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Cyrille Gougbédji au sujet de l’éthique dans l’enseignement supérieur: « La qualité de l’enseignement appelle à l’observance de certaines valeurs d’éthique… »

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Cyrille Gougbédji, délégué général adjoint au Contrôle et à l’éthique dans  l’enseignement supérieur Cyrille Gougbédji, délégué général adjoint au Contrôle et à l’éthique dans l’enseignement supérieur

Cyrille Gougbédji est le délégué général adjoint au Contrôle et à l’éthique dans l’enseignement supérieur. Dans cette interview, il évoque les valeurs d’éthique à rechercher dans le monde universitaire, une communication qu’il a présentée lors d’un colloque organisé par l’Académie nationale des sciences, arts et lettres du Bénin (Ansalb) sur l’éthique dans l’enseignement supérieur les 25 et 26 janvier derniers à Cotonou. 

Par   Isidore GOZO, le 09 févr. 2024 à 05h27 Durée 5 min.
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La Nation : Au cours du colloque organisé par l’Académie nationale des sciences, arts et lettres du Bénin (Ansalb), vous avez présenté une communication sur le thème : « Les valeurs d’éthique dans l’enseignement supérieur ». Pourquoi le choix de cette thématique ?

Cyrille Gougbédji : L’Académie nationale des sciences, arts et lettres du Bénin (Ansalb) a organisé un colloque sur le thème : « Ethique dans l’enseignement supérieur et la recherche scientifique ». Nous avons participé à ce colloque à double titre. D’abord, en tant qu’enseignant chercheur du supérieur et ensuite en tant que membre désigné par la Délégation au Contrôle et à l’éthique dans l’enseignement supérieur pour assurer le rôle communicateur. A ce colloque, nous avons présenté une communication portant sur le thème : « Les valeurs d’éthique dans l’enseignement supérieur ». Ces dernières années, le monde universitaire est marqué par quelques scandales ou faits répugnants qui indiquent une perte des valeurs dans l’enseignement supérieur. Mais au-delà de cette question liée à certains faits scandaleux, il faut noter que la qualité dans l’enseignement supérieur est une question d’actualité et appelle à l’observance de certaines valeurs d’éthique. Quand on met les faits scandaleux et la question de la qualité ensemble, on comprend pourquoi l’Académie nationale a bien voulu mettre l’accent sur l’éthique dans l’enseignement supérieur. 

Quelles sont les valeurs d’éthique à rechercher dans l’enseignement supérieur ?

Il y a une multitude de valeurs d’éthique mais notre communication a fait une synthèse qui permet de les catégoriser. Nous avons identifié les valeurs d’éthique que nous appelons valeurs d’ordre social parce que les enseignants et les chercheurs du supérieur ne sont pas en marge de la société dans laquelle ils vivent. Il y a des valeurs d’éthique qui sont intrinsèques à toute société et qui s’appliquent à eux en tant que membres ou acteurs de la société. Deuxièmement, nous avons les valeurs d’éthique communautaires parce que l’université est une communauté à part entière qui a ses règles spécifiques, ses exigences et ses privilèges. A l’ensemble de ces paramètres, sont attachées certaines valeurs appelées valeurs communautaires. Troisièmement, nous avons les valeurs professionnelles et individuelles qui concernent l’enseignant ou le chercheur en tant que professionnel ou spécialiste de son art et en tant qu’individu et qui, en tant que tel, doit mettre ses comportements en phase avec certaines valeurs. Quand nous prenons les valeurs sociales et communautaires, on voit qu’elles sont des valeurs qui portent ce que nous appelons le bien-être et le savoir-vivre au sein de la société ou de la communauté. Quand nous prenons aussi les valeurs professionnelles et individuelles, elles traduisent un état de comportement du professionnel et de l’individu en rapport à sa profession ou à son comportement vis-à-vis des autres acteurs qu’il côtoie.

