant la complémentarité des profils présents, techniciens, acteurs, réalisateurs. Pour Ange Rock Hounga, réalisateur et membre du jury, l’expérience a été marquée par la tension entre émotion personnelle et exigences professionnelles. «La plus grosse difficulté, c’est le choix personnel de l’émotion. Tu peux être très ému par un film mais techniquement il ne fait pas le poids », explique-t-il. «Même si votre histoire est belle, aujourd’hui c’est important d’avoir une bonne qualité d’image et de son », préconise-t-il.

En braquant ses projecteurs sur les femmes, Lagunimages ne célèbre pas seulement un thème. Le festival ouvre la voie à un cinéma plus juste, plus attentif, et peut-être, plus vrai.