La Nation Bénin...
ILa Cour constitutionnelle a été saisie, le 9 octobre 2025, d’un recours introduit par les députés Éric Camille Houndété et Joël Godonou, membres du parti Les Démocrates. Au cœur de leur démarche : une interrogation juridique majeure sur le droit pour un député de s’auto-parrainer en vue de l’élection présidentielle de 2026.
Même si les deux requérants ont finalement retiré leur plainte un jour plus tard, leur initiative a mis en lumière un débat de fond qui pourrait avoir des répercussions sur le processus électoral et l’interprétation du Code électoral béninois.
Un député peut-il se parrainer lui-même ?
Dans leur requête adressée à la haute juridiction, les deux parlementaires affirmaient que leur parti, Les Démocrates, leur refusait la possibilité d’être candidats à la présidentielle au motif qu’ils ne pouvaient pas se parrainer eux-mêmes. Pour eux, cette position constitue une mauvaise interprétation de la loi.
Les intéressés soutiennent que le Code électoral, notamment dans sa version modifiée par la loi n°2024-13 du 20 juin 2024, ne contient aucune disposition interdisant expressément l’autoparrainage. Ils invoquent le principe juridique latin « Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus » - « Là où la loi ne distingue pas, il n’appartient pas à l’interprète de distinguer ».
Autrement dit, pour Houndété et Godonou, le silence de la loi vaut autorisation. En l’absence de précision contraire, un député, détenteur d’un mandat électif, doit pouvoir accorder son propre parrainage à sa candidature, au même titre que pour celle d’un autre.
Les requérants rappellent que l’objectif du parrainage est d’assurer que les candidats bénéficient d’un minimum de représentativité politique, et non de restreindre arbitrairement le champ des candidatures. « En tant qu’élus de la Nation, nous incarnons déjà une légitimité démocratique. Nous ne pouvons être exclus d’un processus auquel nous contribuons par essence », ont-ils fait valoir dans leur argumentaire.
Ils citent en exemple le précédent de 2021, où Mariam Chabi Talata, alors députée, avait pu se parrainer pour former le duo avec Patrice Talon, sans que cela ne soulève d’objection ni de contentieux juridique. Ils affirment également que lors d’une réunion entre la Cena et les députés, le directeur général des élections aurait reconnu la validité d’un tel parrainage individuel.
Un désistement rapide, mais un débat persistant
Le 10 octobre 2025, soit vingt-quatre heures après le dépôt de leur recours, Éric Houndété et Joël Godonou ont adressé à la Cour constitutionnelle une lettre de désistement. Aucune observation n’a été produite par leur parti, Les Démocrates, qui reste silencieux sur les raisons internes de cette rétractation.
La Cour, présidée par le professeur Cossi Dorothée Sossa, a pris acte du désistement et a ordonné la radiation du dossier du rôle. Dans sa décision, elle a précisé que la requête relevait du contentieux subjectif, c’est-à-dire d’un différend personnel ou interne à un parti, et non d’un problème de constitutionnalité engageant l’intérêt général.
Pour autant, la question soulevée reste entière : le Bénin autorise-t-il ou non l’autoparrainage dans le cadre de l’élection présidentielle ? Si la Cour ne s’est pas prononcée sur le fond, ce débat pourrait ressurgir dans les prochains jours, à mesure que les duos présidentiels se déclareront et que la Commission électorale nationale autonome (Cena) procédera à la vérification des parrainages.
Une question de fond
La loi, bien qu’ayant précisé la procédure de parrainage, ne tranche pas explicitement le cas de figure où un élu souhaite parrainer sa propre candidature. Certains juristes estiment qu’une clarification est indispensable pour éviter les interprétations divergentes lors des prochaines échéances.
Pour d’autres, la possibilité d’autoparrainage poserait un problème d’éthique démocratique, car elle conférerait un avantage aux élus déjà en place. A l’inverse, les défenseurs de cette pratique rappellent qu’un député élu au suffrage universel incarne la volonté populaire et doit pouvoir exercer pleinement ses droits civiques.