A partir de là, il a été bien clarifié que les valeurs d’éthique que l’on trouve proches de la morale se situent au-delà de la morale pour être des valeurs qui établissent un rapport de soi avec la société, la communauté, la profession ou ses semblables tandis que les valeurs dites simplement de morale constituent ce qui en réalité, établit le bon comportement reconnu partout et découlant simplement du bon sens. Tout ce qui découle du bon sens n’aura pas acquis valeur d’éthique ni de déontologie parce qu’il y a des pas à franchir. Les valeurs d’éthique liées à une profession constituent un ensemble de valeurs jugées indispensables pour la bienséance dans l’exercice de cette profession et donc, à la base des valeurs d’éthique professionnelle. On peut avoir l’idée de morale mais elles sont ciblées parce que attachées à la profession tandis que les valeurs d’éthique qu’on va appeler les valeurs déontologiques sont des valeurs d’éthique codifiées assorties de sanctions. Si c’est l’éthique pure, il n’y a pas de sanction mais cela apparaît comme un idéal à promouvoir pour que la profession puisse se porter au mieux. Il y a donc une nuance entre les valeurs morales, les valeurs d’éthique et les valeurs déontologiques. Seulement, à première vue, la frontière ne paraît pas très nette.

Existe-t-il des mécanismes de protection de ces valeurs ?

Parlant de mécanismes de protection des valeurs, nous avons des organes qui sont mis en place par l’Etat au niveau central comme la Délégation au Contrôle et à l’éthique dans l’enseignement supérieur. Il y a aussi des organes mis en place aux niveaux sectoriel et institutionnel. Au niveau sectoriel, dans le domaine de la santé, il existe un comité national qui s’occupe des questions d’éthique en matière de recherche en santé. Aussi, au niveau des universités, nous avons des comités d’éthique. Pour ce qui concerne les mécanismes, on peut dire que les valeurs d’éthique sont protégées par deux types de mécanismes à savoir : le mécanisme de l’infraction qui consiste à ériger une valeur d’éthique en un principe d’ordre pénal dont la violation conduit à une sanction pénale. Ça peut être une peine d’emprisonnement ou une peine d’amende. Il y a aussi le mécanisme par lequel la violation d’une règle d’éthique conduit à la violation d’une règle déontologique et la sanction est le mécanisme disciplinaire. On peut donc soumettre l’enseignant du supérieur à un conseil de discipline et il va écoper d’une sanction disciplinaire. Il y a donc une démarcation à faire entre le mécanisme pénal et celui disciplinaire qui sont deux mécanismes contraignants de protection de l’éthique.

A ces mécanismes contraignants, il faut ajouter les mécanismes qui sont du droit recommandatoire, c’est-à-dire qu’on met en place des instances de dialogue pour faire des reproches à des acteurs dont les comportements sont en contradiction avec les valeurs d’éthique. Voilà en quoi le thème du colloque a été très intéressant et notre communication a permis de visiter ces chantiers liés aux valeurs d’éthique et de déontologie dans l’enseignement supérieur. 

Des erreurs déontologiques peuvent-elles conduire à des sanctions pénales ?

La règle de déontologie violée fait l’objet d’une constatation d’infraction. On a vu que c’est une faute déontologique mais cette faute a comme répondant dans le système des sanctions, une infraction à laquelle correspond une peine. Et donc, une faute disciplinaire peut bien conduire à une sanction pénale. Maintenant pour la même faute, doit-on sanctionner au pénal et au disciplinaire ? Cela est une question de droit qui a suscité beaucoup de controverses où certains disent que pour la même faute, il ne faut pas sanctionner à la fois au disciplinaire et au pénal. Mais d’autres disent que la sanction disciplinaire n’est pas un emprisonnement ni une amende. Aussi, c’est dans la profession que l’individu subit des représailles liées à sa déviance. Or la sanction pénale, c’est la responsabilité de l’individu au regard des lois pénales. Donc, c’est la société qui demande qu’il réponde de ses actes. Il est déjà arrivé qu’une faute qui a fait objet de mesures disciplinaires ait également été utilisée comme moyen pour sanctionner un individu.