La Nation Bénin...
Cotonou accueille depuis hier jeudi 10 juillet, à
l’occasion du 30ᵉ anniversaire de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication
(Haac), un colloque international dédié à la régulation des médias à l’ère du
numérique et de l’Intelligence artificielle. Pendant trois jours, experts,
membres du Réseau des instances africaines de régulation, représentants
d’institutions et personnalités politiques, vont réfléchir ensemble aux grands
défis actuels et proposer des stratégies pertinentes pour une régulation
efficace, notamment en période électorale.
Face à la montée en puissance des réseaux sociaux, aux
deepfakes et aux contenus générés par l’intelligence artificielle, comment
garantir une information fiable et préserver la démocratie, surtout en période
électorale ? À Cotonou, régulateurs africains et experts confrontent leurs
visions et proposent des pistes pour réinventer la régulation médiatique à
l’ère numérique. Organisé en partenariat avec le Réseau des instances
africaines de Régulation de la Communication (Riarc), ce colloque international
vise à proposer des stratégies adaptées pour garantir une régulation efficace
et équilibrée.
Dans son allocution, Édouard Loko, président de la Haac,
a retracé le chemin parcouru depuis la création de l’institution en 1994. Selon
lui, la Haac a accompagné six élections présidentielles, huit législatives et
quatre communales, s’efforçant de garantir la pluralité et l’équité
médiatiques. Cependant, le président n’a pas caché son inquiétude face aux
mutations profondes du paysage médiatique. « Nous sommes des acteurs et savons
que les prochaines élections ne se passeront pas forcément comme les autres,
parce qu’il y a une nouvelle donne: le prodigieux avancement des nouvelles
technologies et de l’intelligence artificielle », a-t-il souligné. Édouard Loko
redoute notamment l’impact d’algorithmes alimentés de fausses données,
susceptibles de produire et de diffuser des « résultats plus vrais que nature »
à grande échelle. Ces dérives pourraient échapper non seulement aux médias
traditionnels mais aussi aux instances de régulation. D’où la nécessité, selon
lui, de mobiliser « l’intelligence humaine» pour anticiper et contrôler ces
dérives potentielles.
Prenant la parole, René Bourgoin, président du Riarc, a
insisté sur l’importance d’adapter la régulation aux réalités africaines, tout
en restant fidèle aux valeurs démocratiques. Selon lui, les médias jouent un
rôle central dans la construction d’une société juste et inclusive, mais ils
font désormais face à une concurrence redoutable des réseaux sociaux et des
technologies émergentes. «Ces évolutions peuvent entraîner une érosion de la
confiance du public, qui se détourne des médias classiques au profit de
plateformes où prolifèrent fausses informations et deepfakes », a-t-il averti.
Ces contenus manipulés, souvent diffusés massivement, rendent la détection des
fake news plus difficile. René Bourgoin a plaidé pour une régulation à la fois
ferme et respectueuse des libertés fondamentales, notamment la liberté
d’expression et le respect de la vie privée. « Ni le numérique, ni
l’intelligence artificielle ne doivent constituer un frein à la régulation»,
a-t-il affirmé, tout en appelant à « réinventer constamment nos mécanismes de
régulation ». Parmi les pistes envisagées figurent le développement d’outils
numériques de veille, la coopération renforcée entre régulateurs africains et la
promotion d’une culture citoyenne du numérique.
Un contexte marqué par la résilience démocratique
La vice-présidente du Bénin, Mariam Chabi Talata, a
rappelé le long chemin parcouru par le pays depuis les années d’instabilité
politique. Après les coups d’État et les turbulences ayant valu au Bénin le
surnom « d’enfant malade de l’Afrique », la Conférence nationale de 1990 a
ouvert une ère nouvelle, fondée sur le multipartisme, la liberté d’opinion et
la pluralité médiatique. C’est dans cet élan qu’a été créée en 1994 la Haac,
première instance de régulation des médias en Afrique de l’Ouest. Pour Mariam
Chabi Talata, la régulation doit aujourd’hui se réinventer face aux défis du
numérique et de l’intelligence artificielle, tout en restant fidèle aux principes
démocratiques. «Comment garantir transparence, égalité et justice à tous les
acteurs politiques, quand certains disposent d’une maîtrise poussée des outils
numériques et de l’intelligence artificielle ? » s’est-elle interrogée. Elle a
également souligné que la régulation ne doit pas se limiter à contraindre, mais
qu’elle doit aussi accompagner, former et sensibiliser les médias et les
citoyens aux risques et aux bonnes pratiques du numérique.
Mariam Chabi Talata a insisté sur le fait que l’Afrique ne peut plus rester spectatrice des grandes évolutions technologiques mondiales. « L’Afrique doit désormais suivre le monde par ses propres solutions, pertinentes et adaptées à nos réalités électorales», a-t-elle affirmé. Elle a encouragé les régulateurs africains à développer leurs propres cadres réglementaires et outils technologiques, pour ne pas subir passivement les conséquences de l’innovation. Au-delà des discours, le colloque est l’occasion de proposer des pistes concrètes pour renforcer la régulation à l’ère du numérique. Les intervenants ont évoqué la nécessité d’une approche multipartite, impliquant non seulement les institutions publiques, mais aussi les plateformes numériques, les journalistes, la société civile et les citoyens. Cette régulation collaborative devrait, selon eux, combiner innovations technologiques, dispositifs juridiques adaptés et formation continue des acteurs des médias. L’objectif étant de garantir que la technologie serve la démocratie et ne devienne pas une menace pour la stabilité sociale et politique.
Ce colloque international vise à proposer des stratégies adaptées pour garantir une régulation efficace et équilibrée