La Nation Bénin...
Malgré des obstacles persistants, les Communautés
économiques régionales (Cer) africaines avancent dans la construction d’unions
douanières et de marchés communs. L’expérience du continent, confrontée à celle
d’autres régions du monde, met en lumière des défis partagés, mais aussi des
solutions pour une intégration plus profonde et durable.
La construction d’unions douanières et de marchés communs
reste un chantier complexe, mais porteur d’espoir pour le continent. Si la Zone
de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) symbolise cette ambition, la
réalité est marquée par une mise en œuvre souvent incomplète et des dynamiques
régionales hétérogènes. Pourtant, malgré les retards et les freins, les
Communautés économiques régionales africaines, qu’elles soient ou non reconnues
par l’Union africaine, montrent qu’il est possible d’adopter des éléments
d’union douanière ou de marché commun même en l’absence de zones de
libre-échange pleinement opérationnelles. Un constat qui bouscule l’idée reçue
selon laquelle la mise en œuvre parfaite d’un accord de libre-échange serait un
préalable absolu à toute étape ultérieure d’intégration.
De la Communauté d’Afrique de l’Est (Cae) à la Communauté
économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), en passant par la
Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac), certaines
Communautés économiques régionales ont déjà fait la démonstration de leur
capacité à avancer. Elles ont notamment joué un rôle clé dans la promotion de
la Zlecaf, consolidant les positions de négociation et comblant les lacunes de
certains États membres moins expérimentés. Ces expériences rappellent également
que la volonté politique ne suffit pas. Elle doit impérativement être soutenue
par un cadre institutionnel robuste, crédible et autonome. Sans institutions
efficaces pour interpréter et appliquer les dispositions des accords régionaux,
l’intégration restera un vœu pieux. Dans les blocs régionaux plus avancés hors
du continent africain comme l’Union européenne ou le Mercosur, le renforcement
progressif des structures supranationales a été déterminant pour garantir
l’application des politiques communes. Les chevauchements d’adhésions aux
différentes Cer, la faible mise en œuvre des accords ou encore l’absence de
mécanismes de sanctions illustrent la difficulté à consolider des unions
douanières efficaces. À cela s’ajoutent des problèmes structurels comme l’instabilité
politique, la faiblesse des institutions nationales, les barrières non
tarifaires persistantes et la faible diversification des économies.
Asymétries à surmonter
Les disparités socio-économiques entre pays africains
compliquent davantage la construction d’unions douanières dotées de politiques
commerciales communes. Toutefois, l’Aria XI souligne que l’hétérogénéité des
tarifs extérieurs communs (Tec) a commencé à diminuer, signe encourageant pour
une harmonisation progressive. D’autres régions du monde apportent des
enseignements précieux. L’Union européenne a montré qu’un marché commun peut
s’étendre et se consolider grâce à un socle institutionnel fort et à des
mécanismes de solidarité. Le Mercosur rappelle que sans volonté de résoudre les
déséquilibres internes, les tensions peuvent freiner toute ambition collective.
Face à ces constats, le rapport appelle à consolider la
Zlecaf en l’articulant clairement avec les Communautés économiques régionales
existantes, reconnues ou non par l’Union africaine. L’objectif est d’éviter le
risque d’un puzzle institutionnel ingérable. La mise en place d’un groupe de
travail continental chargé du suivi et de l’évaluation de l’application des
accords est également préconisée, avec un mandat fort pour dissuader les
manquements. Autre piste proposée est le renforcement de la structure
institutionnelle de l’intégration africaine en dotant les organes continentaux
de technocrates compétents, capables de faire appliquer les décisions,
surveiller la mise en œuvre et faire respecter les engagements. Enfin,
l’adhésion des acteurs nationaux et privés reste cruciale. Les intérêts locaux
doivent être pris en compte à travers des processus démocratiques et
consultatifs pour éviter que l’intégration ne devienne un projet technocratique
sans ancrage réel.
L’expérience des Communautés économiques régionales africaines, confrontée aux enseignements d’autres unions douanières dans le monde, montre que l’Afrique a tout à gagner à poursuivre ses efforts. Le chemin est semé d’embûches, mais la volonté politique, soutenue par des institutions fortes et une approche inclusive, reste la clé pour transformer l’ambition de l’intégration régionale en réalité tangible pour les peuples du continent.