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Conférence nationale : 27 ans après, où en sommes-nous ?

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Par   Collaboration extérieure, le 01 mars 2017 à 07h02

Le Bénin a traversé une profonde crise vers la fin des années quatre-vingt et comme pour parer au pire, le Général Mathieu Kérékou, alors grand camarade de lutte et président de la République, convoqua une conférence nationale dite des forces vives de la nation. Il s’agissait essentiellement de réunir dans la même salle, les acteurs politiques que sociaux, les intellectuels ainsi que les artisans du pays pour réfléchir sur la situation calamiteuse du Bénin et de trouver la thérapie nécessaire pour y remédier...

La tension était vive et perceptible. Une forte anxiété habitait chaque conférencier et débordait même par delà les clôtures de l’hôtel Plm Alédjo où se tenaient les assises. Ce n’était pas gagné d’avance. Tous ceux qui ont vécu cette période, se souviennent encore et il est bon de le faire savoir à ceux qui n’ont pas eu ce privilège. Le renouveau démocratique au Bénin n’a pas été un simple cadeau mais il a été gagné de haute lutte. 

En effet, les esprits ne se sont libérés qu’après l’historique discours du Président Mathieu Kérékou dont il me plaît ici de ressortir quelques extraits : « En cette séance solennelle de la clôture officielle des travaux de la conférence nationale, nous voudrions remercier et féliciter vivement tous les délégués qui n’ont ménagé ni leurs forces, ni leurs santés pour faire en sorte que l’impasse soit évitée et que les espérances du peuple béninois ne soient pas déçues. Aussi voudrions-nous une fois encore vous dire combien nous nous réjouissons de l’enthousiasme avec lequel vous avez massivement répondu à notre appel et de l’ardeur avec laquelle vous avez travaillé sans désemparer durant neuf jours et souvent tard dans la nuit. Nous tenons également et surtout à féliciter notre présidium et plus particulièrement l’homme de piété qui a présidé vos travaux, Son Excellence Mgr Isidore de Souza ici présent. Nous lui rendons un vibrant hommage pour son courage, sa patience, sa sensibilité et sa fermeté, et surtout pour sa lucidité et sa clairvoyance, toutes qualités rares chez le commun des mortels, qualités avec lesquelles il a réussi à gérer toutes les contradictions concentrées au sein de la conférence. Tous ces remerciements s’adressent aussi à tous les anciens présidents que nous ne considérons pas, en ce qui nous concerne, comme des délégués à la conférence, mais nos invités de marque.
Le renouveau démocratique qui vient d’être consacré au niveau de la conférence ouvre la voie d’une nouvelle légitimité dans notre pays, le Bénin. Commander, c’est prévoir, dira l’autre. Et c’est pourquoi à l’ouverture des travaux de cette conférence, lundi 19 Février 1990, nous avons dit que nous étions pleinement conscients des conséquences et de toutes les implications qui découleront de vos travaux. Nous ne sommes pas surpris et nous sommes donc calme parce que nous nous y attendons, mais dans un cadre plus respectueux que celui que nous avions vécu à certains moments. Dieu merci, la solution a été trouvée grâce au président du présidium.
Aujourd’hui mercredi 28 février 1990, nous prenons à témoin le peuple béninois tout entier en affirmant solennellement notre engagement à faire mettre en œuvre de manière réaliste toutes les décisions issues des travaux de la conférence nationale des forces vives de la nation.
Excellences, Mesdames, Messieurs, au nom de l’intérêt supérieur de la nation et du peuple béninois tout entier, nous disons que les décisions prises par la conférence seront appliquées dans l’ordre et la discipline librement, consentie. Ce n’est pas du défaitisme, ce n’est pas la capitulation, c’est une question de responsabilité nationale. »
Il est important de souligner qu’avant ce discours, les conférenciers avaient déjà eu droit au rapport général de la conférence ; un rapport brillamment présenté par le rapporteur général, le professeur Albert Tévoédjrè. Pour mémoire, je voudrais vous convier à savourer quelques extraits : « Monsieur le président, il n’y a pas de vent favorable à celui qui ne sait où il va. Vous avez voulu que je traduise nos convergences, je m’y suis efforcé sans vraiment toujours réussir à faire passer toute l’intensité du message. Mais je suis persuadé que chacun de nous, de Bertin Bona à Simon Ogouma, de Paulin Hountondji à Robert Dossou, de Joseph Kèkè à Adrien Houngbédji, de Moucharaf Gbadamassi à Théophile Paoletti, du président Emile Derlin Zinsou au président Mathieu Kérékou, nous avons décidé de tendre la main les uns aux autres. Cette Conférence veut avoir réussi à réconcilier la Nation avec elle-même. Tous les autres problèmes, si nous sommes fidèles aux décisions que nous avons prises, sont déjà résolus en puissance. Il serait tragique que notre sort, le sort de tout ce peuple soit celui de l’aiglon « de vouloir à l’histoire ajouter des chapitres, et n’être plus qu’un front qui se colle à des vitres ». Alors parce que nous avons juré de ne plus jamais humilier l’intelligence, parce que les chaînes sont brisées et que nous avons définitivement conquis le droit de parler au nom de l’Afrique, et des libertés fondamentales des hommes et des femmes de ce continent, parce que nous entrons désormais en partenaire majeur, dans un monde majeur, parce que la nuit s’est dissipée et que l’aube nouvelle rayonne : « Au travail mes amis ! » Nous avons vaincu la fatalité »
Aujourd’hui 28 février 2017, soit vingt-sept ans après cette remarquable transition amorcée, que reste-t-il de l’héritage ? Que deviennent les acquis du renouveau démocratique ? Du président Mathieu Kérékou à Monseigneur Isidore de Souza en passant par les présidents Emile Derlin Zinsou, Hubert Maga, Justin Ahomadegbé et autres comme Moucharaf Gbadamassi, Salomon Biokou, Bertin Borna,..etc. peuvent-ils être fiers du Bénin et des Béninois d’aujourd’hui ? Difficile de répondre à ces questions, tellement les fondamentaux sont en difficulté. Tellement l’esprit citoyen a complètement déserté le forum. Tellement la classe politique et même syndicale a perdu tout son charme et a cessé d’être la locomotive ; surtout la classe politique. Les plus vieux ne servent plus d’exemple encore moins de référence ; les plus jeunes rassurent difficilement. Où en sommes-nous vingt-sept ans après avoir donné un si bel exemple à toute l’Afrique et au monde entier. La situation est préoccupante et nous avons le devoir de nous préoccuper de ce que devient le Bénin et les Béninois. De l’extérieur, les observateurs avertis sont confus. Que se passe-t-il dans ce pays qui dans un passé récent servait encore d’exemple dans maints domaines. Que se passe-t-il exactement ? La réponse n’est pas aisée. Il faut absolument renouer avec les repères en donnant priorité au Bénin en tout temps et en tout lieu. La conscience citoyenne doit nécessairement habiter chaque Béninoise et chaque Béninois où qu’il se trouve. Le Bénin reste une promesse que nous devons réaliser. A l’occasion du 28 février 2017, je convie toutes les forces vives de la nation à un ressaisissement pour que vive le Bénin de nos rêves et de nos espérances.

* président du parti Conscience citoyenne

Par Moukaram A.M. BADAROU *