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Education alternative: Entre réalités et défis, une issue

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Alors que le système éducatif traditionnel semble s'essouffler, les écoles alternatives tendent la main aux enfants hors de l’école. Œuvre de plusieurs institutions et Ong du domaine de l’éducation, ces initiatives sont un rempart pour plusieurs enfants laissés pour compte au Bénin. Mais elles sont aussi confrontées à des défis.

 

Par   Maryse ASSOGBADJO, le 30 sept. 2025 à 08h03 Durée 3 min.
#Education alternative

Les multiples témoignages renseignent de la pertinence de l’éducation alternative au Bénin. « Depuis l’arrivée du Programme d’appui à l’éducation et à la formation des enfants exclus du système éducatif (Paefe), les enfants dans ces centres sont assidus et respectueux. Ils savent lire et écrire », se réjouit Pierre Lafia, parent d’élève.

Kora Iliasso en est un exemple palpable. Sortie il y a deux ans du centre Barka de Pégou, commune de Kandi, elle a déjà obtenu son Certificat d’études primaires (Cep). « Aujourd’hui, je sais lire et écrire, le Paefe m’a permis d’apprendre un métier et de prendre connaissance de ma culture », laisse-t-elle entendre fièrement. 

En fait, les alternatives éducatives ne servent pas seulement à rattraper le temps perdu, elles redonnent aussi le goût de l’avenir aux quelque deux millions d’enfants hors de l’école au Bénin. Baptisées ‘’Programmes de cours accélérés (Pca) ou les centres Barka en fonction des partenaires financiers, elles se positionnent comme une opportunité pour les enfants déscolarisés et non scolarisés.

L’étude du consortium Dedras-Ong–Social Watch Bénin intitulée, « Collecte de données probantes pour faciliter les changements de politique dans les sous-secteurs des enseignements primaire et secondaire au Bénin (phase 2) », évalue à « sept cent mille le nombre d’enfants hors du système éducatif repêchés en 2006 et à deux millions en 2018 ».

A Kandi, ces initiatives ont toute leur raison d’être. La commune présente encore un nombre significatif d’enfants en âge d’aller à l’école et qui sont hors du système éducatif. « Pour le compte de l’année scolaire 2024-2025, nous avons recruté mille cent quinze apprenants dans la zone Kandi-Gogounou et Ségbana que nous avons réintégrés dans le système formel », soutient Nafiou Aboubakari, responsable du Paefe, dans la zone Kandi Gogounou et Ségbana.

La plupart de ces enfants représentent une mine d’or pour le pays. « Ils sont pétris de talent. On retrouve dans leurs rangs de grands diplômés et d’artisans, des chefs d’entreprises »,

assure-t-il.

Selon la Stratégie de renforcement des alternatives éducatives pour une éducation de base inclusive 2021-2026 (Srae), « à l’horizon 2030, le système éducatif béninois est doté d’un dispositif performant des alternatives éducatives prenant en charge, l’éducation de tous les enfants de 9 à 15 ans hors de l’école, sans exception aucune». Le Conseil des ministres a approuvé la Srae au cours de sa séance du 17 septembre 2025. D’un montant de près de deux cent quatre-vingt quatre milliards de FCfa, ce financement couvrira l’élaboration des programmes adaptés, la formation des encadreurs, la construction et l’équipement des centres d’éducation alternative, le suivi-évaluation, la sensibilisation communautaire….

Le jeu en vaut la chandelle, au regard des prouesses des centres Barka. « Sur treize candidats présentés au Cep 2025, onze ont tiré leur épingle du jeu, soit 80 % », apprécie Bouko Yaya, deuxième adjoint au maire de Kandi.

Casse-tête

Mais ces initiatives sont arrivées à échéance et le retrait des partenaires est perçu comme une menace.  « Le Paefe est à terme, alors que toutes nos localités ne disposent pas encore des écoles de deuxième  chance », soupire Guillaume Tossa, directeur du Développement local et planification à la mairie de Parakou.

Le casse-tête au niveau de la municipalité dans laquelle il officie, c’est comment faire pour continuer à payer les maîtres alphabétiseurs, avoir des salles de classe en matériaux définitifs et sécuriser les zones où ces apprentissages sont dispensés.

Moussilimatou Jaquet, cheffe service de la Planification, du développement, du suivi-évaluation et de la statistique et point focal éducation de la mairie de Kandi ne s’en cache pas.

« Si les partenaires se retirent, notre budget actuel ne permettra pas de prendre la relève. Il faut trouver les moyens de pérenniser les centres Barka et d’accompagner les enfants qui en sortent et ceux désireux de poursuivre le cursus scolaire dans les collèges et universités», souligne-t-elle.

Avec des effectifs respectifs de 62, 47 et 46 apprenants, les centres Barka de Gah-Gnankabou, Gounin-Baka et Sawararou dans la commune de Parakou sont confrontés à la pénurie de « salles de classe, d’eau potable, de terrain de sport, ainsi que le défaut des actes d’état civil chez les apprenants », confie Soumaïla Gaoué, animateur du centre Barka de Gounin Baka.

Les rapports d’évaluation du gouvernement indiquent que le Programme de cours accélérés (Pca) a permis de rattraper le retard scolaire pour les enfants non scolarisés et déscolarisés. Sauf qu’après son achèvement, les choses n’ont pas bougé. Ce que confirme la « Collecte de données probantes pour faciliter les changements de politique dans les sous-secteurs des enseignements primaire et secondaire au Bénin (Phase 2): « le mécanisme institutionnel de continuité/durabilité n’a pas fonctionné après le retrait du partenaire technique et financier ».

C’est la Coopération Suisse qui finance le programme d’Appui à l’éducation, à la formation des enfants exclus du système éducatif (Paefe). Ce programme mis en œuvre par Helvetas en tandem avec le ministère des Enseignements maternel et primaire œuvre pour la rescolarisation des enfants hors école dans le Borgou, l’Alibori, l’Atacora et la Donga.

« Sur 15 ans, nous avons impacté environ vingt et un mille huit cents enfants sur un million neuf cents enfants concernés », confie Nadine Oké, cheffe projet Paefe à Parakou. Parmi ces enfants, seulement cinq mille ont pu véritablement honorer le programme.

Quoique les Ong travaillant sur les alternatives éducatives fassent un travail de fourmis pour repêcher les enfants, leur élan n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan. « La problématique reste entière parce que les efforts cumulés de tous les programmes qui travaillent sur le sujet n’ont pas pu impacter les 1,900 million d’enfants », fait-elle observer.

S’il est vrai que l’école de 2e chance est une aubaine pour les bénéficiaires, il est tout aussi important de veiller au financement des initiatives allant dans ce sens afin de faire profiter pleinement des avantages aux enfants déscolarisés et non scolarisés.

Nadine Oké plaide pour le renforcement du financement des alternatives éducatives : « Cela permettra à l’Etat de dégager un pourcentage du budget de l’éducation afin de disposer des ressources pour financer la scolarisation des enfants hors école ».

Dans tous les cas, si l’éducation alternative au Bénin reste encore embryonnaire, elle n’en demeure pas moins un laboratoire d’innovations et d’espoirs. Face aux limites du système classique, ces initiatives ouvrent une opportunité aux enfants hors de l’école. Entre volonté de transformation et obstacles structurels, l’enjeu désormais est d’œuvrer pour le maintien des minces acquis en attendant leur renforcement, afin que chaque enfant, quelle que soit son origine, ait le droit d’apprendre autrement, mais surtout d’apprendre mieux.