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Personnes usagères de drogue: Nouvelle approche pour déconstruire les préjugés

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Réflexion sur la déconstruction des préjugés et l’approche droits humains des personnes usagères de drogue Réflexion sur la déconstruction des préjugés et l’approche droits humains des personnes usagères de drogue

La perception et la remise en question de l’image des personnes usagères de drogue sont aujourd’hui au cœur des débats et suscitent une attention croissante. Des associations en font leur cheval de bataille en impliquant les acteurs de la santé, de la justice et du tissu associatif pour promouvoir une approche basée sur les droits humains et la réduction des risques.

Par   Babylas ATINKPAHOUN, le 18 févr. 2025 à 10h41 Durée 3 min.
#personnes usagères de drogue

Ils sont souvent perçus comme des marginaux, des délinquants ou des dangers pour la société. L’image du « toxicomane » est figée dans l’imaginaire collectif : un individu rongé par la dépendance, incapable de se réinsérer, condamné à errer en marge du monde. Pourtant, derrière ces clichés réducteurs se cachent des réalités bien plus complexes. Cadres stressés cherchant un exutoire, jeunes en quête d’oubli, patients sous traitement médical mal encadré… Les profils des personnes usagères de drogue sont multiples, et leur parcours souvent marqué par des blessures profondes, des conditions sociales précaires et un manque cruel d’accompagnement. Et si la vraie menace n’était pas la consommation en elle-même, que dire du regard que la société porte sur elles, les excluant de toute possibilité de soins et de réhabilitation ? Face à cette question, des Ong se battent pour déconstruire les préjugés et redonner espoir à ces Personnes usagères de drogue (Pud). Dans ce sens d’ailleurs, les associations Bénin orientation neutre santé (Bornes) et Evt-Togo ont initié un atelier, les 29 et 30 janvier derniers à Ouidah et ayant rassemblé les acteurs des deux pays. L’atelier qui visait à identifier et déconstruire les perceptions erronées sur les personnes usagères de drogue (Pud), a réuni des professionnels de santé, des fonctionnaires du ministère de la Justice, ainsi que des membres d’associations locales du Bénin et du Togo. Les travaux ont débuté par une session de réflexion personnelle sur les préjugés liés aux personnes usagères de drogue. Chaque participant a partagé ses perceptions initiales et celles de la société sur cette population souvent marginalisée. Parmi les idées relevées, figuraient l’association systématique de l’usage de drogue à la criminalité, aux violences ou encore l’exclusion sociale. Les intervenants ont ensuite présenté les réalités complexes des Pud, mettant en avant les difficultés d’accès aux soins, la précarité et les conséquences sanitaires telles que les risques accrus d’infections comme le Vih ou la tuberculose. L’approche fondée sur les droits humains a été présentée comme une alternative plus efficace aux politiques répressives encore largement prédominantes en Afrique de l’ouest.

Approche inclusive

Une place importante a été accordée à la communication bienveillante et à l’intelligence émotionnelle. Des exercices pratiques ont permis aux participants d’expérimenter des techniques d’écoute active et d’empathie pour améliorer leurs interactions avec les Pud. Plusieurs recommandations ont été formulées, dont la formation des professionnels de santé et des forces de l’ordre, la création de centres spécialisés pour la prise en charge des Pud, ainsi que le lancement de campagnes de sensibilisation pour changer la perception du grand public. Une vision collective en faveur d’un accompagnement plus inclusif et respectueux des droits des Pud a été élaborée. Cette vision repose sur deux axes majeurs. La création d’un environnement favorable aux Pud et la lutte contre leur stigmatisation. Rodrigue Agossou, président de l’Ong Bornes, a souligné l’importance de multiplier les séances de sensibilisation afin d’atteindre les objectifs. « Chacun pourra retenir que le consommateur de drogue n’est pas forcément cette caricature qu’on en fait. Ce n’est pas le braqueur, ce n’est pas le délinquant. Aujourd’hui, la science a démontré qu’ils sont en effet des malades et qu’un malade a besoin de soins et non d’être emprisonné», a-t-il rectifié. De son côté, Khalifa Traoré, consultant en droits humains et santé mentale, a insisté sur la nécessité d’un changement de paradigme. «Les politiques répressives ont montré leurs limites. Si chacun, des acteurs juridiques aux professionnels de santé, joue son rôle, nous pourrons trouver des alternatives efficaces à la répression », souhaite-t-il. Parmi les prochaines étapes envisagées figurent la création d’une plateforme d’écoute et de conseil, la mise en place de formations régulières et le développement de campagnes de plaidoyer. Il appartient désormais aux différents acteurs impliqués de poursuivre ce travail de sensibilisation et d’accompagnement afin de réduire les discriminations et d’améliorer l’accès aux soins pour ces populations vulnérables.