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Mahussi Saturnin Sewayi sur le syndicalisme moderne et innovant: « Le temps de la grève ou de la contestation comme moyen exclusif de lutte est révolu »

Société
Mahussi Saturnin Sewayi, jeune leader syndical prône un  syndicalisme moderne et innovant Mahussi Saturnin Sewayi, jeune leader syndical prône un syndicalisme moderne et innovant

Longtemps associé à la grève et à la confrontation, le syndicalisme se réinvente au Bénin, où le droit de grève est désormais strictement encadré. Entre dialogue social, innovation et engagement citoyen, une nouvelle génération de leaders plaide pour un syndicalisme plus responsable et plus stratégique, à l’image de la vision portée par Mahussi Saturnin Sewayi, jeune leader syndical au sein du Synepas-Bénin et de la Cosi-Bénin. 

Par   Babylas ATINKPAHOUN, le 10 déc. 2025 à 04h47 Durée 3 min.
#syndicalisme moderne

La Nation : Quelle place occupent les jeunes dans le mouvement syndical au Bénin?

Mahussi Saturnin Sewayi: La participation des jeunes progresse, mais reste faible. Beaucoup revendiquent leurs droits au travail notamment de meilleures conditions de travail, mais manquent d’information et d’espaces d’expression. Le renouvellement générationnel est pourtant indispensable pour un syndicalisme moderne et influent.

 Quels freins identifiez-vous à leur engagement ?

Nous pouvons relever trois freins principaux. Le premier, c’est la méconnaissance du rôle des syndicats. Beaucoup de jeunes ignorent les missions fondamentales des organisations syndicales, les réduisant souvent à des structures de revendication ponctuelle. Cette incompréhension limite leur intérêt et leur capacité à s’engager activement dans la défense collective de leurs droits. Nous avons ensuite la perception négative du syndicalisme. Le syndicalisme est parfois assimilé, à tort, à des pratiques conflictuelles ou à des postures de blocage systématique. Cette image dégradée décourage de nombreux jeunes, qui associent l’engagement syndical à des risques professionnels ou sociaux. Et enfin, on peut relever comme frein, le manque d’espaces d’expression et de responsabilité pour les jeunes dans l'arène syndicale. Les jeunes disposent de peu de cadres formels pour faire entendre leurs idées et participer aux prises de décision au sein des structures syndicales. Cette absence de passerelles vers des postes de responsabilité entretient un sentiment d’exclusion et affaiblit durablement leur motivation à s’investir. 

Comment attirer davantage de jeunes ?

Nous attirons les jeunes en leur ouvrant les structures, en investissant dans la formation syndicale et en créant des espaces d’initiative. Mon parcours est issu de cette dynamique, d’abord au Synepas-Bénin, puis à la Cosi-Bénin, qui compte un département des jeunes autonome et plusieurs jeunes leaders dans son bureau confédéral.

Est-ce qu’il y a des initiatives régionales ou continentales afin de porter plus loin vos objectifs ?

L'année 2025 a été marquée par notre participation à la Conférence des jeunes leaders syndicaux africains organisée par la Csi-Afrique à Lomé. Cette conférence a été une véritable tribune d’expression des jeunes du continent sur des enjeux majeurs tels que la justice sociale, la transition juste, mais surtout la précarité croissante de l’emploi. Au-delà des chiffres officiels souvent rassurants, la réalité est que la jeunesse africaine vit dans la précarité structurelle dans certains pays. Nous reconnaissons les politiques publiques engagées par nos gouvernants, mais leurs efforts restent parfois insuffisants. Nous avons appelé nos dirigeants à créer de l’emploi pour les jeunes et à en faire une priorité stratégique. Il faut reconnaitre que beaucoup de pays comme le Bénin le font déjà, et il faut continuer sur ce chemin. L’Afrique est un continent jeune. Sa croissance économique doit bénéficier d’abord à cette jeunesse qui constitue sa force vive.

Vous prônez un syndicalisme moderne et innovant. Qu’est-ce que cela signifie dans un pays comme le Bénin, où le droit de grève est encadré ?

Un syndicalisme moderne et innovant ne se limite pas à la grève ou à la contestation traditionnelle. Le temps de la grève ou de la contestation traditionnelle est révolu. Dans le contexte béninois, où le droit de grève est encadré par la loi et soumis à des procédures strictes, il s’agit surtout d’adopter des stratégies de dialogue social, de négociation proactive et de médiation. Cela implique d’être créatif dans les méthodes d'action. On peut citer les consultations participatives, les plateformes numériques de revendication, les projets pilotes, les formations et sensibilisations des travailleurs et des employeurs. L’innovation, c’est aussi intégrer les jeunes, le numérique, la justice sociale et la transparence dans la gouvernance syndicale.

En résumé, un syndicalisme moderne au Bénin est un syndicalisme responsable, inclusif et orienté vers la recherche de solutions, même dans un cadre légal contraignant, afin de protéger les droits des travailleurs tout en contribuant au développement économique et social.

Quel message aux jeunes qui hésitent à s’engager ?

Un syndicat est un espace pour construire son avenir et défendre ses droits. Les jeunes ont l’énergie et la créativité nécessaires pour renouveler le mouvement syndical. Le syndicalisme de demain doit être porté avec et par les jeunes.