La Nation Bénin...
À Porto-Novo, d’anciens pêcheurs réinventent leur métier
grâce à la pisciculture en cages. Organisés en coopérative, ils élèvent des
tilapias sur la lagune et tournent ainsi le dos aux pratiques destructrices.
Une aventure collective qui redonne vie à la lagune et au métier de pêcheurs…
Porto-Novo, ville capitale. Là-bas, des pêcheurs convertis à la pisciculture durable tournent le dos à la précarité. Autrefois blâmés pour des pratiques de pêche nuisibles à l’écosystème lagunaire, ils ont choisi une voie nouvelle : celle d’une pêche plus responsable et surtout plus productrice. Organisés en coopérative, ils élèvent désormais des tilapias dans des cages fixes sur la lagune, réinventant leur métier et redonnant sens à leur avenir. Une reconversion exemplaire, soutenue par les autorités et saluée par les consommateurs, confient-ils. Connus pour leurs filets interdits, et souvent accusés d’épuiser les ressources halieutiques de la lagune, ces pêcheurs ont changé de cap. Sous l’impulsion de la coopérative « Richesses Aquacoles », ils se sont lancés dans l’élevage du tilapia en cages fixes, une alternative durable qui les met à l'abri des représailles et qui, mieux que par le passé, leur procure plus de bien-être et de revenus.
De la pêche anarchique à la pisciculture raisonnée
Ils sont une douzaine à porter cette aventure collective,
devenus acteurs de leur propre reconversion économique et écologique.
« Aujourd’hui, nous ne sommes plus des pêcheurs de capture. Nous sommes devenus
pisciculteurs. Nous élevons des poissons dans des cages fixes, des enclos et
aussi dans des étangs. Ce n’est plus de la pêche de capture. C’est de la pisciculture
que le gouvernement soutient fortement. Et c’est aussi une façon d’aider
d’autres pêcheurs à abandonner les pratiques illicites pour se reconvertir »,
explique Léopold Padonou, président de la coopérative. Sur la lagune face au
pont venant de Cotonou et menant dans la ville aux trois noms, 43 cages sont
installées sur un domaine d’environ cinq hectares. Mais cet espace convient à
peine aux ambitions et perspectives de la coopérative. Elle espère
l’autorisation des décideurs pour exploiter 19 hectares demandés à l’État. Ces
cages fixes de 5x5 mètres abritent plus de deux mille poissons chacune. Les
enclos, plus larges (9x11 mètres), en contiennent jusqu’à huit mille, détaille
le numéro 1 de la coopérative. Le choix des cages fixes s’est imposé pour des
raisons économiques, mais aussi écologiques. « La lagune s’est appauvrie. On
n’y trouvait plus de poissons, ce qui poussait les pêcheurs à des pratiques
destructrices. Aujourd’hui, notre activité attire d’autres poissons d’eau
douce, qui viennent se réfugier autour de nos installations », assure-t-il. Le
cycle de production s’étale sur cinq à six mois. Les poissons atteignent un
poids moyen de 400 à 800 grammes, parfois plus d’un kilogramme. La coopérative
assure aussi la formation de ses membres, leur fournit des matériaux, des
alevins et des aliments. « À la fin du cycle d’élevage, nous vendons la
production. La majorité de nos clients sont les femmes des pêcheurs, qui
alimentent le marché local et les restaurants », explique Léopold Padonou. La
pratique de sa coopérative, assure-t-il, est plutôt écologique. « Ce n’est pas
une source de pollution. Nous utilisons des aliments naturels et contribuons
même à repeupler la lagune », rassure-t-il.
Au marché d’Akron à Porto-Novo, Anne Avocègamou,
autrefois vendeuse de poissons, témoigne de l’impact de cette nouvelle offre.
« La lagune était vide. J’avais quitté le secteur. Mais avec cette production,
je reviens peu à peu. Ils nous fournissent de très bons poissons ».
Une option bénéfique
« Avec la coopérative Richesses aquacoles, nous avons
laissé tomber les engins prohibés pour investir dans l’élevage en cage.
Aujourd’hui, nous travaillons en respectant les règles, nous partageons les
bénéfices et surtout, nous voyons notre activité grandir sans détruire la
ressource. C’est plus de sécurité pour nos familles et plus de respect pour
notre milieu », confie un des pêcheurs de la coopérative. «Mes revenus ont pratiquement doublé.
L’élevage en cage, c’est plus régulier, plus sûr, et nous avons des partenaires
qui nous achètent directement nos produits », avance-t-il. Au nombre des
clients de la coopérative, William Winsou, président de l'Association nationale
des distributeurs de poisson d'élevage du Bénin (Anadipe-Bénin). Il collabore
avec eux depuis trois ans et se félicite du chemin parcouru. Pour cette
récolte, il est venu se ravitailler pour quatre cent kilogrammes de tilapia
revendus aux restaurants, hôtels, maquis ou aux particuliers. « C’est rentable,
même si le prix reste un défi face à la concurrence du poisson congelé importé.
Nous espérons que le gouvernement nous aidera à rendre ce poisson plus
compétitif et à réguler les importations », suggère-t-il.
Pour Régina Hondjo, restauratrice, ce tilapia est un atout. « Il est frais, ce qui garantit une cuisson idéale. Que ce soit au gril, braisé ou frit, il garde sa texture moelleuse. Son goût doux plaît beaucoup à mes clients. Sa chair est fine, tendre, et se marie bien avec les épices, le citron, l’ail, le gingembre ou les herbes. Une bonne marinade fait ressortir toutes ses saveurs. » Pour son président, la logique de la coopérative «Richesses aquacoles » est une sorte de revanche collective sur la précarité, mais bien plus. Elle incarne selon ses mots, une renaissance pour les pêcheurs, relance des circuits économiques locaux et renforce les liens sociaux dans la communauté. Un modèle qui pourrait inspirer d’autres régions confrontées à la surexploitation des ressources halieutiques. « C’est mieux que ce que nous faisions avant, et cela donne de l’avenir à nos familles. Ici, nous sommes fiers de notre travail », conclut Léopold Padonou.
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