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Pour l’inauguration de son nouvel espace-maison: Sébastien Boko explore la complémentarité de la dualité chez l’homme

Culture
Un potentiel musée Un potentiel musée

Le plasticien et sculpteur Sébastien Boko expose depuis quelques jours « Poésie des ancêtres », une série d’œuvres créées entre 2022 et 2025, oscillant entre peintures et sculptures en bronze, bois et métal. L’exposition se veut pérenne, autant que le cadre qui l’abrite, un nouvel espace dédié aux œuvres de l’artiste. 

Par   Josué F. MEHOUENOU, le 12 févr. 2025 à 09h13 Durée 3 min.
#nouvel espace #Art et culture

L’atelier Boko ! C’est le nouvel espace artistique avec lequel il faudra compter à Cotonou. Le lieu n’est pas dédié à toutes les œuvres. Pour l’heure, seuls son promoteur, le plasticien et sculpteur Sébastien Boko, et son épouse Anna Korver, y exposent. Un tout en un pensé par le couple pour s’ouvrir au public à travers leurs réalisations. C’est un espace-maison, souligne le plasticien pour présenter les lieux. Il est plus qu’un atelier, sans être une galerie. « C’est beaucoup plus un espace-maison qui accueille, qui fait voir certaines choses et qui présente une élégance qui dépasse un peu le contexte d’un atelier… C’est un lieu qui met en valeur la création contemporaine. Il va devenir un musée ou quelque chose de plus grandiose plus tard », précise l’artiste au terme d’une visite. Même la dénomination se fera plus précise dans les jours à venir pour peindre la réalité des lieux. En attendant, il ne s’en soucie guère. Les lieux sont compartimentés en trois différents niveaux. « En voulant réaliser ce projet, je voulais une maison pas classique, mais un lieu qui inspire la culture. Je voulais un lieu qui me renvoie vers mes ancêtres, des réalités que j’ai vécues quand j’étais petit… un lieu qui me parle au quotidien et m’inspire dans mes créations », confie-t-il.

Le rez-de-chaussée présente un grand espace avec une mezzanine. Dédié aux travaux des deux artistes, il est conçu de sorte à permettre au visiteur d’être dans l’élévation. L’espace est harmonisé avec la nature, entre ouverture sur le jour, lumière naturelle et vue d’ensemble sur les œuvres présentées. Avant d’accéder au niveau puissant, il faut passer une rampe singulière, un raccord peint en bleu qui porte la touche de Anna Korver. Avec soin, elle a laissé parler son inspiration sur cette réalisation qui, en plus de son utilité, est une œuvre artistique qui allie identité, connexion et intimité. La traversée donne à voir un autre niveau de l’espace qui arbore les tableaux de Sébastien Boko. Sculpteur, mais aussi plasticien, l’artiste excelle dans des tableaux tout particulier en grande et petite dimension. Le dernier niveau rend hommage non seulement à la culture, mais aussi aux trésors culturels rapatriés de la France. « Le retour de ces pièces m’a beaucoup touché. Parce que j’ai eu un père qui est sculpteur, qui m’a appris à sculpter avec d’autres sculpteurs dans sa région. Et quand je retrouve ces pièces à la présidence, et qui étaient d’une beauté exceptionnelle, et qui étaient également d’une inspiration incomparable, je me dis qu’il faut aussi entrer en profondeur de sa culture pour la partager avec d’autres », explique-t-il. Raison pour laquelle les représentations du roi, les récades et d’autres pièces ont été reprises par l’artiste au dernier niveau de son espace. Elles servent de support à la dalle, décorent l’espace et enfin véhiculent un message. On y découvre au total, six poteaux sculptés en bois, qui sont des représentations des trônes, des bas-reliefs… « Tout est représenté là, et c’est cela qui tient la dalle », assure l’artiste. Leur présence me met en confiance et chasse toute peur, je trouve que c’est la fondation, c’est la base, c’est le socle même de mon développement et de mon évolution, précise l’artiste. « Je leur ai donné entièrement la priorité de maintenir une dalle, et j’espère que je ne fais pas de fausses routes », souligne-t-il. Autre élément marquant, la façade extérieure. Elle est faite de peinture blanche tachetée de ronds bleus et blancs. Cette autre réalisation rend hommage à la mère de Sébastien, adepte de la divinité Sakpata. Le plasticien indique qu’il a grandi sous la couette de cette femme-adepte qu’il voyait régulièrement s’induire le corps de kaolin sous forme de rondelles en vénération à sa divinité. Une manière pour lui, de rendre hommage à sa génitrice dont il dit avoir beaucoup reçu aussi. « C’est gravé dans ma mémoire. Cette partie est inspirée de ce fait-là. C’est une combinaison de blanc et de bleu, tout simplement, mais inspirée d’un fait totalement culturel et simple, et qui donne une beauté incroyable ». Quelle appellation pour désigner un tel lieu, s’interroge l’artiste lui-même qui annonce d’ores et déjà qu’il retiendra sans doute la désignation « Maison Boko » ou quelque chose dans ce sillage.

