La Nation Bénin...
La révision du Système de comptabilité nationale (Scn),
approuvée en mars 2025 par la Commission de statistique des Nations Unies,
marque une étape majeure dans la modernisation des outils de mesure économique.
Cette nouvelle version intègre les réalités du numérique, des cryptoactifs et
des ressources immatérielles. Pour les pays africains, cette évolution
représente à la fois un défi technique et une chance de mieux orienter leurs
politiques de développement.
Depuis la dernière réforme du Système de comptabilité
nationale (Scn) en 2008, le monde a profondément changé. Les applications
mobiles, l’intelligence artificielle, les plateformes numériques ou encore les
cryptoactifs ont émergé comme de véritables piliers de l’économie contemporaine
qui façonnent désormais les échanges, la consommation, la production et même la
création de valeur. Pourtant, ces transformations majeures n’étaient pas
suffisamment intégrées dans les outils statistiques utilisés par les États pour
évaluer la santé de leur économie. Ils reposaient encore sur des bases vieilles
de plus d’une décennie.
En mars 2025, la Commission de statistique des Nations Unies a unanimement approuvé la sixième révision du Système de comptabilité nationale (Scn) en attente d’être vulgarisée, fruit d’un travail coordonné par plusieurs institutions internationales de premier plan, dont le Fonds monétaire international (Fmi), la Banque mondiale, la Commission européenne et l’Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde). Cette refonte complète a pour ambition de réaligner les méthodes statistiques sur les réalités économiques nouvelles. Cette mise à jour du Système de comptabilité nationale (Scn) introduit une série de nouveautés majeures, en réponse aux profondes mutations technologiques et financières survenues au cours des deux dernières décennies. Elle prévoit notamment la prise en compte explicite des investissements immatériels, tels que la propriété intellectuelle, les logiciels ou encore les bases de données. À cela s’ajoute l’intégration des services numériques dans les modèles de production et de consommation, afin de mieux refléter leur poids croissant dans les économies modernes. Le nouveau Scn propose également une évaluation plus précise de l’activité économique liée à l’intelligence artificielle, aux applications mobiles et à d’autres outils numériques aujourd’hui omniprésents. En outre, il introduit une méthodologie spécifique pour le classement et la comptabilisation de certains cryptoactifs, désormais considérés comme des "actifs non financiers non produits". Enfin, cette révision tient compte de l’épuisement des ressources naturelles non renouvelables en l’intégrant dans le calcul du Produit intérieur brut (Pib), apportant ainsi une lecture plus durable et réaliste de la richesse nationale. Autant d’éléments qui étaient très peu pris en compte dans les anciennes versions, alors qu’ils modifient en profondeur la structure de l’économie mondiale.
Enjeu stratégique
Pour les pays africains, cette réforme représente bien
plus qu’un ajustement technique. Elle constitue une opportunité stratégique de
rendre leurs économies plus visibles, plus compréhensibles et donc plus
attractives. En effet, l’économie informelle, les activités numériques
émergentes, la valorisation des ressources immatérielles et les industries
extractives sont des réalités majeures dans plusieurs pays du continent. Le
nouveau Scn permet non seulement de mieux mesurer ces activités, mais aussi de
les faire apparaître dans les indicateurs macroéconomiques officiels, souvent
utilisés pour l’évaluation de la performance économique ou la notation
financière. L’Institut national de la statistique et de la démographie (Instad)
avait effectué déjà en 2016 le rebasage des comptes nationaux du Bénin et la
mise en œuvre du Système de comptabilité́ nationale des Nations Unies de 2008
(Scn2008). Ce qui a apporté des changements notables sur l’utilisation de
nouvelles sources d’informations, la couverture et la méthodologie. Ainsi, le
relèvement du Pib a amélioré le classement du Bénin sur les critères de
convergence de l’Uemoa concernant le déficit budgétaire fixé à 3% du Pib. Par
contre, cela dégrade ses performances selon l’indicateur sur la pression
fiscale. En définitive, le changement d’année de base avait permis d’avoir une
bonne référence pour l’évaluation des politiques économiques mises en œuvre au
Bénin.
Le nouveau Scn ne se fera pas sans efforts. L’exigence de données plus détaillées, la complexité des méthodologies, le besoin en ressources humaines qualifiées et en outils technologiques posent des défis réels aux Instituts nationaux de statistique africains. Le Fmi, conscient de ces contraintes, s’est engagé à fournir un appui technique, des formations et des conseils personnalisés aux pays souhaitant entamer cette transition, avec un calendrier d’adoption fixé entre 2029 et 2030. Au-delà des chiffres, cette réforme du Scn invite à une relecture profonde de la façon dont les États africains conçoivent et racontent leur propre économie. En élargissant le périmètre de ce qui est compté, mesuré, valorisé, les pays du continent ont l’opportunité de reprendre la main sur leur narration économique, trop souvent dictée par des modèles dépassés ou inadaptés à leurs réalités. C’est donc une nouvelle ère statistique plus inclusive, plus précise, et surtout, plus apte à accompagner le développement durable et équitable de l’Afrique qui s’ouvre.