La Nation Bénin...
La planification familiale reste l’un des leviers les plus puissants mais souvent sous-estimés du développement démographique au Bénin. Dans cet entretien, Ernest Edah, spécialiste en santé reproductive, explique l’importance de cette démarche, ses effets sur la santé, l’économie et la société, ainsi que les efforts à intensifier pour un meilleur accès, notamment chez les jeunes.
La Nation : Qu’entend-on par planification familiale ?
Ernest Edah : La planification familiale désigne l’ensemble des pratiques, services et méthodes permettant aux couples et aux individus de choisir librement et de manière responsable le nombre d’enfants qu’ils souhaitent avoir et l’espacement entre les naissances. Au Bénin, elle est considérée comme un droit fondamental, inscrit dans la politique nationale de santé reproductive. Elle représente non seulement un choix individuel, mais aussi un véritable outil de développement national.
Quelles sont les méthodes les plus utilisées au Bénin ?
Les méthodes modernes demeurent les plus accessibles: préservatifs, pilules, injections, implants et dispositifs intra-utérins (Diu). Mais les méthodes naturelles comme la méthode du calendrier, la température basale ou l’allaitement maternel exclusif (Mama) continuent d’être utilisées, surtout en milieu rural. Le plus important est que chaque femme puisse faire un choix éclairé, en fonction de son âge, de sa santé et de sa situation.
Comment la planification familiale influence-t-elle la croissance démographique ?
Elle joue un rôle majeur dans la maîtrise de la croissance démographique. En réduisant les grossesses non désirées et en espaçant les naissances, elle contribue à limiter la pression sur les services sociaux et les ressources naturelles. Le Bénin enregistre encore un taux de fécondité élevé, estimé à environ 4,8 enfants par femme. Une meilleure adoption de la planification familiale pourrait donc stabiliser la population et créer les conditions d’un développement équilibré.
Quels en sont les principaux avantages pour les familles et la société ?
Pour les familles, les bénéfices sont directs : une meilleure santé pour la mère et les enfants, une gestion plus harmonieuse des ressources et la possibilité d’investir davantage dans l’éducation et la nutrition. À l’échelle nationale, cela se traduit par une réduction de la pauvreté, une amélioration du capital humain et une baisse des charges pesant sur les systèmes sociaux et de santé.
En quoi contribue-t-elle à la santé maternelle et infantile ?
La planification familiale réduit les grossesses précoces, rapprochées ou non désirées. Elle diminue aussi les avortements à risque, qui restent une cause importante de mortalité maternelle. En espaçant les naissances, elle favorise un meilleur suivi médical, une nutrition adéquate et un développement optimal de l’enfant.
Quel lien avec la mortalité maternelle ?
On estime qu’une planification familiale efficace peut prévenir jusqu’à 30 % des décès maternels. En évitant les grossesses à haut risque et en facilitant l’accès aux soins prénataux et postnataux, elle sauve des vies et renforce la santé des femmes en âge de procréer.
Quels impacts économiques une bonne planification familiale peut-elle avoir sur le pays ?
Les effets sont considérables. En maîtrisant la démographie, un pays améliore sa productivité, réduit les dépenses publiques en santé et en éducation, et favorise l’épargne ainsi que l’investissement au niveau des ménages. Moins de naissances non planifiées signifient des familles plus stables, capables d’investir davantage dans la formation et l’avenir de leurs enfants.
Comment la maîtrise démographique aide-t-elle à gérer les ressources naturelles ?
Une population bien régulée réduit la pression sur les terres, l’eau, les forêts et les infrastructures. Cela permet une répartition plus équitable des ressources et soutient un développement durable. La planification familiale agit donc comme un régulateur social et environnemental.
Quel rôle jouent les centres de santé communautaires ?
Les centres de santé communautaires, souvent en partenariat avec des organisations comme l’Abpf, assurent la sensibilisation, la fourniture de méthodes contraceptives et le suivi des utilisateurs. L’Abpf, pionnière en santé sexuelle et reproductive au Bénin, œuvre notamment pour offrir un meilleur accès aux adolescents et aux jeunes, afin qu’ils puissent exercer leurs droits librement et de manière responsable.
Que peuvent faire les politiques publiques pour renforcer la planification familiale ?
L’État doit poursuivre le renforcement du Plan national de planification familiale, former davantage de prestataires, subventionner les produits contraceptifs et rendre gratuits les soins en santé sexuelle et reproductive pour les jeunes. Il est aussi essentiel d’intégrer l’éducation sexuelle dans les programmes scolaires et d’impliquer les leaders communautaires afin de lever les tabous qui freinent encore l’adoption de ces pratiques.
Ernest Edah