La Nation Bénin...
A
défaut de cesser, les tracasseries policières ont énormément diminué sur les
routes au Bénin. La lutte contre la corruption a ainsi connu un succès dans ce
secteur, témoignent des usagers.
Les
tracasseries policières et les rackets autrefois monnaie courante ont quasiment
disparu sur les routes au Bénin. De Cotonou à Malanville ou à Porga en passant
par Bohicon, Dassa-Zoumè, Savalou et Djougou, les mesures hardies prises par le
gouvernement ont bousculé les habitudes, redonnant confiance et dignité aux
forces de sécurité.
« Il est évident que la corruption sur nos axes routiers a beaucoup régressé », affirme Nancy Guèguèzo, médiateur sanitaire. « Les déplacements se font souvent sans arrêt sur injonction des éléments de la Police républicaine et de la Douane béninoise», fait remarquer ce quadragénaire, contraint, depuis plus de six ans, à emprunter chaque semaine les tronçons Cotonou-Bohicon, Bohicon-Glazoué, Glazoué-Savalou, Glazoué-Ouèssè, Glazoué-Djougou et autres, pour aller à la rencontre des bénéficiaires de ses prestations. Il se fait plus explicite: « Pour qu’il y ait corruption, notamment échange de pièces de monnaie ou de billets entre un conducteur de taxi et un policier ou un douanier, il faut bien que le véhicule s’arrête. Or, depuis quelques années, il est plus que rare que les taxis, que nous prenons, s’arrêtent en chemin devant ces agents ; ce qui rend impossible tout échange entre les deux parties ».
Comme lui, nombreux sont les conducteurs et autres usagers des routes, à témoigner du recul considérable de la corruption sur les différents axes routiers au Bénin. « Nous venons de voyager sur Ouagadougou par voie terrestre, en prenant par Lomé en partance de Cotonou. Sur l’axe Cotonou-Hillacondji, nous n’avons été interpellés par aucun policier pour un contrôle, même s’ils étaient en faction sur la voie », salue Dr Fabrice Yèmadjè, spécialiste en Sciences du langage.
Les conducteurs de taxi expriment leur soulagement à ce sujet. « Nous pensons que s’il y a un secteur dans lequel la lutte contre la corruption a connu un succès appréciable, c’est bien au niveau des routes. Taximan que je suis depuis près de dix ans, je peux confirmer qu’il est aisé de circuler sans être interpellé de manière abusive par les policiers ou les douaniers. Même si les tracasseries policières n’ont pas totalement cessé, elles ont sensiblement diminué », assure Gutenberg, qui fait presque tous les jours la navette Bohicon-Cotonou-Bohicon.
« C’est un véritable soulagement pour nous, parce que, par le passé, les policiers nous gênaient beaucoup. Ce qui diminuait nos recettes et nous faisait augmenter le coût du trajet pour les clients », appuie Cyrille, un autre conducteur de taxi, qui exprime sa satisfaction et félicite le gouvernement pour cet exploit.
Même si la lutte contre la corruption sur les axes routiers a connu un recul notable, les autorités ne pensent pas s’arrêter en si bon chemin. « Notre défi majeur, c’est de réduire autant que possible les contacts entre l’usager et les policiers », informe le contrôleur général de police Enock Laourou, directeur de la Sécurité publique. Dans ce sens, informe-t-il, l’utilisation des caméras-piétons est en expérimentation dans la ville de Cotonou. Une caméra-piéton est une caméra mobile permettant de procéder à un enregistrement audiovisuel lors des interventions. Le traitement des données enregistrées par cette caméra a pour finalité la prévention des incidents au cours des interventions, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves mais aussi la formation et la pédagogie des agents. Légère et compacte, elle est attachée à la poitrine ou à l’épaule d’un agent des forces de l’ordre permettant de procéder à un enregistrement audiovisuel lors des interventions. « Ces caméras-piétons permettront de suivre en live les échanges entre policiers et usagers », poursuit-il.
Mais
ce qui est déjà une réalité sur tout le territoire national, c’est la
digitalisation du paiement de certaines contraventions. « Aujourd’hui, dès que
le radar vous flashe pour excès de vitesse, vous payez directement à travers
une plateforme numérique qui y est dédiée », rappelle le contrôleur général de
police.
