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Célébration des 30 ans de la Haac: Régulation médiatique, numérique et intelligence artificielle au cœur des réflexions

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Ce colloque international vise à proposer des stratégies adaptées pour garantir une régulation efficace et équilibrée Ce colloque international vise à proposer des stratégies adaptées pour garantir une régulation efficace et équilibrée

Cotonou accueille depuis hier jeudi 10 juillet, à l’occasion du 30 anniversaire de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac), un colloque international dédié à la régulation des médias à l’ère du numérique et de l’Intelligence artificielle. Pendant trois jours, experts, membres du Réseau des instances africaines de régulation, représentants d’institutions et personnalités politiques, vont réfléchir ensemble aux grands défis actuels et proposer des stratégies pertinentes pour une régulation efficace, notamment en période électorale.

 

Par   Isidore Gozo, le 11 juil. 2025 à 07h02 Durée 3 min.
#Régulation médiatique #HAAC Bénin

Face à la montée en puissance des réseaux sociaux, aux deepfakes et aux contenus générés par l’intelligence artificielle, comment garantir une information fiable et préserver la démocratie, surtout en période électorale ? À Cotonou, régulateurs africains et experts confrontent leurs visions et proposent des pistes pour réinventer la régulation médiatique à l’ère numérique. Organisé en partenariat avec le Réseau des instances africaines de Régulation de la Communication (Riarc), ce colloque international vise à proposer des stratégies adaptées pour garantir une régulation efficace et équilibrée.

Dans son allocution, Édouard Loko, président de la Haac, a retracé le chemin parcouru depuis la création de l’institution en 1994. Selon lui, la Haac a accompagné six élections présidentielles, huit législatives et quatre communales, s’efforçant de garantir la pluralité et l’équité médiatiques. Cependant, le président n’a pas caché son inquiétude face aux mutations profondes du paysage médiatique. « Nous sommes des acteurs et savons que les prochaines élections ne se passeront pas forcément comme les autres, parce qu’il y a une nouvelle donne: le prodigieux avancement des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle », a-t-il souligné. Édouard Loko redoute notamment l’impact d’algorithmes alimentés de fausses données, susceptibles de produire et de diffuser des « résultats plus vrais que nature » à grande échelle. Ces dérives pourraient échapper non seulement aux médias traditionnels mais aussi aux instances de régulation. D’où la nécessité, selon lui, de mobiliser « l’intelligence humaine» pour anticiper et contrôler ces dérives potentielles.

Prenant la parole, René Bourgoin, président du Riarc, a insisté sur l’importance d’adapter la régulation aux réalités africaines, tout en restant fidèle aux valeurs démocratiques. Selon lui, les médias jouent un rôle central dans la construction d’une société juste et inclusive, mais ils font désormais face à une concurrence redoutable des réseaux sociaux et des technologies émergentes. «Ces évolutions peuvent entraîner une érosion de la confiance du public, qui se détourne des médias classiques au profit de plateformes où prolifèrent fausses informations et deepfakes », a-t-il averti. Ces contenus manipulés, souvent diffusés massivement, rendent la détection des fake news plus difficile. René Bourgoin a plaidé pour une régulation à la fois ferme et respectueuse des libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression et le respect de la vie privée. « Ni le numérique, ni l’intelligence artificielle ne doivent constituer un frein à la régulation», a-t-il affirmé, tout en appelant à « réinventer constamment nos mécanismes de régulation ». Parmi les pistes envisagées figurent le développement d’outils numériques de veille, la coopération renforcée entre régulateurs africains et la promotion d’une culture citoyenne du numérique.

Un contexte marqué par la résilience démocratique

La vice-présidente du Bénin, Mariam Chabi Talata, a rappelé le long chemin parcouru par le pays depuis les années d’instabilité politique. Après les coups d’État et les turbulences ayant valu au Bénin le surnom « d’enfant malade de l’Afrique », la Conférence nationale de 1990 a ouvert une ère nouvelle, fondée sur le multipartisme, la liberté d’opinion et la pluralité médiatique. C’est dans cet élan qu’a été créée en 1994 la Haac, première instance de régulation des médias en Afrique de l’Ouest. Pour Mariam Chabi Talata, la régulation doit aujourd’hui se réinventer face aux défis du numérique et de l’intelligence artificielle, tout en restant fidèle aux principes démocratiques. «Comment garantir transparence, égalité et justice à tous les acteurs politiques, quand certains disposent d’une maîtrise poussée des outils numériques et de l’intelligence artificielle ? » s’est-elle interrogée. Elle a également souligné que la régulation ne doit pas se limiter à contraindre, mais qu’elle doit aussi accompagner, former et sensibiliser les médias et les citoyens aux risques et aux bonnes pratiques du numérique.

Mariam Chabi Talata a insisté sur le fait que l’Afrique ne peut plus rester spectatrice des grandes évolutions technologiques mondiales. « L’Afrique doit désormais suivre le monde par ses propres solutions, pertinentes et adaptées à nos réalités électorales», a-t-elle affirmé. Elle a encouragé les régulateurs africains à développer leurs propres cadres réglementaires et outils technologiques, pour ne pas subir passivement les conséquences de l’innovation. Au-delà des discours, le colloque est l’occasion de proposer des pistes concrètes pour renforcer la régulation à l’ère du numérique. Les intervenants ont évoqué la nécessité d’une approche multipartite, impliquant non seulement les institutions publiques, mais aussi les plateformes numériques, les journalistes, la société civile et les citoyens. Cette régulation collaborative devrait, selon eux, combiner innovations technologiques, dispositifs juridiques adaptés et formation continue des acteurs des médias. L’objectif étant de garantir que la technologie serve la démocratie et ne devienne pas une menace pour la stabilité sociale et politique.