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Appareil étatique et mise à l’écart d’acteurs du développement: Contribution des seniors au développement économique du pays

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Candide Ahouansou Candide Ahouansou

Il est un fait auquel  les médias mais aussi, il faut bien le reconnaître et le dire avec toute la déférence que nous leur devons, les autorités  qui nous dirigent depuis toujours, ne paraissent pas accorder  sa  juste importance. Il s’agit de la contribution des personnes des troisième et quatrième âges au développement du pays. N’est-il alors pas légitime que de temps à autre les intéressés donnent de la voix  pour défendre leur cause si tant est que la charité bien ordonnée commence par soi- même ?

Par   Candide Ahouansou, le 11 août 2025 à 10h14 Durée 2 min.
#Tribune

La contribution des seniors de la société au développement du pays  paraît  à nos yeux si évidente que sa non reconnaissance pose  un problème qu’il n’est politiquement pas correct d’occulter. La réflexion analytique à laquelle nous  nous livrons essaie de déterminer ce qui explique cette situation en amont. Mais avant cela, il convient de considérer les relations sociétales des seniors si tant est que, généralement, les  relations entre les composantes de la société préfigurent, le cas échéant, une éventuelle mise à l’écart et que le relationnel affecte le jugement bien des fois.

Le relationnel sociétal des seniors

De nos jours et généralement parlant, les jeunes entretiennent avec les personnes  âgées   des relations négatives en totale rupture avec les préceptes de nos traditions millénaires. C’est un constat qu’il convient de cerner avec perspicacité, dépassant le seul cadre social. Idées et slogans fusent  en effet,  dans différents milieux, visant à ranger les personnes  d’âge avancé dans les placards . Que de fois n'a -t-on pas entendu les plus jeunes clamer : ''Les personnes âgées sont un poids lourd que traine la société ; elles ne servent plus à rien et l'on ne peut plus rien en tirer; elles nous fatiguent; l'avenir appartient aux jeunes’’.  Et ainsi de suite. Que de fois les retraités n'ont-ils  pas entendu à leur corps défendant  ces diatribes avec résignation! Et dire que dans ce pays les gens entre deux âges se disent plus jeunes que la nature ne le leur permet et font des  jeunes  un fonds de commerce politique en les adulant  le mieux qu’ils peuvent.  Les   jeunes se convainquent  alors du fait qu'il leur est loisible  d'éconduire au plus tôt les plus âgés qu'eux  afin de se donner les meilleures chances de se positionner au plus vite.

Les tenants et les aboutissants du phénomène

En fait, la mise à l’écart  des seniors remonte au sommet de l’Etat. Ne pas les mettre là où il sied de les mettre dans l’appareil étatique est une attitude politique ; aussi les raisons profondes de cette mise à  l’écart  devraient-elles être recherchées dans la sphère politique.

 

L' ossature gouvernementale

Jusqu’en l’année  2012, les personnes âgées ne figuraient dans aucun libellé de ministère alors que les jeunes y ont toujours trouvé une place. Ce n’est qu’en cette année- là que pour la toute première fois, l’on a intégré les personnes du troisième âge  dans une structure gouvernementale :celle du ministère de la Famille devenu alors ministère de la Famille, des Affaires sociales, de la solidarité, des personnes handicapées et des personnes du troisième âge.  Nous écrivions à cette occasion un article en date du 15 mai  2012  intitulé: ‘’Enfin la reconnaissance politique des personnes du troisième âge''. Le fait de n’avoir pas procédé à cette reconnaissance  jusqu’alors ne pouvait manquer d’être interprété comme un fait de  non reconnaissance d’importance  à cette catégorie sociale. Il est du reste symptomatique que ces personnes du troisième âge ne figurent plus actuellement dans le libellé d’aucun  ministère quand bien même il y aurait au sein de celui des Affaires sociales et de la Microfinance un service dénommé ‘’Inclusion et insertion'' qui aurait en charge ‘’ la promotion et la protection  des personnes  âgées'''. Ce, j’allais  dire manquement   en dit long et confirme, si besoin en était, le caractère politique du sujet.

