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Economie mondiale: Un commerce « au bord du gouffre » selon la Cnuced

Economie
Selon la Cnuced, seule une action coordonnée peut éviter que les fragilités actuelles ne conduisent à une fragmentation accrue du commerce mondial Selon la Cnuced, seule une action coordonnée peut éviter que les fragilités actuelles ne conduisent à une fragmentation accrue du commerce mondial

Le Rapport sur le commerce et le développement 2025 de la Cnuced met en lumière une fragilité profonde de l’économie mondiale. Derrière les flux de marchandises, ce sont des lignes de crédit, des taux de change, des systèmes de paiement et des marchés de capitaux qui conditionnent désormais l’équilibre du commerce international.

 

Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 09 déc. 2025 à 07h40 Durée 3 min.
#Economie mondiale

Sous une apparente résilience, le commerce mondial repose sur une architecture financière devenue plus vulnérable que les chaînes d’approvisionnement elles-mêmes. Tel est le constat du nouveau Rapport sur le commerce et le développement de la Cnuced. Présenté à Londres lors d’une conversation publique entre la secrétaire générale Rebeca Grynspan et l’économiste Mariana Mazzucato, le rapport 2025 montre que l’articulation entre commerce et finance n’a jamais été aussi déterminante. Les facteurs financiers pèsent presque autant que l’économie réelle sur les échanges internationaux.

Selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Cnuced), les échanges mondiaux ont progressé d’environ 4 % au début de 2025, stimulés par la ruée des entreprises pour importer avant la mise en place de nouveaux droits de douane aux Etats-Unis et par l’essor des investissements liés à l’intelligence artificielle. Une fois ces éléments exceptionnels retirés, la croissance sous-jacente des échanges retombe entre 2,5 % et 3 %. Le rapport avertit que cette dynamique ne doit pas être interprétée comme un signe durable de reprise, mais plutôt comme le symptôme d’un essoufflement plus profond.

Le rapport souligne que plus de 90 % du commerce mondial dépendent désormais du financement du commerce et de l’infrastructure bancaire transfrontalière. Les conditions d’accès aux lignes de crédit, les systèmes de paiement, les taux de change et les flux de capitaux déterminent de plus en plus « qui peut commercer, à quelles conditions et à quel coût », souligne Rebeca Grynspan.

Au gré du financement

La Cnuced note une corrélation de 0,54 entre le cycle financier mondial et l’évolution des volumes d’échanges, révélant que le commerce suit « le rythme du cycle financier mondial ». Les variations du sentiment des investisseurs influencent désormais les échanges presque autant que la demande réelle. A mesure que les marchés financiers se tendent, les flux commerciaux se contractent mécaniquement.

Cette financiarisation est accentuée sur les marchés des produits de base. Pour plusieurs grands négociants mondiaux, plus de 75 % des revenus proviennent désormais d’opérations financières plutôt que du transport physique des marchandises, une évolution qui accroît les vulnérabilités, notamment pour les pays en développement.

Alors que le Sud global représente plus de 40 % de la production mondiale, près de la moitié du commerce en marchandises et plus de 60 % des flux d’investissements directs étrangers (Ide), il ne pèse que 25 % de la valeur des marchés financiers mondiaux et sa part tend même à diminuer.

La capitalisation boursière des économies du Nord reste plus de trois fois supérieure à celle du Sud, et 40 % du marché obligataire mondial demeure concentré dans un seul pays : les Etats-Unis d’Amérique. 

Réformes pour éviter la  fragmentation

Cette asymétrie fragilise les pays en développement, confrontés à des coûts d’emprunt bien plus élevés, souvent compris entre 7 % et 11 %, contre 1 % à 4 % dans les grandes économies. Cela limite leur capacité à financer les infrastructures et renforce leur dépendance aux capitaux extérieurs.

La Cnuced appelle à une stratégie intégrée liant commerce, finance et durabilité. Le rapport insiste sur la nécessité de moderniser les règles commerciales pour les adapter à une économie désormais dominée par les services, le numérique et les transitions industrielles. L’objectif, c’est de réduire les vulnérabilités, améliorer l’accès au financement du commerce, renforcer les marchés de capitaux régionaux et favoriser un multilatéralisme en réseau, dans un contexte où la fragmentation commerciale et financière gagne du terrain.

La Cnuced préconise également une réforme du système monétaire international afin de réduire la volatilité des devises et des flux de capitaux, un renforcement des marchés de capitaux régionaux pour élargir les possibilités de financement à long terme, ainsi qu’une amélioration de la transparence dans le commerce des matières premières.