Le père Rodrigue Gbédjinou, directeur de l’Ecole d’initiation théologique et pastorale, lève l’équivoque sur la polémique suscitée par la célébration catholique relative aux jumeaux. A la faveur d’une conférence de presse, animée samedi dernier à Cotonou, il fait observer que l’inculturation est une dynamique ecclésiale.
L’Eglise a-t-elle le droit d’avoir part à l’héritage culturel endogène ? C’est à partir de ce questionnement que le père Rodrigue Gbédjinou, directeur de l’Ecole d’initiation théologique et pastorale, a fait part de sa réflexion suivant quelques axes dont le défi de la culture et du culte en Afrique, la spécificité du panthéon endogène, la foi chrétienne entre culte et culture, ainsi que des modalités d’assomption des éléments culturels en pastorale.
Des explications du prêtre, on note que le culturel et le cultuel s’intègrent et s’assument, mais qu’il faut prendre garde à ne pas les confondre notamment dans un contexte multiconfessionnel, et cette distinction est assurée par la raison droite. « C’est d’ailleurs le travail opéré par tous les peuples par rapport à leur culture et même à leur culte. Nous aussi devons prendre le bon risque de soumettre à la raison droite les mythes de nos peuples… », a indiqué le père Rodrigue Gbédjinou, mentionnant que l’analyse des mythes par la raison droite constitue non seulement une exigence pour la foi chrétienne, mais aussi pour la vitalité de nos cultures. La cérémonie des jumeaux relève-t-elle du culturel ou du cultuel ?
Le prêtre fait d’abord observer que ce mystère biologique de la gémellité, qui suscite l'émerveillement, n’est pas propre à l’Afrique, et les dieux du panthéon endogène se retrouvent d’une manière ou d’une autre dans les autres panthéons grec ou romain, ou dans ceux des peuples environnant Israël. Dans le livre de Sagesse rédigé 50 ans avant J-C, il est relaté que vains par la nature, tous les hommes en qui se trouvait l’ignorance de Dieu, qui en partant des biens visibles, n’ont pas été capables de connaître celui qui est, et qui, en considérant les œuvres, n’ont pas reconnu l’artisan. Mais le feu, ou le vent, ou l’air rapide, ou la voûte étoilée, ou l’eau impétueuse, ou les luminaires du ciel, qu’ils ont considérés comme des dieux, gouverneurs du monde. Ainsi, la foi chrétienne ne peut se référer en termes de culte au panthéon endogène parce que basée sur le monothéisme ‘’un seul Dieu’’ et la monolâtrie ‘’tu adoreras’’. Et le prêtre relève que cette foi repose sur l’accueil et la suite du Christ dont l’incarnation s’est opérée avec des accents culturels.
La culture dans la prédication
« Le Fils de Dieu s’est inséré dans une culture qu’il a assumée en la purifiant de l’intérieur. Il a intégré la culture à sa prédication pour rejoindre l’Homme », fait savoir le père Rodrigue Gbédjinou. L’évangile dans son expression et dans sa rédaction a tenu compte de l’Homme et de sa culture. De sa proclamation surgit la question de la rencontre entre la foi et la culture, et ceci depuis Jérusalem : « Les païens convertis, fallait-il les circoncire et leur enjoindre d’observer la loi de Moïse ? » Ainsi, la polémique relative à la foi et à la culture n’est pas si nouvelle, soutient le prêtre en ajoutant que le fond chrétien est toujours demeuré à savoir la foi en un seul Dieu en trois personnes, le salut par Jésus-Christ, mort et ressuscité, l’amour comme modalité de la vie chrétienne.
L’Eglise s’intéresse à la culture endogène comme moderne parce que son message s’adresse à l’homme. Cet homme est père et fils de la culture qui est tout sauf figée. Et plusieurs pans de nos cultures ont été mis en valeur jusqu’à l’adoption du concept d’inculturation. Comment «atteindre et bouleverser par la force de l’Evangile les critères de jugements, les valeurs déterminantes, les points d’intérêts, les lignes de pensée, les sources inspiratrices et les modèles de vie de l’humanité qui sont en contraste avec la parole de Dieu et le dessein du salut ? ». L'Église répond à cette préoccupation. L’Evangile n’est pas une culture. Aussi, peut-elle s’intégrer à toute culture. Mais, prévient le père Rodrigue Gbédjinou, vouloir recopier en l’Eglise à tout prix, ce qui se fait aussi dans nos traditions, pourrait créer des ambiguïtés, au mépris de la foi authentique. L’élément culturel est d’abord à purifier, à l’aune de la Croix du Christ, et réellement à analyser pour atteindre son sens anthropologique originel, en tenant bien compte du facteur ‘’peur’’. « La pastorale doit libérer le peuple. La désintoxication ou la désactivation de la peur culturelle est une exigence pastorale actuelle. Et l’incul-turation est une œuvre de discernement ecclésial, sous la responsabilité de l’évêque diocésain », a expliqué le prêtre qui invite par ailleurs à travailler plus à l’inculturation des mentalités que des rituels.
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