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Fin de charge présidentielle: Responsabilité et rôle dans la gouvernance du pays

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Candide Ahouansou Candide Ahouansou

C’est une lapalissade que toute expérience, quelle  qu’en soit sa nature , connait en dernier ressort, une fin. Et l’exercice de la présidence de la République est une expérience , quand bien même hors pair. Elle a donc logiquement une fin à un moment où à un autre,  sans égard à la manière dont cette fin intervient. 

Par   Candide Ahouansou, le 09 juil. 2025 à 09h25 Durée 3 min.
#Gouvernance #Bénin

L'essentiel, c’est le rôle  que devra être celui d’un  ancien  chef d’Etat  au sein de la société après avoir vécu cette expérience  de gestion de l’État dans toutes ses méandres et en avoir maîtrisé toutes les ficelles. Sans égard à la manière dont il aura quitté le pouvoir disais- je, car il est de notoriété publique que les chefs d'Etat  ne remettent pas toujours leur fauteuil en jeu de gaité de coeur . C’est   à se douter que quelque chose les y fixe et qu’aucun autre citoyen n’est à même de les remplacer à la tête de l’Etat. Les cas du genre émaillent la scène politique de nos jours où des chefs d'Etat se sont  maintenus ou cherchent à se maintenir au pouvoir au-delà de la période prescrite par la loi fondamentale de leur propre pays. Et cela,  soit  par  la force et conséquemment le fait accompli soit en tordant, avec la complicité des parlementaires, le cou à ladite loi  qui en limite le temps d’exercice .

L’attachement du citoyen au respect du mandat présidentiels

Il convient de reconnaître  que notre pays a , quant à lui ,réussi jusqu’àlors à  se mettre en marge de pareilles dérives ; et nous pouvons nous en féliciter tout en gardant en mémoire que  cela n’a pas été  sans coup férir . En effet, le  peuple béninois  a toujours su tenir en respect tout ce qui est susceptible de  troubler l’ordre établi en matière de mandature présidentielle.

‘’ Monsieur le président, ne  touchez pas à ma Constitution'’. Ce fut le cri de ralliement en usage dans notre pays pour  exprimer l’opposition à toute tentative de modification de la Constitution de décembre 1990, notamment en ce qui concerne la limitation des mandats présidentiels. L’on se rappelle qu’en l’année 2005, vers la fin du deuxième quinquennat du président Mathieu Kérékou qui arrivait à terme  en avril 2006, l’organisation non gouvernementale  Elan avait lancé l’opération '’ Ne touche pas à ma constitution’’ pour le dissuader de briguer un troisième mandat que d’aucuns souhaitaient. L’on se remémore  également qu’en 2014 sous le régime du président Boni yayi, le'' Front pour le sursaut patriotique’’ avait posté sur de grands panneaux publicitaires, des affiches figurant un enfant en pleurs suivi du message suivant : '’ Pardon ‼! touche pas à ma Constitution’’, ou  le roi Béhanzin suivi du même message. Le slogan, était revenu au devant de la scène politique en l’année 2019 avec le président Talon. C’est alors qu’ après moult péripéties, celui-ci confirma et systématisa la  pratique des  deux mandats à tout jamais. Plus qu’un slogan, la formule ‘’Ne touche pas à la Constitution’’ qui a su traverser avec la même constance trois régimes, est ainsi devenu le symbole de l’attachement  du peuple béninois à la démocratie  dont il continue d’être l’élève. La Constitution garantit deux magistratures certes, mais au  finish, qu’a-t- elle prévu pour les chefs d’Etat en fin de parcours quant à leur rôle dans la société ?

Place et utilité des  anciens chefs d'Etat dans la société

En termes de positionnement, il est évident qu’un chef d’Etat en fin d’exercice ne peut être considéré dans la société comme un citoyen ni un  politique ordinaire  ; et pour cause. Il a rassemblé une somme d’expériences en matière de gestion d’Etat   que, du reste, il se doit moralement  et en principe de mettre au service de ses successeurs. Et  notre opinion est que la Constitution de notre pays  devrait en faire cas. Mais, lue de part en part, l‘on n’y trouve aucune disposition y relative. Peut-être devrait-on y réfléchir ?

En termes d’utilité, nous devons nous fonder sur le fait  que nous avons encore parmi nous  deux anciens chefs d’Etat déchargés de leur mission présidentielle, ne donnant toutefois pas l’impression d’avoir raccroché  en politique; tant s’en faut. A preuve préliminaire, leur statut social actuel en dit long: ils continuent d’animer  la vie politique. 

