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Après la tentative déjouée de coup de force: Cotonou retrouve son souffle et son sourire

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La circulation a progressivement repris son cours sur les grands axes de la ville La circulation a progressivement repris son cours sur les grands axes de la ville

Au lendemain de la tentative déjouée de coup de force, Cotonou a retrouvé une vie normale. Écoles, marchés, administrations et espaces publics ont repris leurs activités dans un climat de sérénité, même si une certaine appréhension demeure perceptible au sein de la population.

Par   Josué F. MEHOUENOU, le 09 déc. 2025 à 14h08 Durée 3 min.
#coup d'Etat #Cotonou

Lundi 8 décembre, 09 heures trente minutes. Dans une sandwicherie située non loin du boulevard de la Marina, l’ambiance est habituelle. Employés des ministères et riverains se gavent de sandwichs et savourent leur thé au citron, entre rires et taquineries. « C’est comme chaque lundi matin. Je marque souvent un arrêt ici pour prendre une baguette de pain bien garnie », laisse entendre Leslie, 28 ans, employé dans une structure de nettoyage. Malgré les assurances lisibles sur les visages de la dizaine de clients, des chuchotements et quelques apartés demeurent perceptibles. Le sujet de ces concertations entre potes se laisse bien deviner. La veille, une tentative de coup d’Etat portée par un groupuscule de militaires a échoué. Pour beaucoup, Cotonou se réveillerait entre peur et panique ce lundi matin, mais il n’en est rien.  

Des écoles aux marchés, des administrations aux grands espaces publics, la vie a repris ses droits. Mais derrière la normalité apparente, subsiste une peur diffuse, logée dans les regards et les conversations à voix basse. Cotonou s’est réveillée, ce matin, dans un calme qui contrastait fortement avec les tensions de la veille. Dès les premières lueurs du jour, la circulation a progressivement repris son cours sur les grands axes de la ville. Les bruits de klaxons, les appels des conducteurs de zémidjan et les vendeurs ambulants ont recomposé la bande sonore familière de la métropole économique. Le ciel, lui, semblait presque complice de ce retour à l’ordinaire, même si plus tard vers la fin de la matinée, les habitants de la ville qui a connu des assauts la veille, ont dû se résoudre à subir les affres de la pluie.

Les écoles, premiers symboles du retour à la normale

Dès sept heures, les abords des écoles publiques et privées affichaient une activité rassurante. Parents et élèves s’attroupaient devant les portails, comme un rituel de résistance silencieuse face à l’incertitude. « J’ai hésité hier soir, j’avoue. Mais ce matin, en voyant le calme, j’ai décidé d’envoyer mes enfants à l’école. On ne peut pas arrêter de vivre», confie Martine Hounsinou, mère de deux écoliers. Dans plusieurs établissements de Gbégamey, Saint Jean… les cours ont démarré à l’heure. « Il n’y a aucune raison pour ne pas être en classe avec les enfants ce matin», nous balance un enseignant de philosophie avant de rejoindre à pas pressés le collège Gbégamey. La veille, certains établissements ont communiqué, appelant à la quiétude. « Dans l’espérance et la foi que le Seigneur épargnera notre pays de tout tumulte susceptible d’entraver le bon déroulement des activités quotidiennes, nous vous informons que nos enfants sont attendus comme d’habitude pour les cours », a indiqué par exemple l’administration du collège catholique Saint Jean Baptise de Cotonou dans une note adressée aux parents.

Autre signal fort du retour à la normale, la disparition quasi totale des barrages observés la veille. Les forces de sécurité, plus discrètes, mais bien présentes aux points stratégiques, assuraient une circulation fluide. Dans la ville, notamment au cœur de la zone administrative, plusieurs chars étaient encore visibles. Seuls sont restés hermétiquement fermés, les accès menant à la résidence du chef de l’Etat. Du côté de la présidence de la République, tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Sauf à noter un contrôle plus renforcé à l’entrée du palais de la Marina et des agents en état d’alerte maximale, armes au poing. Dans tous les points stratégiques de la ville, la mobilité s’est organisée progressivement, sans panique.

Les marchés de nouveau pleins de vie

A la mi-journée, les marchés affichaient une ambiance presque normale. A Gbégamey, les étals débordaient de légumes, de poissons fumés, de condiments et de produits de première nécessité. Les femmes ont repris leurs habitudes, échangeant des sourires et parfois des commentaires à voix basse. «On a eu peur hier hein… Mais aujourd’hui, Dieu merci, on est là. Si on ne vend pas, nos enfants vont manger quoi ? », lance Prisca Aboki, la quarantaine. « La vie continue. Mais on reste vigilantes. On écoute tout, on observe tout », ajoute cette vendeuse de poissons fumés. « Le pays est plus fort que les troubles. On veut juste la paix», lance à côté un client venu faire ses achats. Dans la cité administrative, l’ambiance était studieuse. Les agents de l’Etat ont, pour la grande majorité, répondu présents dès les premières heures de la matinée. Les bureaux étaient ouverts, les guichets fonctionnels et les dossiers sans doute bien traités. « Nous avons suivi les consignes du chef de l’Etat qui nous demandait hier de rester calmes. C’est pourquoi nous sommes présents à nos postes pour assurer la continuité du service public. C’est aussi cela, le patriotisme », indique un cadre de l’administration. Une présence au poste qui contraste avec la réalité d’autres administrations qui ont opté pour plus de précautions. C’est le cas par exemple de certaines agences onusiennes qui ont préféré mettre leurs collaborateurs en télétravail. Sans doute pour mieux apprécier la situation. Ce lundi matin, leurs parkings étaient vides, les portes fermées et on n’y notait aucun mouvement.

Une ville résiliente

Pas si loin de là, au palais des Congrès, chants, pluie et ferveur. L’un des tableaux les plus marquants de la journée se jouait sans doute sur place. Malgré une pluie fine mais persistante, une foule nombreuse s’était rassemblée pour soutenir la cheffe Keith Sonon, engagée dans une compétition pour le plus long marathon culinaire du Guinness World Record. Hommes, femmes, jeunes et même quelques personnes âgées dansaient et chantaient, attendant avec impatience la distribution des plats. Cette scène, fortement symbolique, illustrait à elle seule la résilience du peuple béninois.

Partout dans la ville, la vie a donc repris son cours. Les taxis-motos sillonnent les rues, les boutiques ont rouvert, les vendeurs ambulants ont retrouvé leurs coins habituels. Mais derrière les sourires, une retenue demeure. Dans les conversations, le sujet revient souvent, à voix basse avec des incessants « Et si… », «On ne sait jamais… », «Espérons que ça ne se reproduira plus… ». La ville a recommencé à vivre, à rire, à commercer, à enseigner… Cotonou est calme, tranquille, debout.