La Nation Bénin...
Le président de la République est sorti de son silence à la faveur d’une intervention médiatique au cours de laquelle deux sujets majeurs ont retenu l’attention. Il s’agit de la mutinerie déjouée du 7 décembre et la récente révision de la Constitution. Sans tabou, le chef de l’Etat s’est livré à un exercice de vérité, mêlant confidences personnelles, éclairages sécuritaires et justifications institutionnelles, dans un contexte marqué par des interrogations.
C’est sans langue de bois que le président de la République s’est entretenu avec les professionnels des médias, jeudi 18 décembre au palais de la Marina. Deux sujets importants et faisant l’actualité étaient au cœur des discussions à bâtons rompus. Avec les journalistes, Patrice Talon a évoqué la mutinerie déjouée du dimanche 7 décembre et la révision de la Constitution instaurant des changements majeurs.
D’emblée, le chef de l’Etat a tenu à rassurer sur son état d’esprit, tout en reconnaissant l’impact moral de la tentative de déstabilisation. « Je vais très bien, même si mon moral a pris un coup. Pas pour moi mais pour le pays. Je suis peiné pour l’image du pays», a-t-il confié, visiblement affecté par la portée symbolique de l’événement.
Pour le chef de l’Etat, il était essentiel de relativiser la portée de cette crise afin d’éviter toute stigmatisation durable du pays. «Le Bénin est un grand pays. Ce n’est pas parce que nous avons subi une épreuve rare que cela remet en cause la grandeur de notre pays », a-t-il martelé, appelant à une lecture lucide mais responsable des faits.
Sur le plan strictement sécuritaire, Patrice Talon a tenu à dissiper toute confusion concernant l’implication de la Garde nationale. « Ce n’est pas la Garde nationale qui a opéré l’attaque… La plupart des soldats qui ont fait le coup n’étaient pas de la Garde nationale », a-t-il précisé. Selon ses explications, il s’agissait pour l’essentiel de soldats en séjour dans la capitale économique dans le cadre d’une formation. Face à la gravité de la situation, des détachements de la Garde nationale basés à Dessa à Allada, ainsi que des éléments venus de Ouidah, ont été mobilisés en renfort.
Loyauté
Le président de la République a salué sans ambiguïté la loyauté de la hiérarchie militaire. « Tous les membres du haut-commandement et du sous-commandement sont restés fidèles à la patrie », martèle-t-il. Il a également insisté sur le professionnalisme des forces régulières. « L’Armée nationale et la Garde nationale ont joué leur rôle », a-t-il insisté.
Très ferme, Patrice Talon a condamné toute tentative de banalisation ou de récupération de l’événement. « On ne peut pas se réjouir publiquement d’un crime. On ne peut applaudir publiquement un crime », a-t-il déclaré, avant de qualifier les auteurs des faits, sans détour : « C’étaient des voyous, de petits terroristes qui ont été manipulés … par des nostalgiques et des jaloux ».
Pour le chef de l’Etat, la mutinerie ne saurait être interprétée comme le symptôme d’une crise politique. Il appelle plutôt à «une lecture sociologique » de l’événement, estimant que le contexte politique national n’a, en rien, favorisé cette tentative de déstabilisation. Convaincu que les leçons ont été tirées, il se veut catégorique. Selon lui, «cela ne se reproduira plus jamais », car « les uns et les autres ont compris que le Bénin n’est plus à ce stade ».
Patrice Talon est également revenu sur la coopération régionale ayant permis de circonscrire la crise. Le recours au Nigeria, sous le couvert de la Cedeao, est intervenu en début d’après-midi, après que les mutins se sont retranchés à la base militaire de Togbin. « Si on avait utilisé nos armes, il y aurait beaucoup de dégâts », a-t-il expliqué, justifiant ainsi le choix de « frappes chirurgicales » pour éviter un bain de sang.
Moment fort de cette révélation présidentielle, le chef de l’Etat fait savoir : « A un moment donné, le patron de la Garde républicaine a eu Tigri au téléphone. Il est parti en civil et en voiture ». Il illustre ainsi les efforts de médiation déployés pour résoudre la crise sans escalade militaire.
La trêve n’entrave en aucun cas la liberté d’expression
Le second volet de cette sortie médiatique a porté sur la réforme de la Loi fondamentale.
« J’ai promulgué hier la loi portant révision de la Constitution », a annoncé le président de la République, confirmant ainsi l’entrée en vigueur officielle du texte.
Concernant la notion de trêve politique souvent évoquée dans le débat public, Patrice Talon a tenu à lever toute ambiguïté. Selon lui, cette trêve n’a rien de nouveau et n’entrave en aucun cas la liberté d’expression.
« Dans la Constitution, la critique est toujours permise. La trêve ne concerne pas la critique de l’action publique…», a-t-il insisté, se défendant de toute volonté de museler l’opposition ou la société civile.
Le chef de l’Etat a également justifié la création d’un Sénat, en s’appuyant sur des exemples internationaux. « Au Sénat du Canada, il n’y a aucun élu. Le rôle qu’on a voulu donner au Sénat requiert qu’il soit constitué de personnalités », a-t-il expliqué. Pour Patrice Talon, le Bénin souffre d’un déséquilibre institutionnel. A son avis, « Au Bénin, il n’y a aucune institution qui tempère les ardeurs politiques», d’où la nécessité d’un organe de régulation composé de figures d’expérience.
Enfin, l’instauration du septennat a été présentée comme un choix pragmatique. Selon le président de la République, cette durée est indispensable pour permettre une véritable planification de l’action publique, un développement accéléré du pays. Patrice Talon reconnaît d’ailleurs qu’il aurait souhaité réaliser davantage de projets, mais le quinquennat ne le lui permet pas.
Patrice Talon, président de la République du Bénin