Sculpter l’esprit

Pour l’instant, l’espace donne à découvrir l’exposition « Poésie des ancêtres ». Une combinaison d’œuvres réalisées avec du bois, du métal. « C’est une exposition exceptionnelle qui montre une autre dimension de ma capacité créatrice et de ce que je peux vraiment faire d’un espace », assure Sébastien. D’ailleurs, son travail, dira-t-il « est poésie des ancêtres » parce qu’il renvoie beaucoup aux masques, d’où le titre de l’exposition qui inaugure son nouvel espace. Il y présente des masques, une série de Egun-gun et de Guèlèdè.

Pour ce qui est de la série des Egun-gun, les récentes réalisations de l’artiste tranchent avec celles d’il y a quelques années. On y voit de moins en moins des formes humaines. « J’ai commencé par travailler sur la partie conceptuelle, c’est-à-dire c’est le physique qui meurt pour que l’esprit revienne à la vie. À partir de là, je pense que l’être humain est toujours éphémère, nous sommes tous des éphémères, donc je me base sur ce concept-là. J’enlève le physique et j’essaie de sculpter l’esprit ». Dans la conception du plasticien, l’humain marche, vit pour se fondre en esprit, au moment où la forme humaine n’y est plus. L’attitude que nous adoptons pendant que nous sommes en vie, détermine celle de l’après-vie. L’humain simple, aimable, adorable, amical fera place à un esprit léger et inversement. 

Mais c’est plutôt sur l’ombre du Guèlèdè qu’il a penché sa réflexion. Son architecture lui a inspiré des réflexions sur chaque partie du masque, depuis la partie sculpture sur bois, en passant par l’accoutrement, le métal qu’il porte au pied et la musique qui se dégage. « Je me suis penché sur l’ombre, l’ombre du Guèlèdè et l’esprit qui l’accompagne », souligne-t-il. Outre les sculptures, une série de tableaux accompagnent l’exposition. Le numérique est l’un des sujets développés. Si l’artiste y a consacré ses réflexions, c’est parce qu’il a le sentiment que « la place du numérique dans la vie d’un être humain aujourd’hui dépasse ce qu’on peut appeler la dépendance ». Selon lui, le numérique est en train de devenir « une béquille qui participe à l’équilibre et au bien-être d’un être humain ».

Sébastien Boko en quelques mots 

Né en 1984, Sébastien Boko accède au rang d’artiste par cooptation, l’une des plus anciennes méthodes d’apprentissage en Afrique. En effet, originaire d’Agonli Covè, il fut initié au métier de sculpteur par son père et se bonifia au fil des expériences artistiques. Il manie bois, métal et peinture pour évoquer des formes et des mouvements intemporels qui transcendent notre humanité et lui confèrent une certaine majesté. Sébastien Boko reçoit en 2012, 2013 et 2015 respectivement le prix d’or du concours national de sculpture sur bois organisé par l’International Wood Culture Society à Cotonou au Bénin, le prix Strongest content du sculpteur africain à Dar es Salam en Tanzanie et le prix du Conseil de l’entente et le 3è Prix Biso (Biennale internationale de sculpture de Ouagadougou). Il a participé à plusieurs expositions au Bénin et à l’étranger dont la World Wood Day en 2013 (Tanzanie), 2014 (Chine), 2016 (Turquie) et 2019 (Autriche). En 2017, il participe à Brienz en Suisse au symposium international de sculpture sur bois, également au premier symposium international de sculpture sur bois de Libreville au Gabon et en 2020 à Schiedam en Hollande à l’exposition « Africa Now » du centre international d’art Open art exchange.