La Nation Bénin...
Une
récente étude démontre que la hausse de la productivité agricole reste l’un des
leviers les plus efficaces pour réduire la pauvreté dans les pays de la Cedeao.
Basée sur l’analyse approfondie de données couvrant treize pays sur trois
décennies, elle souligne l’importance stratégique du secteur agricole dans les
trajectoires de développement ouest-africaines.
Face
à la pression démographique, à la demande alimentaire mondiale croissante et
aux effets déjà tangibles du changement climatique, l’agriculture reste un
vecteur majeur de revenu, d’emploi et de résilience sociale. C’est ce que
souligne une étude publiée dans la Revue d’analyse des politiques
économiques et financières (Rapef n° 8, Mef, juin 2025), qui établit que la
hausse de la productivité agricole contribue à réduire significativement la
pauvreté dans les pays de la Communauté économique des Etats d’Afrique de
l’Ouest (Cedeao).
Près
de 60 % de la population active de la région travaille encore dans le secteur
agricole. A l’heure où la demande alimentaire mondiale pourrait croître de 60 %
d’ici 2050 et où les effets du changement climatique risquent de plonger plus
de 100 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté d’ici 2030,
comprendre les leviers d’action devient stratégique. Dans ce contexte, l’étude
conduite par les chercheurs Randis Dégbessou, Rose Fiamohe, Denis Acclassato
(Université d’Abomey-Calavi) et Akoété Agbodji (Université de Lomé) rappelle
que l’amélioration de la productivité agricole demeure un pilier pour la
sécurité alimentaire, les revenus ruraux et la transformation structurelle.
Les
auteurs analysent l’évolution conjointe de la productivité agricole et de la
pauvreté multidimensionnelle dans treize pays entre 1990 et 2019, en s’appuyant
sur des données issues de la Banque mondiale et de la Fao. Les tests empiriques
confirment l’existence d’une relation de long terme entre productivité agricole
et réduction de la pauvreté, malgré des disparités structurelles importantes
entre pays.
Effets
sectoriels différenciés
L’indice
de pauvreté humaine utilisé comme variable centrale présente une moyenne
régionale de 47 %, avec des extrêmes allant de 3,21 % à près de 88 %. La valeur
ajoutée agricole par tête présente quant à elle des écarts considérables, de
moins de 340 dollars à plus de 6 000 dollars. Cela reflète des différences
marquées dans les technologies utilisées, l’accès aux intrants ou la qualité
des infrastructures. L’étude souligne également une forte instabilité
macroéconomique, avec un taux d’inflation moyen supérieur à 8 %, susceptible
d’éroder les gains réels des ménages vulnérables.
Une
progression de la valeur ajoutée agricole par travailleur entraîne une
réduction notable de l’indice de pauvreté humaine. Ce résultat rejoint les
conclusions de travaux de référence montrant que les gains agricoles profitent
directement aux ménages ruraux, par l’amélioration des revenus, de
l’alimentation et la diminution du coût de vie.
A
court terme, la productivité industrielle et celle des services contribuent
également à réduire la pauvreté, selon l’étude. Une hausse de la valeur ajoutée
industrielle ou tertiaire provoque en effet une baisse quasi immédiate de
l’indice de pauvreté. Mais sur le long terme, les effets apparaissent plus
ambivalents : l’industrie et les services peuvent profiter davantage à certains
segments économiques sans nécessairement bénéficier aux plus pauvres,
constatent les auteurs. L’agriculture demeure, elle, le secteur dont les gains
influencent le plus largement les économies rurales.
Repenser
les politiques agricoles
L’étude
appelle à des politiques plus cohérentes, mieux financées et mieux ciblées,
afin que les gains de productivité profitent réellement aux ménages ruraux et
soutiennent une transformation économique inclusive.
Les
auteurs insistent sur la nécessité d’investir dans l’irrigation, encore limitée
à moins de 4 % des surfaces cultivées, d’améliorer l’accès aux intrants, de
renforcer les infrastructures rurales, de réduire les coûts de
commercialisation et de consolider la gouvernance sectorielle. Ils soulignent
aussi l’importance de réformes institutionnelles et de capacités publiques
renforcées pour convertir les gains de productivité en amélioration durable du
bien-être.
Les
travaux rappellent enfin que les efforts nationaux doivent s’inscrire dans les
cadres communautaires existants, notamment la politique agricole de la Cedeao
(Ecowap), qui vise à moderniser les systèmes agricoles pour soutenir une
croissance inclusive. Une stratégie coordonnée permettrait de valoriser les
complémentarités productives, soutenir les filières stratégiques et renforcer
la résilience face aux chocs climatiques et économiques.
L’agriculture reste au cœur de la lutte contre la pauvreté en Afrique de l’Ouest, à condition d’être soutenue par des réformes structurelles et des investissements adéquats