La Nation Bénin...
La transition vers une économie plus durable et résiliente au changement climatique ne peut se faire sans l’engagement du secteur privé. C’est dans cet esprit que s’est ouverte, jeudi 2 octobre à Cotonou, une formation sur les marchés du carbone à l’endroit du secteur privé, organisée par la Banque ouest-africaine de développement (Boad) et l’Alliance ouest-africaine pour les marchés carbone, en partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations du Bénin et la Société d’investissement et de promotion de l’industrie.
Forêts,
agriculture, énergie, industrie… autant de secteurs clés qui offrent au Bénin
un potentiel considérable sur les marchés carbone. Les 2 et 3 octobre, un
atelier à Cotonou a permis d’explorer ces opportunités et d’impliquer davantage
les entreprises locales. La lutte contre le changement climatique passe aussi
par l’innovation financière.
Des
acteurs du secteur privé réfléchissent ensemble à la manière de transformer les
crédits carbone en outils de compétitivité et de croissance verte. Le marché
mondial du carbone représente près de 949 milliards de dollars. Le Bénin, riche
de son potentiel forestier et agricole veut désormais s’y positionner. Pendant
deux jours, acteurs publics et privés se pencheront sur les opportunités
qu’offre ce mécanisme innovant de financement climatique et sur la manière de
l’adapter au contexte béninois.
Dans son discours d’ouverture, Maryse Lokossou, directrice générale de la Caisse des dépôts et consignations du Bénin, a rappelé l’ambition de cette rencontre. « Nous voulons apprendre, comprendre et surtout expérimenter de façon pragmatique, ensemble, la manière dont les crédits carbone peuvent être monétisés à travers des projets concrets », soutient-elle. Elle a souligné l’importance pour le Bénin de maîtriser les mécanismes des marchés carbone volontaires et de conformité, afin de transformer les projets existants en leviers de réduction des émissions et en sources de revenus additionnels. Selon elle, cette formation doit être une opportunité pour dégager une feuille de route opérationnelle et adaptée aux réalités nationales. Aussi, met-elle en avant le rôle de la Cdcb et de ses partenaires qui financent déjà des projets à impact, lesquels pourront servir de cas pratiques pour tester la viabilité et le potentiel des marchés carbone.
Un marché en pleine expansion
Pour sa part, Létondji Beheton, directeur général de la Sipi Bénin, a replacé la rencontre dans le contexte plus large du marché carbone mondial. « En 2023, la valeur de ce marché a atteint près de 949 milliards de dollars américains, dont 87 % concentrés en Europe », a-t-il indiqué. Pour l’Afrique de l’Ouest, le potentiel est estimé à plus de 50 millions de tonnes par an dans des secteurs stratégiques tels que l’énergie, l’agriculture, la foresterie et la gestion des déchets. Pour le Bénin, le potentiel est particulièrement prometteur avec plus de quatre millions d’hectares de forêts et de terres agricoles éligibles. Des initiatives émergent déjà, à l’instar de Bénin Cajou, installée dans la zone industrielle de Glo-Djigbé, qui pourrait générer plus de 300 000 tonnes de crédits carbone en dix ans grâce à la valorisation des sous-produits de la noix de cajou, reconnait-il. Malgré ce potentiel, il reconnait que la participation du secteur privé reste limitée, freinée par un manque d’informations, de compétences techniques et de projets suffisamment structurés. D’où la nécessité d’un cadre de gouvernance clair et de mécanismes d’appui adaptés.
Intervenant au nom de l’Alliance ouest-africaine pour les marchés carbone et la finance climat, Jonathan Dossey, du département Développement durable et climat de la Boad, a insisté sur l’importance de cette dynamique régionale. « Les marchés carbone, développés dans le cadre de l’article 6 de l’Accord de Paris, offrent à nos pays de réelles opportunités de mobilisation de financements climatiques additionnels, stimulation de l’innovation technologique et industrielle, valorisation des efforts de réduction d’émissions déjà entrepris », a-t-il affirmé. Mais pour que ces opportunités deviennent réalité, le rôle du secteur privé est central. « Ce sont les entreprises, les industries, les investisseurs et les entrepreneurs qui détiennent une grande partie du potentiel de transformation de nos économies », a-t-il ajouté.
Des échanges pour structurer
L’agenda
de la formation prévoit une introduction aux marchés carbone et à leur
fonctionnement, une présentation du cadre réglementaire béninois et des
mécanismes internationaux, ainsi que des cas pratiques issus d’expériences
africaines. Des projets exemplaires seront présentés, notamment l’expérience de
Sonaged au Sénégal dans la gestion des déchets et la génération de crédits
carbone, ou encore l’initiative « Carbon Market 4 Global Equity ». Les
participants devront analyser les modèles proposés, identifier les lacunes et
sélectionner deux à trois projets pilotes à fort potentiel pour le Bénin. Ces
projets devraient servir de base à une stratégie nationale de participation
active aux marchés carbone.
Au
terme de ces deux jours, les organisateurs espèrent que les entreprises
béninoises auront non seulement une meilleure compréhension des mécanismes de
valorisation carbone, mais aussi des pistes concrètes pour initier ou renforcer
leurs projets.
«
Nous ouvrons une nouvelle voie de création de valeur où performances
économiques et impacts climatiques vont de pair», projette Maryse Lokossou.
Expérimenter de façon pragmatique la manière dont les crédits carbone peuvent être monétisés à travers des projets concrets