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Edia Flavien Dovonou, maître de Conférences des universités du Cames: « Notre responsabilité, laisser aux générations futures une terre habitable »

Société
Edia Flavien Dovonou Edia Flavien Dovonou

Le 14 mars marque la Journée internationale d’actions pour les rivières. Pour le compte de l’édition 2024, l’accent est mis sur ‘’l’eau pour tous’’. Au Bénin, les spécialistes de la question font des efforts pour préserver cette ressource naturelle. Edia Flavien Dovonou, spécialiste en management environnemental et qualité des eaux, chef du département Hydrologie et Gestion des ressources en eau, évoque dans cette interview les menaces qui pèsent sur les rivières et propose une série d’actions à promouvoir pour freiner l’ensablement des cours d’eau. 

Par   Maryse ASSOGBADJO, le 22 mars 2024 à 08h59 Durée 4 min.
#Edia Flavien Dovonou, maître de Conférences des universités du Cames

Comment peut-on définir une rivière ?

Une rivière est un cours d’eau naturel de moyenne importance qui se jette dans un autre cours d’eau. En hydrographie, une rivière est un cours d’eau au débit moyen à modéré (supérieur à 2m3) par seconde recevant des affluents et qui se jette dans une autre rivière ou dans un fleuve. Au Bénin, nous avons la rivière Agbado dans le département des Collines, la rivière noire à Adjarra dans le département de l’Ouémé.

Quelle nuance peut-on faire entre rivière, fleuve et lac ?

Un fleuve est un cours d’eau important remarquable par le nombre de ses affluents, l’importance de son débit, la longueur de son cours et qui se jette dans la mer. Le Bénin a le fleuve Ouémé (le plus grand du pays), le fleuve Zou, le fleuve Mono, le fleuve Couffo. En dehors de ses fleuves propres à notre pays, il y a le fleuve Niger (fleuve transfrontalier parce qu’il traverse plusieurs pays). Une rivière est un affluent d’un fleuve. Le Mékrou, l’Alibori et la Sota sont des affluents du fleuve Niger.

Un lac, par définition, est une grande nappe d’eau située à l’intérieur des terres (lac Nokoué et le lac Ahémé au sud du Bénin, le lac Djètoé à Lokossa, le lac Toho, le lac Azili à Zangnanado, le ‘’lac Sélé’’ à Sagon dans la commune de Ouinhi). En Afrique, il y a le lac Kivu situé en Rdc, et au japon, le Titicaca. Les rivières et les fleuves sont des cours d’eau tandis que les lacs sont des plans d’eau.

Qu’est-ce qui justifie la célébration de la Journée internationale d’actions pour les rivières ?

Chaque année, la date du 14 mars est retenue pour commémorer la Journée internationale d’actions pour les rivières afin d’attirer l’attention des décideurs de la communauté internationale sur la nécessité d’honorer les rivières du monde et l’importance de leur protection. Les rivières sont des espaces de vie qui comportent la faune et la flore aquatiques.

 

Comment peut-on honorer les rivières à travers des actions ?

Les rivières sont des écosystèmes aquatiques constitués de la biocénose et du biotope. Dans le cas d’espèce, le biotope, c’est l’eau. Pour honorer les rivières, il faut assainir leur berge, éviter de transformer leur berge en dépotoir sauvage, interdire le rejet des eaux usées dans les rivières. Il faut dépolluer les rivières et restaurer les berges. La restauration des berges passe par la restitution des forêts galeries, le reboisement intensif le long des rivières parce que l’un des rôles des arbres, c’est de fixer le sol. Quand le sol est fixé, il empêche les sédiments meubles de se déposer, de se transporter pour aller dans le lit de la rivière.

Cette année, le thème de la Journée internationale d’actions pour les rivières est intitulé : ‘’L’eau pour tous’’. Que doit-on y comprendre ?

L’eau est un bien commun. Son usage est transversal et universel. L’eau sert de boisson. Elle est indispensable pour l’agriculture, la pêche et l’élevage. L’eau intervient dans beaucoup de processus au niveau des industries. L’eau, c’est la vie. Le besoin journalier de l’Homme en matière de consommation d’eau est de 40 litres par jour. La force du courant d’eau tourne les turbines et produit de l’énergie hydroélectrique. La planète terre vue du ciel est bleue, car sa surface est recouverte à 70 % d’eau que sont les fleuves, les rivières, les océans, les mers, les lacs, les ruisseaux, les étangs, les marécages… Pour prévenir les conflits, nous devons sensibiliser les différents acteurs au fait que l’eau est un bien commun.

Les grands barrages sont cités comme des menaces pour les rivières. En quoi constituent-ils des menaces ?

Les grands barrages sont des menaces pour les rivières parce qu’ils perturbent leur fonctionnement hydrologique. Un barrage a un réservoir qui est situé en amont des turbines. Lorsqu’il pleut, l’eau converge vers ce réservoir en le remplissant. Les rivières situées en aval du barrage cessent de ‘’fonctionner’’, parce qu’elles ne reçoivent plus l’eau du bassin. Pour sauver les ouvrages des barrages lors des lâchers, l’eau déversée emprunte le lit de la rivière. Cet écoulement peut ne pas être en phase avec le cycle biologique des espèces animales et végétales se trouvant dans l’écosystème qu’est la rivière. Les barrages dérèglent le fonctionnement normal des rivières et des fleuves.

Comment la protection des rivières contribue-t-elle à la préservation de la nature et au développement durable ?

La protection des rivières les épargne de la pollution chimique, organique et microbiologique. L’eau de la rivière aura des caractéristiques qui vont faciliter le développement des espèces halieutiques et de la flore aquatique. Il est très important de protéger les ressources en eau de façon générale et particulièrement les rivières, parce que les ordures qu’on envoie dans les rivières, les fleuves, les lacs contiennent des substances toxiques et métaux lourds (mercure, plomb…), polluent l’eau de la rivière alors que dans ces eaux se trouvent des poissons, des crabes, des crevettes, des huîtres. Lorsque ces espèces halieutiques sont au contact de ces polluants, on parle du phénomène de bioaccumulation, c’est-à-dire que ces contaminants pénètrent dans leur organisme. A la recherche de la protéine animale, l’homme consomme ces ressources halieutiques. S’ensuivent alors les intoxications, parce que ces ressources halieutiques croissent dans les eaux usées des rivières, en accumulant dans leur organisme les polluants chimiques. Ce sont là les causes de beaucoup de pathologies inexplicables, d’où l’intérêt de protéger les ressources en eau et les eaux de surface. Nous avons hérité de nos parents une terre habitable et vivable et nous avons la lourde responsabilité de laisser aux générations à venir une terre habitable et vivable.