Selon le rapport de la Task Force sur la mise en œuvre du Schéma de libéralisation des échanges de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao), publié en février 2020, le Bénin est un modèle en matière de libre circulation des personnes et des biens. « Aucun paiement de frais ne s’observe aux frontières béninoises, ce qui n’est pas le cas des frontières togolaises ou nigérianes, où des faits de corruption sont dénoncés par plus de 80 % des usagers. Ces frais ne sont pas perçus que chez les usagers sans document de voyage, mais aussi chez des voyageurs en règle, qui sont parfois obligés de payer pour s’assurer une traversée rapide de la frontière », lit-on dans ce rapport. Depuis 2018, le Bénin est champion en matière de libre circulation des biens et des personnes sur les corridors de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa).
En
effet, le décret 213-546 du 24 décembre 2013 portant règlementation des postes
de contrôles routiers sur les corridors en République du Bénin a sonné le glas
de la corruption sur les routes, en réduisant de manière substantielle le
nombre de postes de contrôles. L’article 3 de ce décret a institué trois postes
de contrôles conjoints sur l’axe Cotonou-Malanville, trois également sur l’axe
Cotonou-Porga puis un poste sur chacun des axes Cotonou-Hillacondji,
Cotonou-Kraké et Cotonou-Igolo. « Les différents points de contrôles conjoints
et les rôles des structures intervenant dans ces contrôles sont précisés, par
arrêté ministériel. La durée de chaque contrôle conjoint ne peut excéder cinq
minutes par véhicule, sauf cas de soupçons de fraude ou de chargements
illicites », stipule l’article 4 du décret.
Mais
il aura fallu des instructions fermes de la hiérarchie policière, pour que les
tracasseries auxquelles étaient fréquemment confrontés les usagers des routes
soient réduites considérablement. « Honneur vous demander, dès réception du
présent message, de bien vouloir formellement, interdire aux personnels et
unités sous vos ordres respectifs les tracasseries policières de contrôle
routier », telle est la consigne donnée par Soumaïla Yaya, directeur général de
la Police républicaine aux directeurs départementaux de la Police républicaine,
dans un message radio, le lundi 30 décembre 2019. Dès lors, ces mesures sont
globalement respectées par les hommes en uniforme. Mieux, certains
contrevenants à ces mesures ont été sanctionnés, informe la direction générale
de la Police républicaine. « Ces rappels à l’ordre visaient également à mettre
fin aux tracasseries policières, aux actes de rançonnement et surtout aux
violences inutiles à l’acabit de celles qui ont récemment défrayé la chronique.
Face à ces pratiques, des mesures fermes ont été prises par les autorités »,
renseigne un communiqué de la hiérarchie policière, en date du 15 avril
dernier. Ce message signalait d’ailleurs que « plusieurs fonctionnaires de
police impliqués ou cités ont été mis aux arrêts ». A titre illustratif, un
commissaire d’arrondissement de la ville de Cotonou a été limogé, le même jour,
pour amener chaque agent de police à agir « avec intégrité, respect et
professionnalisme », rappelle le communiqué de la direction générale de la
Police républicaine.
De
la même manière, plusieurs agents de police et de douane ont été relevés de
leurs fonctions par le gouvernement, après des actes présumés de corruption. Et
ces mesures semblent bien produire leurs effets au regard des témoignages des
usagers. « Aux frontières béninoises à Hillacondji, la dizaine que nous étions,
n’a connu aucune difficulté pour passer, encore moins un acte de corruption.
Bien évidemment, nous avions nos documents de voyage à jour », indique Dr
Fabrice Yèmadjè.
Cette
réalité dont il se réjouit n’est pas la même derrière les frontières, où les
tracasseries routières se poursuivent allègrement au grand dam des usagers. «
Aux frontières Togo-Burkina à Ouagadougou, nous avons compté au moins sept
postes de contrôle où, souvent, il faut mettre la main à la poche pour passer bien
que l’on ait sa pièce d’identité. Quand on a vécu cela, on ne peut que se
réjouir de ce qui se passe au Bénin », déclare un autre voyageur sous anonymat.
Ce que confirme le rapport de la Task Force sur la mise en œuvre du Schéma de
libéralisation des échanges de la Cedeao. C’est un acquis à pérenniser et à
consolider pour préserver l’image du pays en matière de libre circulation des
biens et des personnes.
«
La police est toujours présente sur les axes routiers pour la dissuasion,
l’aide aux usagers et les contrôles ciblés », rassure le directeur de la
Sécurité publique■