La Nation Bénin...
En cent jours, la nouvelle mandature a entrepris de
transformer en profondeur le Conseil économique et social (Ces). D’une
institution perçue comme distante et centralisée, elle entend en faire une
institution proche des citoyens, à l’écoute des réalités locales et capable
d’influencer concrètement les politiques publiques. Entre tournées nationales,
réformes internes et volonté affirmée, le président du Ces trace la voie d’une
gouvernance nouvelle, ancrée sur le terrain et tournée vers l’impact social.
A la tête du Conseil économique et social (Ces) depuis quelques mois, Conrad Gbaguidi n’a pas perdu de temps. Tournées nationales, rencontres avec les acteurs de terrain, effectif renforcé, nouvelles attributions … Sous sa houlette, le Ces s’est engagé dans une transformation ambitieuse, passant d’une structure centralisée et souvent méconnue du grand public à un véritable relais entre les institutions et les citoyens. Pour Conrad Gbaguidi, la principale transformation du Ces tient dans son passage d’une structure « centralisée » à une structure « de terrain». Autrefois concentré à Cotonou, le Ces dispose désormais d’antennes départementales actives, incarnées par 12 coordonnateurs et 117 conseillers, soit 9 par département et 9 au niveau national. « C’est une belle innovation», note le président, qui insiste sur cette proximité nouvelle. « Nous pouvons travailler directement avec les populations, écouter leurs préoccupations et en faire remonter l’essentiel au niveau national », a-t-il fait savoir. Cette réforme territoriale du Ces répond à un double besoin. Il s'agit de redonner la parole aux citoyens et d’adapter les politiques publiques aux réalités locales. Pour Conrad Gbaguidi, ce n’est pas depuis un bureau de Cotonou que l’on peut savoir ce que vivent les populations. Il faut aller sur le terrain, prendre le pouls, expliquer les réformes et recueillir les avis.
Le Ces conserve bien sûr ses attributions traditionnelles qui sont celles de réaliser des études, formuler des recommandations et donner son avis sur les projets de développement et les politiques publiques. Mais il dispose désormais de nouvelles prérogatives territorialisées, qui lui permettent d’intervenir de manière plus concrète dans chaque département. Ce choix stratégique s’appuie sur une méthode claire : écouter, analyser et recommander. Dès le premier mois, le président et son équipe ont entrepris une tournée nationale. Dans chaque département, ils ont réuni un panel représentatif de la société béninoise à savoir des agriculteurs, des artisans, des opérateurs économiques, des acteurs culturels, des élus locaux et même des représentants des partis politiques. L’objectif étant d’identifier et de formaliser les priorités locales. « Nous avons dégagé près de 120 priorités sur l’ensemble du pays », se félicite Conrad Gbaguidi. Ces priorités alimenteront ensuite des travaux d’étude et de réflexion, pour produire des recommandations adaptées aux réalités territoriales. « Il ne s’agit pas seulement de constater, mais d’apporter des réponses concrètes et d’accompagner l’action publique », explique-t-il.
Un Ces plus grand, plus fort et plus collaboratif
Autre symbole fort de cette réforme, l’augmentation
significative de l’effectif du Ces, passé de 30 à 117 membres. Pour Conrad
Gbaguidi, cette montée en puissance n’est pas qu’un simple élargissement. «
C’est la preuve que l’on veut donner plus de place au dialogue social et
territorial », insiste-t-il. Le Ces se veut aussi un espace de collaboration
entre institutions. Le président cite en exemple le séminaire historique du 30
mai dernier, qui a réuni autour du président de la République le gouvernement,
l’ensemble du Ces, les préfets et l’Assemblée nationale. « C’est inédit et
révélateur d’une volonté politique claire de faire du Ces un outil utile et
reconnu », affirme-t-il. Conscient que le Ces est encore trop peu connu du
grand public, Conrad Gbaguidi a défini une feuille de route en trois étapes.
Les trois premiers mois étaient consacrés à « faire connaître » l’institution
et ses missions. Les trois suivants visent à « faire reconnaître » son rôle
concret auprès des citoyens. Enfin, au bout de neuf mois, le président souhaite
démontrer l’« impact » réel du Ces sur la vie quotidienne des populations. « Si
au bout de neuf mois, les populations peuvent dire que le Ces a apporté quelque
chose de concret dans leur quartier, leur commune ou leur département, alors
nous aurons réussi », résume-t-il.
Certains ont vu dans la composition du nouveau Ces une simple « récompense » pour d’anciens élus ou responsables politiques. Conrad Gbaguidi s’inscrit en faux. « C’est plutôt une chance d’avoir des gens expérimentés, qui connaissent le terrain, qui savent ce qui fonctionne et ce qui a déjà échoué. Cela nous fait gagner du temps et nous évite des erreurs », a-t-il affirmé. Même si plusieurs membres sont issus de partis politiques, le président insiste sur la posture attendue. « Au Ces, on travaille pour la nation, pas pour un parti. Nous avons intégré cette règle dans notre règlement intérieur et jusqu’à présent, elle est respectée », a-t-il ajouté.
Répondre aux attentes des populations
La tournée nationale n’a pas seulement permis
d’identifier des priorités, elle a aussi été l’occasion d’expliquer des
réformes parfois mal comprises, comme la nouvelle loi sur la chefferie
traditionnelle. « Certains étaient mécontents au départ, mais après
explication, beaucoup ont compris l’intérêt de ces réformes», confie Conrad
Gbaguidi. Le Ces veut ainsi être un relais pédagogique, pour rapprocher
l’action publique des citoyens. Le président évoque aussi d’autres actions à
venir, notamment des campagnes d’information sur la santé sexuelle et
reproductive des femmes, ou des rencontres dédiées aux jeunes. « Nous n’allons
pas oublier les femmes ni les jeunes. Tout le monde doit participer à la
construction de la nation », martèle-t-il. Certains pourraient penser qu’un
conseil consultatif est condamné à l’impuissance. Conrad Gbaguidi réfute cette
idée. « Le Ces n’est pas là pour exécuter, mais pour éclairer. Si l’Exécutif
suffisait à tout faire seul, cet instrument n’existerait pas. Notre force,
c’est notre capacité à faire remonter les besoins du terrain et à alimenter les
décisions publiques », a-t-il lâché. Grâce à des échanges réguliers avec le
chef de l’État et d’autres institutions, le Ces entend faire valoir ses
recommandations. « C’est à l’Exécutif de décider ce qu’il en fait, mais nous
avons la responsabilité de porter la voix des citoyens », précise-t-il.
Pour Conrad Gbaguidi, ces 100 premiers jours sont surtout une étape dans une ambition plus large : faire du Ces, un acteur incontournable du dialogue national et de la construction de la nation béninoise. « Nous voulons que le Ces aide les populations à mieux vivre ensemble, à se sentir écoutées et à participer aux choix collectifs », conclut-il. Plus qu’un simple bilan, ces 100 jours esquissent la promesse d’un Ces renouvelé, ancré sur le terrain et tourné vers l’impact concret. Un défi, que le président et ses 117 conseillers semblent déterminés à relever.
Conrad Gbaguidi, président du Ces