La Nation Bénin...
Figure majeure du plaidoyer pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des jeunes, ancienne députée capverdienne, figure influente des réformes parlementaires en Afrique, Graça Sanches appelle à repenser les mécanismes politiques et budgétaires pour garantir une meilleure représentativité des femmes. Dans cet entretien, elle souligne que 2026 peut marquer une rupture majeure, à condition que partis, institutions et citoyens s’engagent pleinement pour une démocratie plus inclusive.
En quoi consistent vos fonctions au sein de l’Union interparlementaire et quelles sont les grandes lignes de votre mission en matière de genre et de gouvernance?
Travailler au sein de l'organisation mondiale des parlements est un rêve pour toute personne ayant exercé des responsabilités parlementaires. L’Union interparlementaire (Uip), fondée en 1889, rassemble aujourd’hui 183 parlements et 15 membres associés. Elle promeut la diplomatie parlementaire et accompagne les institutions législatives dans la défense de la paix, de la démocratie, des droits humains et du développement durable.
Ma mission s’inscrit dans cette vision. Elle consiste à aider les parlements à devenir plus sensibles au genre, à renforcer l’autonomisation politique des femmes et des jeunes, et à garantir que les lois adoptées intègrent véritablement la dimension genre. Nous organisons des sessions de renforcement de capacités, menons des actions de plaidoyer et mobilisons également les hommes pour qu’ils s’engagent dans la cause de l’égalité.
Quels sont, selon vous, les principaux freins culturels, institutionnels ou législatifs qui limitent encore la participation politique des femmes au Bénin?
Malgré des avancées notables, comme la présence de 28 femmes à l’Assemblée, la participation des femmes reste insuffisante au regard des standards de parité. Les structures politiques sont encore majoritairement dominées par les hommes, l’accès aux ressources pour mener campagne est inégal, et l’absence de quotas contraignants ne favorise pas une représentation équilibrée.
Introduire des mesures législatives fortes (en plus des quotas obligatoires) comme des incitations pour positionner davantage de femmes en tête de liste, serait un pas décisif pour réduire ces inégalités et permettre aux femmes d’accéder aux sphères décisionnelles.
Vous évoquez souvent la nécessité d’appliquer une “loupe de genre” aux lois et aux institutions. Comment cette approche pourrait-elle transformer le paysage politique béninois?
Lorsque l’on considère par défaut que les politiques publiques sont neutres, on ignore la diversité des besoins entre hommes et femmes. La “loupe de genre” permet d’analyser les écarts d’accès aux ressources, aux services et aux opportunités.
Au Bénin, cela permettrait de détecter les groupes désavantagés et de concevoir des politiques publiques ciblées. Prenons l’exemple de l’éducation: si les données montrent que les filles décrochent plus que les garçons, il faut alors mettre en place des mesures spécifiques pour lever les obstacles qui leur sont propres. L’approche est transposable à la santé, à l’emploi, au logement. Elle garantit une justice sociale réelle et non théorique.
À l’approche des élections de 2026, voyez-vous des signaux positifs concernant l'engagement des femmes en politique?
Je suis optimiste. Les échanges que nous avons eus avec les partis politiques ont révélé une prise de conscience: ils savent qu’ils doivent ouvrir davantage d’espace aux femmes, tant dans leurs structures internes que sur les listes électorales.
Les femmes s’organisent, se forment et se positionnent. Les jeunes aspirantes entrent dans les programmes de formation politique, ce qui est crucial. J’observe également l’émergence d’alliances constructives entre femmes parlementaires et hommes engagés pour la parité.
2026 pourrait devenir un tournant, avec de réels progrès, non seulement en nombre mais aussi en influence.
Quels sont, selon vous, les leviers prioritaires pour renforcer la participation des femmes avant 2026?
D’abord, l’instauration de quotas contraignants dans les lois électorales et au sein des partis. Ensuite, la formation et le mentorat, spécifiquement adaptés aux femmes candidates. Enfin, l’engagement des partis politiques, qui doivent intégrer la parité dans leurs stratégies internes et leurs instances de décision.
Les partis politiques sont au cœur du jeu démocratique. Comment peuvent-ils mieux intégrer les femmes?
Ils doivent mettre en place la parité dans leurs organes de décision, revoir les procédures de sélection des candidats, créer un environnement exempt de harcèlement politique et offrir des formations et du mentorat aux femmes. La parité doit être réelle, pas symbolique. Les alliances femmes-hommes au sein des partis sont également essentielles pour changer la culture politique.
Comment mobiliser la société civile, les médias et les jeunes femmes pour soutenir cette dynamique?
Les Osc doivent renforcer le plaidoyer, sensibiliser dans les communautés et créer des réseaux de femmes leaders. Les médias, eux, doivent donner de la visibilité aux femmes politiques, combattre les stéréotypes et promouvoir une représentation positive.
Quant aux jeunes femmes, elles doivent être formées, suivies et encouragées à s’engager dès les premières opportunités.
Graça Sanches