- Notre Constitution

A n’en guère douter, d'aucuns marqueront, au demeurant à juste titre, leur étonnement que nous pointions du doigt notre Loi Fondamentale  en cette matière de mise à l’écart  alors qu’elle défend le principe de l'égalité des citoyens et qu’elle dispose spécifiquement en son article 26 que ''  l’Etat doit veiller sur les personnes âgées ‘’ .  Soit ! Il n’empêche  que parlant de manière triviale, je dirais volontiers que notre Constitution trouve qu'à compter de 70 ans, l’âge limite pour être candidat à la présidence de la République, nous n'avons de  ressources intellectuelles fiables  que  pour une durée maximale de 10 ans par le biais du renouvellement du mandat présidentiel de 5 ans  . En d'autres termes et par extrapolation , la  société n'a plus besoin des citoyens âgés de plus de 80 ans.  D’un autre côté , la condition initiale  des 45 ans pour briguer la magistrature suprême  parait conflictuelle, et pour cause. Dès lors que  la loi permet aux jeunes d’être candidats à la présidence de la République à partir de  45 ans, l’on peut soupçonner et comprendre que ceux-ci se donnent des raisons de bousculer et d’écarter systématiquement ceux-là qui se donnent la latitude, le choix mais aussi le temps d'attendre jusqu’à 70 ans pour briguer la magistrature suprême ; ils deviennent leurs rivaux et c’est la porte ouverte aux frictions. Le  raisonnement peut paraitre hypothèse d’école mais nous sommes en débats d’idées. Ne  pourrait- on alors réduire  l’écart entre les  deux âges ?  Il est actuellement  de 25 ans. Ne pourrait-on l’abaisser à 10 en relevant l’âge minimum de 45 à 55 ans ? Il est de notre avis  qu’à 55 ans  le compte des  expériences requises pour diriger efficacement un pays aussi complexe que le nôtre est bon. Et il se fait qu’à  l’échelle  internationale, le senior se situe entre 50 et 55 ans.

Voilà donc deux éléments faîtiers:  l’un effectif lié au retard  mis à intégrer les personnes du troisième âge dans une structure  gouvernementale; l’autre , plutôt hypothétique certes, mais lié à la Loi  Fondamentale, qui   me paraissent  susceptibles d'affecter sans que l’on s’en rende compte  vraiment, les attitudes des jeunes à l’égard des seniors. Et c'est ainsi, estimons-nous, que s'est  imprimé à pas feutrés dans les esprits des jeunes  que le troisième  âge est socialement  et politiquement un handicap pour eux. Ils  en ont tiré leur parti sans égard au fait  que bien des fois les parents,  déjà retraités de leur état, continuent de subvenir à leurs besoins .  

De quelle manière les seniors participent-ils au developpement ?

En matière de développement, il convient de discerner ceux qui y participent directement et ceux qui y participent par le biais  d'actions indirectes . J'écrivais dans un récent article que le personnel de maison, bien que n'étant  qu’au bas de l'échelle sociale, participait au développement du pays en libérant leurs employeurs en haut de l'échelle pour leur permettre d'aller servir directement le pays dans l’exercice de leurs fonctions. Il y a similitude avec les personnes âgées  principalement de deux manières.

- Côté social

Les politiques mettent volontiers l'accent sur la nécessité pour les jeunes d'accéder au marché de l'emploi en sollicitant le secteur privé, mais l'on oublie que les personnes admises à la retraite entreprennent des activités pourvoyeuses d’emploi. L'on oublie également que bien  de parents  s'obligent à soutenir leurs enfants encore en quête d'emploi. Ils les assistent à tous points de vue  en faisant le sacrifice de rogner sur leur maigre pension tant qu’ils n’ont pas un emploi. Un enfant sans travail et livré à lui- même est un délinquant en puissance et un problème potentiel pour l'Etat s'il ne bénéficie pas du soutien de ses parents .Il sied alors de reconnaître aux retraités la part qu'ils assurent dans la prévention de la délinquance  aux côtés de l’Etat ; et partant dans le développement du pays.

- Côté transfert des connaissances

Les personnes du troisième âge aident au développement en ce sens que ce sont elles qui détiennent l'expérience,  pierre angulaire de tout  développement. Un pays ne se construit qu'avec le cumul des expériences et ce sont les retraités qui les detiennent.   Aucune intelligence ne résiste à l'expérience ni  au savoir- faire discursif.  Il  n'y a pas de raccourci pour l’atteindre : elle ne peut s'acquérir qu'au fil du temps et l’expérience prend du temps. C'est par la transmission de l'expérience  que les grands pays se sont construits et continuent de s’édifier. N’est-ce pas une raison suffisante  pour créer une structure dans laquelle les seniors pourront  se rendre utiles   au pays ?.

Ambassadeur