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Serge N’dah à propos de la mesure du taux d’inflation: ‘’Le panier reflète les habitudes de consommation du citoyen moyen’’

Economie
Serge N’da Serge N’da

Serge N’dah, économiste, cadre du ministère des Finances, s’exprime sur le concept de l’inflation, les éléments qui entrent en ligne de compte, les leviers pour sa maîtrise, et éclaire sur le taux de 3 % qui découle des efforts du Bénin pour se conformer à la norme communautaire.

Par   Arnaud DOUMANHOUN, le 31 déc. 2023 à 10h55 Durée 4 min.
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LA NATION : Qu’entend-on par inflation ?

Serge N’dah : L’inflation est une hausse généralisée, soutenue et durable des prix sur le marché. Lorsque c’est juste quelques produits qui sont concernés par la hausse des prix, il n’y a pas inflation. Et il faut que cette hausse dure dans le temps. Lorsqu’il s’agit d’une hausse de trois jours du prix, comme c’est le cas très souvent avec l’essence de contrebande communément appelée Kpayo, il n’y a pas inflation. Nous avons plusieurs causes liées à l’inflation, qui sont en même temps, les types d’inflation. Nous avons l’inflation par les coûts, l’inflation par la demande et l’inflation par la monnaie. L’inflation par les coûts est liée aux facteurs de production, c’est-à-dire les matières premières, la main-d’œuvre, les impôts et les taxes. Lorsque la matière première coûte plus cher, les produits dérivés coûteront plus cher. 
Aussi, lorsqu’il y a beaucoup de demandeurs sur un marché, cela entraîne la surenchère, parce que la denrée devient rare. D’où l’inflation par la demande. 
Quant à l’inflation par la monnaie, elle est liée à une création de la masse monétaire, c’est-à-dire une émission excessive de la monnaie en circulation. Ceci peut faire gonfler la masse monétaire et entraîner l’inflation. Parce que lorsqu’il y a trop de monnaies émises par les banques à travers des crédits aux particuliers, ces derniers disposent de liquidité mais la production n’équivaut pas à la masse monétaire en circulation, et il y aura inflation. 

Comment se mesure l’inflation ?

C’est une opération qu’effectuent les cadres de l’Institut national de la statistique et de la démographie (Instad) sur la base de l’Indice des prix à la consommation (Ipc), par le biais d’un panier représentatif des biens et services. L’Institut est entre autres chargé du suivi mensuel des prix sur les marchés avec certains indicateurs précis, et essaie d’évaluer le coût du panier de l’année courante, et le coût du panier de l’année de base. En 2023 par exemple, l’année de base est 2022, et l’année courante 2023. L’opération consiste à diviser le coût du panier de l’année courante par celui du panier de l’année de base, multiplié par 100. Ce résultat qui donne l’Indice des prix à la consommation (Ipc) sera ensuite interprété. Si la valeur de l’Ipc qui résulte de la variation relative au prix par rapport à l’année de référence entraine une augmentation, il y a inflation, quand cela entraîne une baisse, il y a déflation. Ainsi, lorsqu’on fait le coût du panier de l’année courante sur le coût du panier de l’année de base multiplié par 100, et l’on retrouve un chiffre supérieur à 100, il y a inflation, égal à 100, pas d’inflation et inférieur à 100, il y a déflation. Le panier représentatif des biens et des services peut refléter les habitudes de consommation du consommateur moyen. Il peut s’agir des vêtements, du logement, des transports, des divertissements, etc.


Au Bénin, il est indiqué que le taux d’inflation est de 3 %. Un chiffre qui fait polémique en raison du coût de la vie. Quelle en est votre lecture ?

La société civile a besoin d’être éclairée sur la méthodologie de calcul notamment auprès des cadres de l’Institut national de la statistique et de la démographie, qui est un service public à la disposition de tous. Maintenant, il y a des raisons qui peuvent amener les gens à croire que l’indice ou le taux d’inflation relatif aux 3 % n’est pas réel. Nous avons connu beaucoup de chocs exogènes, depuis 2021. D’abord, la crise de la Covid, ensuite les crises liées à la fermeture des frontières. Et lorsqu’on ferme les frontières, les transactions de marchandises sont difficiles. 
Tous ces éléments mis ensemble peuvent constituer des difficultés pour les populations qui auront du mal à s’en sortir. Si nous prenons le cas d’un citoyen qui a l’habitude d’aller au Nigeria s’approvisionner, et qu’en raison des situations au niveau de la frontière, il n’arrive plus à exercer son activité comme cela se doit, le coût de la vie va paraître plus dur pour lui, parce qu’il n’y a plus assez de revenu à son niveau. Il faut donc faire la part des choses lorsqu’on remet en cause le taux de 3 % et qu’on n’arrive pas à trouver les arguments conséquents pour justifier cela.


Quels sont les leviers à actionner pour contrôler l’inflation ?

Il faut une production massive. Lorsque les denrées sont rares, les coûts sont renchéris. C’est la loi de l’offre et de la demande. Lorsqu’il y a une forte production, les prix sont revus à la baisse parce que la concurrence va jouer. Ainsi, la concurrence et les mécanismes du marché vont générer systématiquement l’équilibre. Ensuite, il faut viser l’entreprenariat qui non seulement  va déboucher sur la production, mais également permettra de régler le problème du chômage. Lorsqu’on a les moyens, on ne ressent pas l’inflation. Quand il y a beaucoup de chômeurs qui manquent de moyens, l’inflation sera directement ressentie 