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Jean-Marc Four, Directeur général de Rfi, à propos de la ‘’Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon’’: « Il était grand temps de revenir au Bénin »

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Jean-Marc Four Jean-Marc Four

Huit ans après avoir abrité la ‘’Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon’’, le Bénin est de nouveau sous les feux de la rampe avec la réception de la 11e édition. Evènement qu’évoque Jean-Marc Four, Directeur général de Rfi, dans cet entretien. Fier de ce retour dans ce pays avec lequel Rfi entretient des relations continues, solides, et de longue date, il revient sur l’organisation et les objectifs de cette initiative et porte son regard sur les menaces auxquelles sont confrontés les professionnels des médias à travers le monde. 

Par   Kokouvi EKLOU, le 31 oct. 2024 à 06h58 Durée 3 min.
#Rfi #Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon

Le Bénin est honoré une fois encore avec la 11e édition de la ‘’Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon’’ qu’il abrite après l’édition de 2016. Qu’est-ce qui a milité en faveur de l’organisation, cette année, à Cotonou de cette initiative qui rend hommage aux deux reporters de Rfi assassinés au nord du Mali, le 2 novembre 2013 ?

Jean-Marc Four : Plusieurs raisons nous conduisent à revenir, avec plaisir, à Cotonou. D’abord, la Bourse a déjà compté plusieurs lauréats béninois, par exemple l’an dernier avec le succès de Ange Joël Agbla, lauréat technicien de la Bourse 2023. Tous ces anciens lauréats sont aussi partie prenante d’un réseau qu’ils ont constitué à leur initiative propre et ce réseau, le Reji, est piloté par une Béninoise que nous connaissons bien et avec laquelle nous avons d’excellentes relations, Cécile Goudou.

Et puis notre dernière venue à Cotonou remonte à huit ans, il était donc grand temps de revenir, dans un pays avec lequel nous entretenons des relations continues, solides, et de longue date. Rfi est l’une des radios les plus écoutées du pays avec deux relais Fm à Cotonou et Parakou et avec aussi 24 radios partenaires dans le pays.

Enfin, nous savons que le Bénin est lui aussi confronté, dans sa partie Nord, à la menace jihadiste, qui a coûté la vie à nos deux reporters il y a 11 ans au Mali et qui malheureusement a depuis prospéré dans la bande sahélienne. Nous sommes donc sensibilisés à une même cause, un même combat contre la violence et l’obscurantisme.

Que retenir de l’organisation de la 11e édition de la ‘’Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon’’ au Bénin et quelles sont les activités au rendez-vous de cette bourse ouverte aux jeunes journalistes radio et techniciens de reportage ?

Depuis que la présidente de France Médias Monde, Marie-Christine Saragosse, a imaginé cette Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon en 2013, son succès ne se dément pas année après année et elle est devenue un repère bien installé pour les jeunes professionnels journalistes et techniciens radio sur le continent. Lors de cette seule édition 2024, nous avons reçu 370 dossiers de candidatures provenant de tous les pays d’Afrique francophone, du Maroc jusqu’à Madagascar en passant par tous les pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. C’est donc un vrai projet panafricain. Nous avons sélectionné 20 stagiaires issus de 11 pays, 10 stagiaires journalistes et 10 stagiaires techniciens. 4 Béninois figurent d’ailleurs dans cette liste. Ils bénéficient tous d’une formation proposée par nos équipes depuis plusieurs jours et les deux lauréats seront donc choisis parmi ces 20 stagiaires. Résultat le 2 novembre après les délibérations du jury, qui comporte lui aussi plusieurs professionnels béninois.

Et puis, à l’occasion de cette 11e édition de la Bourse, un nouveau « Prix de l’association des Amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon » sera remis. Il récompensera deux candidat(e)s méritant(e)s non lauréats(e)s de la Bourse en leur attribuant une dotation en matériel pour la suite de leur parcours professionnel.

La ‘’Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon’’, ce sont plus de 200 stagiaires et 20 lauréats en 11 ans. Que sont devenus ces journalistes et techniciens impactés par l’initiative au regard de ses objectifs ?

Avec cette Bourse, le but de Rfi et de France Médias Monde n’est pas de tirer la couverture à nous, c’est d’abord de favoriser le développement d’une presse indépendante et de professionnels journalistes ou techniciens à même de défendre ou de faire émerger des médias locaux ou nationaux dans leurs pays respectifs.

Pour la plupart, les anciens lauréats sont donc tout simplement devenus des professionnels reconnus dans leurs pays respectifs. Certains anciens lauréats sont aussi devenus correspondants de Rfi/France 24 (par exemple Joseph Kasongo l’année dernière en Rdc, Esther Senpa Blaksemdi en fulfulde au Cameroun, Steve Rolf Domia Leu Bohoula en République centrafricaine)

Et puis, j’y insiste, nous nous réjouissons de la création l’an dernier de cette association des anciens lauréats, le Reji, qui a pour objectif de faciliter les échanges professionnels et de promouvoir un journalisme professionnel et équilibré, apte aussi à faire de l’investigation. Ce réseau n’est pas une initiative de Rfi ou de France Médias Monde mais une initiative des anciens lauréats eux-mêmes et c’est une très bonne chose ; ce réseau les rassemble autour de valeurs qui les animent toutes et tous dans la pratique de leur métier : respect et promotion de la liberté d’expression, du droit à l’information, de la liberté de la presse ou encore de la sécurité des journalistes, autant de piliers de la démocratie.

Le monde, 11 ans plus tôt, a été sous le choc de l’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon. La Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes a été décrétée par les Nations Unies en mémoire de ces deux professionnels des médias. Quel regard portez-vous sur les menaces qui pèsent sur les acteurs des médias ainsi que les mécanismes mis en place par les Etats pour leur garantir une certaine sécurité dans l’exercice de leur profession ?

L’exercice libre et indépendant du métier de journaliste est de plus en plus difficile et dangereux. C’est le cas dans de nombreux pays, et pas seulement les pays en guerre. C’est vrai aussi malheureusement dans certaines démocraties, y compris dans certains pays européens où des journalistes ont été assassinés.

Mais c’est particulièrement dangereux dans les zones de conflit comme la bande sahélienne où la presse libre n’est appréciée par personne, ni par les groupes jihadistes, ni par plusieurs régimes très autoritaires. Les grands médias internationaux comme Rfi sont coupés dans plusieurs pays sur la bande Fm, mais il ne faut pas s’y tromper : au-delà des grands médias comme Rfi, ce sont tous les journalistes locaux qui sont visés, menacés, enlevés, emprisonnés. C’est toute forme de presse libre qui est dans le viseur.

Les Etats ne sont, dans ce combat pour la liberté de la presse, que d’un soutien relatif. C’est d’abord à la presse de s’organiser. S’organiser en trouvant des parades pour continuer à informer et contourner les censures, via les supports numériques par exemple, via les ondes courtes. En diffusant aussi de plus en plus, comme le fait Rfi, dans les langues régionales (Rfi émet en mandenkan, en fulfulde, en haoussa, en kiswahili). Et en formant les journalistes aux questions de sécurité (sécurité physique, informatique, notamment) ce à quoi nous attachons une importance cruciale au sein de France Médias Monde, via notre Académie et notre direction de la sûreté.

Mais le plus important, c’est sans doute que le grand public soit conscient que ce combat des journalistes pour la liberté d’informer est une clé de voûte de la liberté tout court■