La Nation Bénin...
Dans cet entretien, Abdel Rahman Ouorou Barè, président
du Comité national paralympique du Bénin (ex-Fédération handisport), revient
sur les réformes en cours dans le mouvement paralympique béninois,
l'organisation des fédérations par disciplines et les avancées sociales
majeures en faveur des personnes handicapées au Bénin. Il salue les efforts du
gouvernement tout en appelant à un soutien renforcé pour une véritable
inclusion par le sport.
La Nation : Des athlètes handicapés viennent de s’organiser en fédérations. Pourquoi avoir organisé ces assemblées générales constitutives ?
Rahman Ouorou Barè : Sur instruction du Comité international paralympique, il est recommandé que les fédérations nationales handisport opèrent des réformes afin de se transformer en véritables comités nationaux paralympiques, avec échéance en 2026. Cela signifie que les disciplines paralympiques doivent être structurées chacune en fédération. Dans ce cadre, le Comité national paralympique du Bénin (Cnp Bénin) a accompagné plusieurs associations à se constituer en fédérations sportives paralympiques. A terme, ces fédérations deviendront membres de droit du Cnp Bénin.
A ce jour, combien de fédérations avez-vous déjà organisées ?
Cette année, nous avons déjà aidé plusieurs groupes à se structurer. Il s’agit de la Fédération des sports pour aveugles et malvoyants, la Fédération de para athlétisme et la Fédération de para basket-ball.
Quelle est l’importance de ces réformes ?
Dans son format actuel, le Cnp Bénin a reçu mandat pour
gérer et promouvoir l’ensemble des disciplines handisportives, à savoir le goalball
et le cécifoot pour les personnes handicapées de la vue ; le para athlétisme
(lancer de poids, javelot, 100 m, etc.) pour les personnes handicapées
visuelles, auditives, de petite taille, intellectuelles et physiques ; le
basket-ball en fauteuil roulant ; le powerlifting pour les personnes à mobilité
réduite ; le para tennis de table, le para badminton, le para karaté (pour
déficiences motrices et visuelles), le volley-ball assis, et d'autres
disciplines paralympiques émergentes.
Dans ces conditions, il est très difficile pour une seule
fédération de gérer efficacement tout le mouvement paralympique. Avec la
réforme, chaque fédération pourra interagir directement avec sa faîtière
mondiale pour mieux répondre aux besoins spécifiques de sa discipline. Par
exemple, la Fédération des sports pour aveugles et malvoyants collaborera avec
l’Ibsa, la Fédération de para athlétisme avec World para athletics et la
Fédération de para basket-ball avec la Fédération internationale de basketball
fauteuil.
Sans entrer dans les détails, que pouvez-vous dire des mutations sociales et sportives récentes au Bénin envers les personnes handicapées ?
Depuis 1960, l’approche envers les personnes handicapées
au Bénin a profondément évolué. Nous sommes passés d’une vision de charité et
d’exclusion à une reconnaissance fondée sur les droits et l’accessibilité
universelle. Les années 1990 ont marqué un tournant avec l’émergence des
mouvements de défense des droits des personnes handicapées et une plus grande
liberté d’expression, notamment grâce au renouveau démocratique. En 2012, le
Bénin a ratifié la Convention des Nations unies relative aux droits des
personnes handicapées, qui impose la suppression de toutes formes de
discrimination et garantit l’égalité d’accès aux services. En 2017, la loi
n°2017-06 a été adoptée avec des engagements concrets sur l’accessibilité, le
changement de regard et de terminologie. Le 21 juin 2023, cinq décrets
d’application de cette loi ont été pris. Ces textes ont changé le quotidien des
personnes handicapées. Par exemple, un quota de 5 % leur est désormais réservé
dans les recrutements publics et privés, avec une bonification de cinq ans sur
la limite d’âge. Cela a permis à de nombreuses personnes handicapées de réussir
les concours de la fonction publique. La carte d’égalité des chances,
introduite par ces décrets, donne accès à divers services essentiels.
Sur le plan sportif, la participation des personnes
handicapées connaît un nouvel essor. Le gouvernement a apporté un soutien
conséquent à la Fédération Handisport. Entre autres, il y a eu la nomination
d’un conseiller spécial pour le handisport ; la subvention allouée à la
Fédération handisport ; le financement de la participation aux compétitions
internationales (Jeux paralympiques, qualifications, etc.) ; l’arrêté imposant
le sport dans les écoles accueillant des enfants handicapés ; la dotation de
fauteuils roulants adaptés, grâce au financement conjoint de l’ambassade de
France et de l’Etat béninois. Il est cependant souhaitable que le gouvernement
renforce encore son accompagnement et rende toutes les infrastructures
sportives accessibles à tous les athlètes handicapés.
Pour finir, nous disons un grand merci au gouvernement
béninois, à l’ambassade de France et aux futurs sponsors convaincus que le
handisport est l’un des plus puissants leviers d’inclusion sociale pour les
personnes handicapées.
Abdel Rahman Ouorou Barè, président du Cnp Bénin lève un coin de voile sur les réformes entreprises