La Nation Bénin...
Alors
que le système éducatif traditionnel semble s'essouffler, les écoles
alternatives tendent la main aux enfants hors de l’école. Œuvre de plusieurs
institutions et Ong du domaine de l’éducation, ces initiatives sont un rempart
pour plusieurs enfants laissés pour compte au Bénin. Mais elles sont aussi
confrontées à des défis.
Les
multiples témoignages renseignent de la pertinence de l’éducation alternative
au Bénin. « Depuis l’arrivée du Programme d’appui à l’éducation et à la
formation des enfants exclus du système éducatif (Paefe), les enfants dans ces
centres sont assidus et respectueux. Ils savent lire et écrire », se réjouit
Pierre Lafia, parent d’élève.
Kora
Iliasso en est un exemple palpable. Sortie il y a deux ans du centre Barka de
Pégou, commune de Kandi, elle a déjà obtenu son Certificat d’études primaires
(Cep). « Aujourd’hui, je sais lire et écrire, le Paefe m’a permis d’apprendre
un métier et de prendre connaissance de ma culture », laisse-t-elle entendre
fièrement.
En
fait, les alternatives éducatives ne servent pas seulement à rattraper le temps
perdu, elles redonnent aussi le goût de l’avenir aux quelque deux millions
d’enfants hors de l’école au Bénin. Baptisées ‘’Programmes de cours accélérés
(Pca) ou les centres Barka en fonction des partenaires financiers, elles se
positionnent comme une opportunité pour les enfants déscolarisés et non
scolarisés.
L’étude du consortium Dedras-Ong–Social Watch Bénin intitulée, « Collecte de données probantes pour faciliter les changements de politique dans les sous-secteurs des enseignements primaire et secondaire au Bénin (phase 2) », évalue à « sept cent mille le nombre d’enfants hors du système éducatif repêchés en 2006 et à deux millions en 2018 ».
A
Kandi, ces initiatives ont toute leur raison d’être. La commune présente encore
un nombre significatif d’enfants en âge d’aller à l’école et qui sont hors du
système éducatif. « Pour le compte de l’année scolaire 2024-2025, nous avons
recruté mille cent quinze apprenants dans la zone Kandi-Gogounou et Ségbana que
nous avons réintégrés dans le système formel », soutient Nafiou Aboubakari,
responsable du Paefe, dans la zone Kandi Gogounou et Ségbana.
La
plupart de ces enfants représentent une mine d’or pour le pays. « Ils sont
pétris de talent. On retrouve dans leurs rangs de grands diplômés et
d’artisans, des chefs d’entreprises »,
assure-t-il.
Selon la Stratégie de renforcement des alternatives éducatives pour une éducation de base inclusive 2021-2026 (Srae), « à l’horizon 2030, le système éducatif béninois est doté d’un dispositif performant des alternatives éducatives prenant en charge, l’éducation de tous les enfants de 9 à 15 ans hors de l’école, sans exception aucune». Le Conseil des ministres a approuvé la Srae au cours de sa séance du 17 septembre 2025. D’un montant de près de deux cent quatre-vingt quatre milliards de FCfa, ce financement couvrira l’élaboration des programmes adaptés, la formation des encadreurs, la construction et l’équipement des centres d’éducation alternative, le suivi-évaluation, la sensibilisation communautaire….
Le jeu en vaut la chandelle, au regard des prouesses des centres Barka. « Sur treize candidats présentés au Cep 2025, onze ont tiré leur épingle du jeu, soit 80 % », apprécie Bouko Yaya, deuxième adjoint au maire de Kandi.
Casse-tête
Mais
ces initiatives sont arrivées à échéance et le retrait des partenaires est
perçu comme une menace. « Le Paefe est à
terme, alors que toutes nos localités ne disposent pas encore des écoles de
deuxième chance », soupire Guillaume
Tossa, directeur du Développement local et planification à la mairie de
Parakou.
Le
casse-tête au niveau de la municipalité dans laquelle il officie, c’est comment
faire pour continuer à payer les maîtres alphabétiseurs, avoir des salles de
classe en matériaux définitifs et sécuriser les zones où ces apprentissages
sont dispensés.
Moussilimatou
Jaquet, cheffe service de la Planification, du développement, du
suivi-évaluation et de la statistique et point focal éducation de la mairie de
Kandi ne s’en cache pas.
« Si les partenaires se retirent, notre budget actuel ne permettra pas de prendre la relève. Il faut trouver les moyens de pérenniser les centres Barka et d’accompagner les enfants qui en sortent et ceux désireux de poursuivre le cursus scolaire dans les collèges et universités», souligne-t-elle.
Avec des effectifs respectifs de 62, 47 et 46 apprenants, les centres Barka de Gah-Gnankabou, Gounin-Baka et Sawararou dans la commune de Parakou sont confrontés à la pénurie de « salles de classe, d’eau potable, de terrain de sport, ainsi que le défaut des actes d’état civil chez les apprenants », confie Soumaïla Gaoué, animateur du centre Barka de Gounin Baka.
Les
rapports d’évaluation du gouvernement indiquent que le Programme de cours
accélérés (Pca) a permis de rattraper le retard scolaire pour les enfants non
scolarisés et déscolarisés. Sauf qu’après son achèvement, les choses n’ont pas
bougé. Ce que confirme la « Collecte de données probantes pour faciliter les
changements de politique dans les sous-secteurs des enseignements primaire et
secondaire au Bénin (Phase 2): « le mécanisme institutionnel de
continuité/durabilité n’a pas fonctionné après le retrait du partenaire
technique et financier ».
C’est
la Coopération Suisse qui finance le programme d’Appui à l’éducation, à la
formation des enfants exclus du système éducatif (Paefe). Ce programme mis en
œuvre par Helvetas en tandem avec le ministère des Enseignements maternel et
primaire œuvre pour la rescolarisation des enfants hors école dans le Borgou,
l’Alibori, l’Atacora et la Donga.
«
Sur 15 ans, nous avons impacté environ vingt et un mille huit cents enfants sur
un million neuf cents enfants concernés », confie Nadine Oké, cheffe projet
Paefe à Parakou. Parmi ces enfants, seulement cinq mille ont pu véritablement
honorer le programme.
Quoique
les Ong travaillant sur les alternatives éducatives fassent un travail de
fourmis pour repêcher les enfants, leur élan n’est qu’une goutte d’eau dans
l’océan. « La problématique reste entière parce que les efforts cumulés de tous
les programmes qui travaillent sur le sujet n’ont pas pu impacter les 1,900
million d’enfants », fait-elle observer.
S’il
est vrai que l’école de 2e chance est une aubaine pour les bénéficiaires, il
est tout aussi important de veiller au financement des initiatives allant dans
ce sens afin de faire profiter pleinement des avantages aux enfants
déscolarisés et non scolarisés.
Nadine
Oké plaide pour le renforcement du financement des alternatives éducatives : «
Cela permettra à l’Etat de dégager un pourcentage du budget de l’éducation afin
de disposer des ressources pour financer la scolarisation des enfants hors
école ».
Dans
tous les cas, si l’éducation alternative au Bénin reste encore embryonnaire,
elle n’en demeure pas moins un laboratoire d’innovations et d’espoirs. Face aux
limites du système classique, ces initiatives ouvrent une opportunité aux
enfants hors de l’école. Entre volonté de transformation et obstacles
structurels, l’enjeu désormais est d’œuvrer pour le maintien des minces acquis
en attendant leur renforcement, afin que chaque enfant, quelle que soit son
origine, ait le droit d’apprendre autrement, mais surtout d’apprendre mieux.