La Nation Bénin...
La
nouvelle loi sur la chefferie traditionnelle comporte des innovations. Sa mise
en œuvre n’est plus qu’une question de temps et s’accompagnera de nombreuses
mutations et de divers avantages. Le gouvernement s’est ouvert sur le sujet,
vendredi 25 avril dernier à Cotonou.
La
loi sur la chefferie traditionnelle en est une qui porte cadre juridique des
royaumes. « C'est pour cela que nous avons catégorisé. Il y a des critères pour
être considéré comme un royaume. Les critères sont objectifs. Vous pouvez être
un chef traditionnel et ne pas remplir tous les critères pour être considéré
comme roi. Néanmoins, vous demeurez un chef traditionnel. Et c'est cela qui
amène la classification des chefs supérieurs. Si vous n'êtes ni royaume, ni
chefferie supérieure, ni chefferie coutumière, vous êtes ipso facto dans la
chefferie communautaire ». Jean Michel Abimbola se veut ainsi très précis sur
la compréhension qui se dégage de la nouvelle loi sur la chefferie
traditionnelle. « Nous ne découronnons personne. Si quelqu’un était présumé
roi, aujourd'hui nous ne lui disons pas qu'il ne faut plus vous promener avec
les attributs. Nous lui disons tout simplement vous n'êtes ni chef supérieur,
ni chef coutumier, ni roi, vous êtes chef communautaire », a bémolisé le
ministre face à la presse.
La
bonne nouvelle pour les dizaines de « rois » ou ceux qui jusque-là ont porté le
titre à tort, c’est qu’ils ne perdent pas tout. Ils sont considérés comme chefs
communautaires. Le travail scientifique et de clarification qui a conduit à
cette situation ne date pas d’hier, a aussi rectifié le ministre, rappelant que
l’Etat y travaille depuis des années et qu’il y a eu de nombreux travaux
rigoureux à propos. « C’est un travail de plus d'une décennie qui vient
d'aboutir ».
La
loi a aussi prévu de nouveaux organes, tout comme elle isole les rois de la
chose politique. Ils ne peuvent donc adhérer à un parti politique et ne doivent
pas être des élus. « Mais les rois demeurent des citoyens. On ne dit pas que le
roi ne doit pas voter, qu’il ne doit pas avoir son opinion, qu’il ne doit pas
être actif sur la scène politique. Il y a une nuance », rassure le ministre.
Mais autant le pouvoir valorise et redonne à la royauté son rang de prestige,
autant il n’entend pas la placer au-dessus de la République. « Nous sommes en
république. Il faut que ce soit très clair, sans hypocrisie, le Bénin n'est pas
un royaume. C’est parce que nous estimons qu'ils sont détenteurs d'un
patrimoine immatériel, détenteurs de la connaissance de nos us et coutumes, et
qu'ils ont un rôle à jouer dans cette valorisation de notre patrimoine, de
notre histoire, de notre culture, que la Constitution l'a constaté d'abord, et
que maintenant nous déclinons à travers la loi », selon Jean Michel Abimbola.
Au
regard des contestations dont elle fait l’objet, la loi N° 2025-09 du 03 avril
2025 portant cadre juridique de la chefferie traditionnelle a besoin d’être
expliquée aux chefs traditionnels et autres dignitaires, notamment ceux qui
s’estiment lésés du fait de la nouvelle loi.
Importantes clarifications
Bienvenu
Akoha, président de la Commission d’experts en charge des travaux scientifiques
qui ont servi de soubassement au texte, soutient que le travail scientifique
abattu par ses collègues et lui ne souffre d’aucune ambiguïté. « Nous avons
travaillé deux ans, sinon presque trois ans. Nous ne pouvions pas poser des
questions dont nous avions déjà la réponse. Nous avons mis sur pied dans la
commission les sous-commissions qui sont allées dans toutes les régions du pays
», explique-t-il. « Les colonisateurs sont venus dans ce pays en 1894. Ils ont
pris tout le Sud. En 1897, ils sont allés dans le Nord et nous ont vaincus. La
commission s'est occupée de savoir, à cette date précise, quels sont les
royaumes et les chefferies qu'il y avait », assure-t-il.
Autre repère, la nomination des chefs-cantons et autres agents administratifs dans les colonies d’alors. Ces acteurs essentiels dans la mission coloniale se seraient attribué des prérogatives qui, au fil du temps, ont laissé place à la confusion. Mieux, il y a eu aussi des incompréhensions liées à des terminologies qui ont donné à certains l’illusion de royaumes qui, en réalité, n’en sont pas, a expliqué Bienvenu Akoha. Les enquêtes se sont étendues aux archives nationales pour mieux cerner le domaine de compétences et l’étendue des pouvoirs des 150 chefs-cantons qui ont marqué la colonie du Dahomey.
«
Tous ceux qui se sont proclamés, autoproclamés rois, depuis après 1894 pour le
Sud, 1897 pour le Nord, nous ne les avons pas comptabilisés comme rois. Et au
moment où nous faisions notre travail, il y avait plus de trois cents rois »,
indique-t-il. De nombreux critères, selon l’universitaire, ont biaisé la
situation et la République, à un certain moment, est devenu otage. « Le
gouvernement a eu totalement raison. Il fallait savoir réellement qui est roi,
et qui n'est pas roi. Et la seule manière scientifique de le dire, c'est de
savoir quels sont les royaumes qui existaient à l'arrivée du colonisateur »,
assure-t-il. « Il fallait mettre fin à cette pagaille. Je pense que, en notre
âme et conscience, nous avons fait notre travail de façon très rigoureuse, avec
des critères qui sont tout à fait scientifiques », s’est-il félicité.
Paul Akogni, rapporteur de la commission, précise que c’est la loi 59-36 du 31 décembre 1959 qui a supprimé les cantons tandis que le décret du 14 avril 1960 dit clairement que tous ceux qui était chefs cantons, jusqu'à cette époque-là, pouvaient continuer leurs œuvres, mais ils ne sont pas remplacés à leur décès. L’administration cantonale n'est pas une administration de type traditionnel, nuance-t-il aussi.