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Sidi Ould Tah à la tête de la Bad: Entre défis économiques et espoirs de renouveau

Economie
Sidi Ould Tah Sidi Ould Tah

Elu en mai dernier, Sidi Ould Tah prend les rênes du Groupe de la Banque africaine de développement (Bad) dès le 1er septembre. Succédant à Akinwumi Adesina, son mandat à la tête de cette institution clé s’ouvre dans un contexte de lourds défis économiques, mais demeure porteur d’espoirs de transformation structurelle pour le continent.

 

Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 29 août 2025 à 07h39 Durée 3 min.
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Le Mauritanien Sidi Ould Tah succède à Akinwumi Adesina et prendra ses fonctions, lundi 1er septembre prochain, pour un mandat de cinq ans. Son prédécesseur a marqué, au cours des dix dernières années, la Banque africaine de développement (Bad), institution clé dans le développement du continent, par un leadership salué internationalement, consolidant la solidité financière de la banque, augmentant les financements climatiques et renforçant le rôle de l’institution dans la sécurité alimentaire. Le défi pour Sidi Ould Tah sera de maintenir cette dynamique tout en apportant un souffle nouveau.

Son parcours impressionnant inspire confiance. Avec plus de 35 années d’expérience dans les finances africaines et internationales, il a convaincu la majorité des 81 pays membres de la Bad (54 africains et 27 extérieurs). Ancien ministre de l’Economie et des Finances de Mauritanie, il a dirigé pendant dix ans la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea), qu’il a profondément transformée. Sous sa houlette, la Badea a quadruplé son bilan, obtenu une notation AAA et figuré parmi les institutions les mieux notées du continent. Dès son élection, Sidi Ould Tah a déclaré : « Au travail maintenant ! Je suis prêt », un ton direct en phase avec l’urgence des défis.

Un continent sous pression

Le changement climatique, la fragilité de la sécurité alimentaire, l’insuffisance des infrastructures, les tensions géopolitiques et la réduction de l’aide internationale au développement mettent à rude épreuve les efforts de développement. Le thème des Assemblées annuelles 2025 organisées en mai dernier : «Tirer le meilleur parti du capital de l’Afrique pour favoriser son développement », reflète les priorités du moment.

Les objectifs stratégiques «High 5» de la Banque : éclairer l’Afrique, nourrir l’Afrique, industrialiser l’Afrique, intégrer l’Afrique et améliorer la qualité de vie des Africains, devront être approfondis pour accélérer la mise en œuvre du deuxième plan décennal de l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Le neuvième président de la Bad devra également faire du capital humain un levier central, afin que le dividende démographique devienne un atout et non un handicap, comme l’a souligné Koffi N’Guessan, ministre ivoirien de la Formation professionnelle: « La jeunesse peut devenir un handicap si l’on ne met pas en place des politiques robustes de formation, de la maternelle à l’université ».

La gouvernance financière constitue un autre enjeu majeur. Dans un contexte de raréfaction des financements concessionnels, accentué par le retrait annoncé des États-Unis du Fonds africain de développement (Fad), la mobilisation des ressources internes, la lutte contre les flux illicites, la structuration de projets bancables et l’engagement du secteur privé sont impératifs. Sidi Ould Tah devra consolider cette dynamique de responsabilité partagée et renforcer la gouvernance de la Banque pour la rendre plus agile, comme le souhaitent de nombreux Etats membres et partenaires internationaux.

Enjeux climatique et alimentaire

L’Afrique dispose de 65 % des terres arables non cultivées dans le monde, mais importe chaque année 75 milliards de dollars de denrées alimentaires, un paradoxe frappant. Le nouveau président hérite d’une institution déjà fortement engagée dans ce domaine. En 2022, la Facilité africaine de production alimentaire d’urgence a mobilisé 1,5 milliard de dollars pour soutenir 34 pays.

Pour Ousseynou Guène, chef de la division Eau et assainissement à la Bad, l’Afrique peine encore à capter les financements climatiques, déplorant l’insuffisance des études et le retard dans les délais de consommation des ressources. « Les pays les plus proches d’atteindre les objectifs intègrent le volet des investissements sans attendre d’appui. Malheureusement, on compte sur les bailleurs pour les préparations en amont », a-t-il fait constater lors des dernières assemblées générales.

Il est attendu du nouveau président qu’il renforce la préparation et la bancabilité des projets, multiplie les partenariats stratégiques, notamment avec le secteur privé, et réinvente les mécanismes de financement, y compris les droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international (Fmi). « Le temps est venu pour l’Afrique de prendre les devants à travers une introspection afin de générer ses propres ressources », souligne Vincent O. Nmehielle, secrétaire général du Groupe de la Bad.

Le mandat de Sidi Ould Tah sera également jugé à l’aune de sa capacité à faire de la jeunesse africaine un pilier du développement et à accélérer la transformation numérique et l’intégration régionale.