L’ un d’eux est  ni plus ni moins chef du parti de l’opposition  déclarée et officielle tandis que l'autre se fait habituellement  critique  influent du gouvernement bien que n’occupant aucune postion officielle dans un quelconque  parti politique. A preuve déterminante, il n’est que d' évoquer  leurs bons offices dans le différend  qui oppose depuis  deux  ans déjà notre pays et le Niger suite au coup d’Etat intervenu dans ce dernier pays en juillet 2023, qui a entraîné sa suspension de la Cedeao  ainsi que l’imposition de sanctions à son encontre.  Cependant, il  sied de reconnaître  que  leur  mission auprès du chef d’Etat nigérien  a été  plutôt sibylline. Deux anciens chefs d'Etat non membres de la mouvance présidentielle qui ont pris à  titre privé et à leurs risques et périls, l’initiative d’aider le président en exercice à trouver une issue à un différend qui affecte les relations entre leur pays et un pays  voisin. Le président Talon ne  les a pas dépêchés  à Niamey, mais il  a eu la clairvoyance de ne   pas les  empêcher de s’y rendre ni de rendre leur mission difficile. La démarche  devrait faire date dans notre histoire diplomatique; c’est, de notre point de vue, un cas d’école en matière de collaboration ostensible quand bien même non officielle  entre le pouvoir en place et l’opposition en vue du règlement d'un différend entre deux Etats. Il est vrai que  le résultat n’a  pas été probant immédiatement. Qu’à cela ne tienne ! Dans le processus  diplomatique, les petits pas ont leur signification de même que leur importance. La complexité de certains conflits requiert que leur  résolution se fasse par étapes et quelquefois ces étapes elles-mêmes se déroulent non pas en linéaire, mais en dents de scie sollicitant un bon savoir- faire diplomatique. Notre  diplomatie a encore fort à  faire pour trouver une porte de sortie  à cette crise qui perdure. Au reste, le mérite de l' initiative des deux anciens chefs d'Etat non membres de la mouvance présidentielle est qu’elle avait implicitement mis l’accent sur le fait  que le différend avait une répercussion hautement sociale du fait qu’il affectait  au premier chef deux peuples frères unis par l’histoire, la géographie et les populations qui cohabitent depuis toujours, et non pas seulement les deux  Etats. La démarche a par ailleurs signifié que c’est le peuple béninois tout entier sans égard à  sa chapelle politique qui s'est rangé du côté du président Talon pour rechercher l’apaisement de ce différend.  Quand bien même  n’aurait- elle  pas porté tous les fruits auxquels l’on pouvait s'attendre, elle a eu le mérite d’avoir été initiée et entreprise  grâce à la complicité  de deux anciens Présidents de la République  pourtant en rupture politique  avec le pouvoir en place. La chose mérite  d'être  encouragée.  Alors, notre questionnement est le suivant :

Dans  quelle structure officielle  les anciens chefs d’etat peuvent-ils se rendre utiles ? 

La  nécessité de tirer le meilleur parti  des expériences des anciens chefs d’Etat africains et de soutenir les actions des gouvernements s’est déjà fait sentir au plan régional et a abouti dès janvier 2006 à la création par l’Union africaine, du forum des chefs d’Etat africains et de gouvernement communément dénommé Forum Afrique.  En ce qui  concerne notre pays,  le cadre dans lequel  nous souhaitons que les anciens présidents de la République transmettent leurs expériences  mais aussi leur savoir-faire à leurs successeurs, devra être un organe de concertation susceptible de conseiller et d’épauler le chef de l’Etat en exercice  dans les moments difficiles et à sa demande. Pour agir efficacement, il devra à notre avis, comporter des  politiques que seront d'office tous les anciens chefs d' Etat ,  les trois plus anciens présidents de l’Assemblée nationale, ainsi que des juristes que seront les trois  plus anciens présidents du Conseil constitutionnel. Et pourquoi ne pourrait-on le dénommer tout simplement  ‘’ Haut Conseil de Soutien à la République’’ de compétence tant pour les affaires nationales que pour les relations internationales?  Nous recommandons que cette  structure  tripartite  soit   inscrite dans la Constitution qui devra en préciser et limiter le rôle. Son avantage résiduel sera  d’éviter que le chef de l’Etat en  exercice  se retrouve seul  face-à-face avec  d’anciens chefs d’Etat avec le risque que ces derniers se mettent systématiquement en travers de ses actions, le cas échéant.