La Nation Bénin...
Face au défi d’accès au financement, le Bénin déploie une stratégie ambitieuse de soutien aux Petites et moyennes entreprises et aux jeunes porteurs de projets. Entre dispositifs publics, partenariats institutionnels et initiatives novatrices, le pays a construit un écosystème entrepreneurial plus inclusif, tourné vers la compétitivité et la création d’emplois durables.
Les Petites et moyennes entreprises (Pme) représentent plus de 90 % du tissu économique au Bénin et jouent un rôle essentiel dans la création de richesse et d’emplois. Pourtant, leur développement a longtemps été freiné par la difficulté d’accès au financement, un obstacle récurrent pour la plupart des entrepreneurs. Conscient de cet enjeu, le Bénin a opté pour une approche intégrée et innovante, visant à renforcer l’écosystème entrepreneurial à travers des réformes, des instruments financiers adaptés et un accompagnement ciblé. Désormais, les dispositifs publics et privés de soutien à l’entrepreneuriat se renforcent, s’articulant autour d’objectifs communs qui permettent de structurer, d’accompagner et de financer durablement les porteurs de projets. Laurent Gangbès, directeur général de l’Agence de développement des petites et moyennes entreprises (Adpme) reconnait leur place dans l’économie nationale et soutient que le développement ne peut se concevoir sans un secteur privé solide. C’est d’ailleurs dans ce sens que l’agence a été créée pour dynamiser le tissu entrepreneurial. Elle s’impose aujourd’hui comme un acteur central de la politique économique nationale. « Nous aidons chaque entrepreneur, chaque Pme à se développer, à franchir des étapes, à accéder à des marchés », explique-t-il. L’Adpme offre ainsi des services d’appui technique, des formations en gestion, et des mécanismes d’accompagnement vers le financement, notamment à travers des partenariats avec les institutions de microfinance et les banques commerciales. Récemment, 150 entreprises à fort potentiel ont été sélectionnées pour bénéficier d’un accompagnement stratégique visant à en faire les futurs champions industriels du Bénin, capables de rivaliser sur les marchés internationaux.
Djalilou Issiaka, jeune entrepreneur de 33 ans, s’est lancé dans la transformation du soja. Comme beaucoup de jeunes, il se heurtait à certains obstacles dont le manque de financement, l’absence de garantie bancaire et la difficulté à formaliser son activité. « L’Adpme m’a orienté vers un programme de structuration d’entreprise. J’ai reçu une formation sur la gestion comptable et le marketing, puis un accompagnement pour constituer mon dossier de financement », raconte-t-il. Grâce à l’appui de l’Adpme, le jeune entrepreneur obtient un prêt de 10 millions de francs Cfa auprès d’une institution partenaire. Aujourd’hui, il emploie huit jeunes et commence à exporter vers le Nigeria. Pour lui, ce soutien a été un véritable tremplin. Il en appelle désormais à une plus grande vulgarisation de ces dispositifs pour que d’autres jeunes en bénéficient.
Réservoir d’initiatives
Dans le secteur agricole, les Agences territoriales de développement agricole (Atda) jouent un rôle déterminant. Leur mission est de professionnaliser les filières agricoles et connecter les producteurs aux marchés et aux financements. Avec l’appui des Atda, de nombreux jeunes se sont reconvertis dans des chaînes de valeur à fort potentiel telles que le riz, le soja, l’ananas, le karité, le maraîchage... Les formations à la gestion, la facilitation de crédits saisonniers et les subventions ciblées permettent d’amorcer une véritable mutation du monde rural. Des opportunités dont Grâce Hossou a bénéficié pour se lancer dans l’entrepreneuriat agricole. Elle quitte Cotonou pour lancer une exploitation de produits maraîchers bio à Allada. « L’Atda m’a aidée à établir mon plan d’affaires et à accéder à un microcrédit agricole de 5 millions de francs Cfa. Avec ce financement, j’ai pu acquérir un système d’irrigation et former des femmes du village », décrit-elle. Aujourd’hui, Grâce Hossou livre les produits maraîchers à plusieurs restaurants et hôtels à Cotonou et environs et montre qu’on peut réussir dans l’agriculture moderne grâce aux outils mis en place par le gouvernement. Pour cette jeune entrepreneure, la synergie entre les programmes agricoles et les structures d’appui aux Pme ouvre une nouvelle voie pour un entrepreneuriat rural durable et rentable.
Le Fonds national de la microfinance (Fnm), à travers le programme de crédit Alafia, joue un rôle déterminant dans la démocratisation de l’accès au financement. En s’appuyant sur le réseau national des Systèmes financiers décentralisés (Sfd), ce programme facilite la mise à disposition de crédits adaptés aux petits entrepreneurs, aux artisans et aux commerçants, souvent exclus du circuit bancaire classique. Aujourd’hui à sa troisième phase, le crédit Alafia permet à ses bénéficiaires d’obtenir des financements à partir de 200 000 francs Cfa, avec des conditions souples et un accompagnement de proximité. En ciblant particulièrement les femmes et les jeunes porteurs d’initiatives, ce dispositif contribue concrètement à l’autonomisation économique et à la vitalité du tissu productif local.
Booster la créativité
L’un des plus récents outils mis en place par le gouvernement pour consolider la dynamique entrepreneuriale reste la création du Fonds d’investissement et de garantie des petites et moyennes entreprises (Fig-Pme). Ce mécanisme vise à faciliter l’accès au crédit pour les entrepreneurs à fort potentiel, en réduisant le risque perçu par les institutions financières. Le Fig-Pme se distingue par une approche qui cible non seulement les secteurs productifs classiques tels que l’agriculture, l’agro-industrie et les services, mais aussi des domaines longtemps négligés comme les arts, la culture et l’artisanat. Ces filières, pourtant riches en créativité et en valeur ajoutée peinent souvent à accéder aux financements bancaires traditionnels faute de garanties suffisantes ou de modèles économiques conventionnels. Ici, le fonds fonctionne selon un double mécanisme. La garantie des crédits accordés aux entrepreneurs et l’investissement direct sous forme de prises de participation dans les entreprises prometteuses. L’objectif est de catalyser les initiatives à fort impact économique, social ou culturel. Plusieurs jeunes artisans et créateurs ont déjà pu bénéficier de ce dispositif pour moderniser leurs ateliers, développer leurs marques ou exporter leurs produits. En soutenant ainsi la filière créative, le gouvernement entend valoriser le génie béninois, faire du made in Benin un label reconnu et renforcer la place de la culture dans l’économie nationale. À terme, le Fig-Pme ambitionne de devenir un levier durable de financement des industries culturelles et créatives, tout en renforçant la confiance entre les entrepreneurs et les institutions financières.
À un niveau plus élevé, la Caisse des dépôts et consignations du Bénin (Cdc Bénin) agit comme catalyseur du financement des grands projets. Elle décide désormais d’inclure davantage les femmes et les jeunes dans les circuits de financement structurants. Dans ce sens, l’initiative Idera est née il y a quelques jours pour faire émerger de grands projets portés par des femmes. « Investir dans les femmes n’est pas un geste social, c’est une stratégie assumée de croissance », affirme Maryse Lokossou, directrice générale de la Cdc Bénin. Ces innovations traduisent la volonté du Bénin de bâtir un écosystème entrepreneurial cohérent, dans lequel chaque acteur, public ou privé, trouve sa place.
Les jeunes entrepreneurs agricoles, soutenus par l’Agence territoriale de développement agricole (Atda), redonnent espoir au secteur rural par l’innovation et la persévérance