La Nation Bénin...
Le bilan est mitigé en ce qui concerne les
résultats d’opérationnalisation de la Stratégie de développement « Vision Bénin
Alafia 2025 ». C’est du moins ce qui ressort de l’évaluation en prélude à la
formulation de la Vision de développement 2060.
A deux ans de l’échéance, la vision prospective
« Bénin Alafia 2025 » qui devrait servir de boussole aux politiques nationales
de développement, affiche un bilan peu élogieux. Hormis quelques progrès
significatifs, les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs, d’après
l’étude évaluative présentée lors du lancement du processus de formulation de
la Vision nationale de développement 2060, fin novembre à Cotonou.
« Le Bénin est en 2025 un pays phare, un pays
bien gouverné, uni et de paix, à économie prospère et compétitive, de
rayonnement culturel et de bien-être social ». Telle est l’ambition affirmée
dans ce document de politiques publiques. Au bilan, le scénario prospectif «
Alafia» qui sous-entend le bonheur partagé, l’amoindrissement des peines, la
fin des souffrances, le bien-être, la satisfaction, la quiétude à tout point de
vue, la prospérité, le progrès sur tous les plans, ne s’est pas totalement
réalisé, d’après les conclusions de l’évaluation présentées par le consultant
Antonin Dossou, économiste et ancien ministre.
En 2025, le taux de croissance économique
devrait atteindre 12,4 % et le produit intérieur brut (Pib) par tête d’habitant
devrait doubler par rapport à celui de 2000. A l’appréciation des documents
d’opérationnalisation, notamment les programmes d’action des gouvernements
successifs, la Stratégie de croissance pour la réduction de la pauvreté (Scrp
2011-2015), des évaluations intermédiaires (2010 et 2017) et à l’aune des
entretiens et perceptions des réalisations concrètes, l’on est loin du compte.
Outre l’arrimage de plusieurs projets et programmes sectoriels à la Vision,
l’opérationnalisation a eu du plomb dans l’aile.
Pourtant le rêve était bien « réaliste »,
disait le professeur Jules Ahodékon, l’un des auteurs du document adopté comme
boussole de l’action publique et du développement en 2000. D’autres programmes,
notamment les Objectifs du Millénaire pour le développement (Omd) adoptés par
les Nations Unies en 2000 et mieux vulgarisés, ont très tôt ravi la vedette à
Bénin Alafia 2025.
Pertinence
Structurée autour de 5 piliers, 8 orientations
stratégiques, 37 options et 191 axes stratégiques, la Vision met l’accent sur
la consolidation de la démocratie et de la bonne gouvernance, la lutte contre
la pauvreté, la diplomatie active de proximité et de coopération
internationale, l’aménagement harmonieux du territoire, le développement
technologique, l’enracinement des bases humaines et matérielles du
développement et des valeurs familiales et communautaires. Elaboré suivant une
démarche participative et inclusive, le document reste pertinent et cohérent,
selon le pool de consultants. Il souligne aussi un problème d’imputabilité
contrefactuelle des effets, signalant un retard dans la déclinaison
opérationnelle ordonnée, même si un certain rattrapage est opéré à travers le
Plan national de développement (Pnd) 2018-2025.
L’évaluation montre que les aspirations des
populations demeurent actuelles et que la transformation de l’économie est
toujours attendue. La part de la valeur ajoutée du secteur industriel dans le
Pib global reste faible : entre 14,64 % en 2018 et 17,02 % en 2022.
Entre 2000 et 2010, le taux d’investissement
est seulement de 14,96 % contre 22,54 % attendu, soit un écart de 7,58 points
de pourcentage (pdp). Le taux de croissance économique sur la période était
attendu à 7%, mais il s’affiche à 4,06 %, soit un écart de 2,94 pdp. La
prévision ajustée du Pib par tête d’habitant à 473 287 F Cfa en 2010, ressort à
482 865 F Cfa, soit un dépassement de 9 578 F Cfa.
Sur la période 2011 à 2020, la synthèse par
rapport aux cibles initiales indique qu’en 2015, la grande majorité de la
population active serait au travail et le taux de chômage se situerait en
dessous de 5 %. A l’évaluation, le taux est de 2 %, soit un écart de 3 %. Le
revenu par tête qui devrait s’élever à 606 399 F Cfa environ en 2020, est monté
à 688 588 F Cfa, soit un dépassement de 82 189 F Cfa.
Du grain à moudre !
Quant au Pib, il devrait passer de 5 % en 2000 à 15 % en 2020. La réalisation s’affiche à 12,30 %, soit un écart de 2,70 points de pourcentage.
Entre 2021 et 2025, le taux de croissance se
réaliserait en moyenne autour de 6,30 %, loin des 12,4 % prévus, soit un écart
de 6,10 pdp. La prévision du Pib par tête d’habitant qui devrait doubler par
rapport à celui de 2000 pour atteindre 300 000 F, est ajustée à 887 415 F Cfa,
mais la réalisation affiche 742 329 F Cfa, soit un dépassement de
145 086 F Cfa. Plus d’une personne sur trois
vivent en dessous du minimum vital. La pauvreté sévit plus en milieu rural
qu’en milieu urbain.
De la mise en œuvre de Bénin Alafia 2025, il
importe d’en prendre de la graine pour la construction de la Vision Bénin 2060.
Les évaluateurs notent que sa construction n’a pas induit une mise en œuvre
systématique et se demandent si le maillon manquant est dû à l’agenda politique
ou à l’influence des partenaires au développement.
De même, le mécanisme de pilotage de la mise en
œuvre de la Vision n’a pas permis une révision régulière et l’implication
d’acteurs au-delà des services de l’Administration publique. Le partenariat
public-privé devant améliorer la capacité d’exécution des projets et programmes
n’a pas été organisé et systématisé. D’où il convient désormais d’insister sur
les mécanismes de financement alternatifs pour atteindre les objectifs. La
communication et la promotion pour matérialiser la Vision en vue d’une appropriation
généralisée ont aussi fait défaut.
La Vision nationale de développement à
l’horizon 2060 devra tenir compte de la capitalisation des bonnes pratiques
issues des programmes d’action du gouvernement. Il est question de corriger les
imperfections du passé pour aboutir au renforcement des capacités nationales
d’anticipation et d’action, face aux profondes mutations et transformations en
cours ou à venir.
Hormis quelques progrès significatifs, les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs