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Économie béninoise: Stabilité des prix, fragilité du financement

Economie
Le Bénin a enregistré l'un des taux d'inflation les plus bas Le Bénin a enregistré l'un des taux d'inflation les plus bas

L’économie béninoise a connu une nette modération des pressions inflationnistes, notamment dans l’énergie et les transports. Toutefois, cette stabilité s’accompagne d’un ralentissement du crédit à l’économie, qui risque de freiner l’investissement productif et la dynamique de croissance.

Par   Babylas ATINKPAHOUN, le 18 août 2025 à 08h44 Durée 3 min.
#économie béninoise

Portée par des réformes structurelles ambitieuses et une gouvernance macroéconomique jugée exemplaire par les institutions financières internationales, l’économie béninoise affiche une résilience remarquable face aux chocs exogènes. Si l’inflation a considérablement reculé, offrant un répit aux ménages et aux entreprises, le crédit au secteur privé et public s’est nettement contracté, révélant les limites d’une politique monétaire restrictive menée au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). Le dernier rapport de la Banque mondiale sur les perspectives économiques révèle que l’inflation énergétique au Bénin a fortement ralenti en 2024, après avoir culminé en 2023 à la suite de la suppression des subventions à l’essence au Nigéria. Les prix du carburant de contrebande qui avaient bondi de 65,7 % en 2023, se sont stabilisés, entraînant une baisse mécanique des coûts de transport. Ainsi, l’inflation dans ce secteur est passée de 11,5 % en 2023 à seulement 1,1 % en 2024. Au total, l’inflation globale s’est établie à 1,2 %, contre 2,7 % un an plus tôt. Ce repli s’explique également par la modération des prix dans d’autres postes de consommation tels que les communications, l’habillement, les meubles et les articles de ménage, ainsi que les loisirs. Le logement, qui demeure un poste sensible, a aussi connu une baisse de son inflation moyenne, de 6,5 % en 2023 à 3,6 % en 2024.

Toutefois, certains secteurs continuent de générer des pressions. L’inflation des produits alimentaires, bien que faible, a doublé pour atteindre 0,8 %. Elle reste tirée par les tensions régionales et la fermeture prolongée de la frontière avec le Niger, qui a affecté l’approvisionnement de certains produits, notamment les oignons dont les prix ont bondi de 83,2 % au second semestre 2024. Le secteur des services, en particulier les restaurants et hôtels, a également contribué à la hausse, porté par une croissance soutenue de +8,4 % en 2024 mais freinée par une offre limitée.

Restriction

En parallèle, la politique monétaire de la Bceao est restée prudente. Les taux directeurs ont été maintenus à 3,5 % pour les appels de liquidité et 5,5 % pour la facilité de prêt marginal. Ce choix, dicté par le maintien de tensions inflationnistes dans plusieurs pays de l’Uemoa, a contribué à réduire les liquidités bancaires et à renchérir le coût du financement. La conséquence directe est que le taux d’emprunt a progressé de 0,2 point pour atteindre 7,5 % en 2024, freinant l’octroi de crédits. La croissance du crédit au secteur privé non financier est tombée à 4,6 %, contre 13,9 % en 2023. Le secteur public a connu une évolution similaire, avec une chute du crédit de 29,8 % à 12,9 % sur la même période. Les secteurs stratégiques tels que l’agriculture et l’industrie manufacturière restent particulièrement sous-financés. Le crédit qui leur est alloué ne représente respectivement que 2,7 % et 4 % du volume total entre août et octobre 2024. Une situation préoccupante pour une économie dont la transformation structurelle repose sur ces moteurs de croissance.

Malgré ce ralentissement, le système bancaire au Bénin conserve une relative solidité. Le pays affiche l’un des taux de prêts non productifs (Pnp) les plus bas de l’Uemoa avec 4 % fin 2024, contre 8,5 % pour l’ensemble de l’Union. Toutefois, une légère dégradation est perceptible avec la part nette des Pnp qui est passée de 1,2 % en 2023 à 1,9 % en 2024. L’autre point d’alerte est le niveau de provisionnement, c’est-à-dire les réserves constituées par les banques pour couvrir leurs risques de crédit, qui a reculé à 54,7 %, soit bien en deçà de la moyenne régionale (62,9 %). Cette baisse de 20,6 points de pourcentage fragilise la capacité du système financier à absorber d’éventuels chocs.

Le tableau d’ensemble laisse apparaître une économie en phase de stabilisation, mais exposée à des fragilités structurelles. La maîtrise de l’inflation, soutenue par l’apaisement des prix de l’énergie, constitue un succès non négligeable dans un contexte marqué par des tensions régionales et mondiales. À moyen terme, le rapport de la Banque mondiale invite le Bénin à concilier stabilité macroéconomique et soutien à l’investissement productif. L’enjeu sera d’élargir l’accès au crédit, notamment pour l’agriculture et l’industrie, tout en consolidant la résilience du système bancaire.